J’ai eu la chance de rencontrer le CRIDEV il y a une année et ce qui m’a beaucoup étonné c’est leur position critique par rapport aux initiatives et façons de faire de leur propre société.
Je n’ai pas toujours connu des blanc-he-s dans cet état d’esprit.
Je m’appelle Yempabou, Noël Combary, gourmanché de l’est du Burkina Faso, je suis le 24e enfant sur 33 de mon père Abdou Albert Combary, et 4e enfant de ma mère Tapao Thiombiano qui était la 4e épouse. Merci de garder vos réflexions sur la polygamie pour vous, si mon père ne l’avait pas été, étant enfant de la 4e épouse, je n’aurais certainement pas eu le privilège d’être là à écrire cet édito...
Depuis plus de 10 ans avec l’association Vivre aux Villages (VIVAVI) j’ai conduit des séjours solidaires dans ma région au contact des réalités des villages. J’ai aimé présenter aux voyageur-euses français-e-s ma culture et la vision du monde des Gourmanchés. J’ai été étonné de l’empathie qu’ont manifesté ces personnes pour aider à améliorer les réalités difficiles qu’ils-elles ont rencontré-es.
Toutefois dans la manière d’agir ensemble sur ces réalités, que de quiproquos et que de gâchis aussi !
La plupart du temps ceux-celles qui ont voulu nous aider voulaient qu’on devienne comme eux- elles, selon leurs représentations, leurs visions. Et pourtant cela ne correspondait pas toujours à nos propres aspirations. Mais dans une société de survie comme la nôtre au Burkina nous n’avons pas suffisamment de marge pour dire NON. Et donc nous avons fait comme ils-elles voulaient avec amertume parfois.
Ce sont ces problématiques qui m’ont interrogé dès lors sur le sens de l’aide, je me suis rendu compte que les humains veulent tou-te-s faire du bien pour les autres dans leurs premiers sentiments mais en même temps il est véritablement difficile voire dangereux d’aider quelqu’un-e qu’on ne connaît pas ou encore de se faire aider par quelqu’un-e qu’on ne connaît pas ! Le danger principal pour moi étant que dans les rapports d’aide il y ait également des rapports d’allégeances, c’est le piège sur lequel toutes les parties doivent réfléchir.
Historiquement, au cours de la rencontre entre les occidentaux et nous, je note surtout la frustration des premier-ère-s d’avoir aidé sans voir le développement qu’ils-elles attendaient et l’amertume des « noirs » sur le fait que les « blancs » ne sont pas sincères dans la volonté de l’aider.
Nos accusations envers les occidentaux sont qu’ils-elles nous ont formés pour produire et travailler en vue de servir leur économie tout en nous coupant de nos propres racines et de la réflexion sur un développement endogène.
Les modes de vie ont ensuite été orientés vers une assimilation au modèle dit du « Nord » plutôt qu’à la valorisation de notre propre organisation sociale. L’Afrique est un des continents les plus riches de par son sous-sol, il regroupe une forte population jeune et pourtant nous sommes toujours dans la pauvreté économique après 100 ans de « collaboration » dites « Nord -Sud ». Nous sommes donc en droit de nous demander : « Comment ont-ils-elles voulu nous aider ? »
La véritable difficulté aujourd’hui est pour nous de penser notre développement à notre manière et de pouvoir le faire entendre à ceux-celles qui veulent nous aider. Et même s’il me semble que cela est difficile au regard de la toute puissance capitaliste et néo-colonialiste, qui sont finalement des fléaux pour toutes les communautés, il est en tout cas nécessaire pour nous de prendre désormais position.
En effet, les systèmes dominants pour nous en Afrique de l’Ouest ce sont surtout les politiques néocoloniales qui se traduisent au quotidien par l’endettement, le maintien du Franc CFA, l’orientation de nos économies et modes de vie dans un marché capitaliste...
Il faut des rapports justes et donc le courage de part et d’autre d’accepter nos erreurs et de se donner le défi de penser autrement le sens du développement.
Certes, il restera toujours qu’il est difficile de voir autrement que par le prisme de notre formation socio-culturelle, il restera toujours le souci et la préoccupation de savoir « où va mon aide », mais en définitive, ce n’est pas parce qu’on aide quelqu’un-e qu’il doit nous ressembler, la marge de justice est là c’est-à-dire le laisser être comme il-elle veut.
Si au niveau local le travail de prendre le temps de se connaître et de se comprendre est accessible et peut se mettre en place, il me semble qu’il y ait à une échelle internationale des combats urgents pour toutes les sociétés à mener face à un système dominant et globalisant qui cherche finalement à nous uniformiser tous et toutes.