Comment le monde s’est trompé sur la Côte d’Ivoire

, par KOUAMOUO Téophile

Le second tour des élections présidentielles en Côte d’Ivoire, qui a lieu le 28 novembre 2010, a opposé deux adversaires politiques de longue date, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Pour cette raison, d’une importance stratégique, il était évident que cette élection déciderait de l’avenir du pays sur le long terme. Les personnes concernées auraient dû se poser cette question fondamentale : les élections de 2010 créeraient-elles les conditions permettant au peuple ivoirien de se projeter vers l’avenir ?

Cela n’a pas été fait.

En revanche, la communauté internationale a insisté sur le fait que pour mettre fin à la crise, la Côte d’ivoire devait tenir des élections démocratiques, quoique les conditions n’existaient pour aller à de telles élections. Bien qu’ils aient su que cette proposition était fondamentalement erronée, les Ivoiriens ne pouvaient pas résister à la pression internationale : ils devaient accepter d’organiser ces élections.

Cependant, la réalité objective est que les élections présidentielles ivoiriennes n’auraient dû se tenir au moment où elles se sont tenues. Il était parfaitement prévisible qu’elles renforceraient le conflit au lieu de l’éteindre.

La rébellion de 2002 en Cote d’ivoire a divisé le pays en deux parties, avec le nord dirigé par les Forces nouvelles, qui ont soutenu Alassane Ouattara, et le sud dans les mains du gouvernement dirigé par Gbagbo. Depuis lors, la Côte d’Ivoire a eu deux gouvernements, administrations armées et chefs « nationaux ».

Toute élection tenue dans ces circonstances renforcerait inévitablement les divisions et les animosités représentées et aggravées par la rébellion de 2002.

Les problématiques structurelles qui sont à la base de la rébellion de 2002 incluent des questions inflammables comme les tensions transnationales affectant particulièrement la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, les antagonismes ethniques et religieux ivoiriens, ld partage du pouvoir politique, et l’accès au pouvoir et aux opportunités économiques et sociales. A cet égard, la communauté internationale a assidument refusé de prendre en compte les perceptions des pro-Gbagbo, qu’elles soient fondées ou pas, dans le sud de la Côte d’Ivoire – et dans une bonne partie de l’Afrique francophone.

Pour beaucoup, Ouattara est un étranger né au Burkina Faso, responsable avec le président burkinabé Blaise Compaoré de la rébellion de 2002. Son arrivée au pouvoir aurait comme conséquence la prise du contrôle du pays par des étrangers Burkinabés. De plus, il a toujours été prêt à faire avancer la cause des intérêts français en Côte d’Ivoire.

C’est parce qu’elle a pris tout cela en considération que l’Union africaine a compris qu’une solution durable à la crise ivoirienne nécessitait un accord politique entre les deux factions ivoiriennes belligérantes, centralisé sur les questions interdépendantes de la démocratie, de la paix, de la réconciliation nationald et de l’unité.

Dans les négociations qui ont lieu à partir de 2002, les Ivoiriens ont convenu que les élections présidentielles ne devaient pas se tenir jusqu’à ce que diverses conditions aient été remplies. Parmi celles-ci, la réunification du pays, la restauration de l’administration nationale sur tout le territoire national, et le désarmement des rebelles et de toutes les milices et leur intégration dans la machine de sécurité nationale, avec le dernier processus complété au moins deux mois avant les élections présidentielles. Malgré le fait qu’aucune de ces conditions n’ait été mise en place, on a permis que les élections se tiennent.

Lire