Comment garantir les droits

Réseau IPAM (Initiatives pour un autre monde), 2003

, par MASSIAH Gustave

Les références aux droits se multiplient dans les discours et dans les textes officiels. Mais le fossé entre les déclarations officielles et la réalité ne cesse de grandir. Comment faire progresser dans la réalité le respect des droits ? Comment faire progresser l’ensemble des droits et leur indivisibilité, intégrer ce que signifie la liberté individuelle pour quelqu’un qui meurt de faim ? Quelles sont les politiques économiques et sociales qui permettent de garantir les droits ? Comment traduire la progression des droits dans un programme d’action internationale ?

Texte proposé par le réseau IPAM.

Les politiques néo-libérales, dans le contexte actuel de la mondialisation, ont eu des effets néfastes sur le respect des droits, tant civils et politiques, qu’économiques, sociaux et culturels. Les travaux du Comité des droits économiques, sociaux et culturels du Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies ont montré que la mise en oeuvre des plans d’ajustement structurel, les modalités de remboursement des dettes, la réduction des budgets sociaux se sont traduites par l’appauvrissement des plus pauvres et par une régression en matière de droits. Ces politiques ont conduit à la marginalisation des plus pauvres par la spéculation foncière et l’augmentation des prix des services. Les privatisations fondées sur la rentabilité économique, ignorant toute rentabilité sociale, ont mis en crise les services publics, réduit les investissements dans les équipements et les infrastructures, accru les inégalités et les discriminations. Ces conclusions sont confirmées par tous les rapports du Pnud, particulièrement par ceux de 1998 sur les inégalités et de 2000 sur les droits.

  • Le débat international sur les droits

Au centre du débat international sur les droits, on trouve toujours les questions de l’indivisibilité des droits, de leur interdépendance et de leur universalité. L’indivisibilité et l’interdépendance des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels ont été constamment réaffirmées. Ce sont des principes fondamentaux du droit international relatif aux droits de l’homme. Pour autant, il ne s’agit pas d’une évidence. Il a fallu surmonter le paradigme de la séparation qui relativisait le caractère fondamental des droits économiques et sociaux, les opposant aux droits civils et politiques, ignorant les droit culturels, dressant certains droits contre d’autres et formalisant des hiérarchies entre les droits. Il a fallu beaucoup d’efforts pour arriver à la conclusion qu’on ne peut pas garantir un droit si on ne les garantit pas tous.

La Déclaration universelle des droits de l’homme garantit la dignité et les droits. La référence à la dignité, en tant que valeur et en tant que droit, donne une profondeur particulière au débat sur les droits. La dignité humaine est à la base de tous les droits ; il s’agit de la dignité des personnes et de celle des civilisations.

La revendication de dignité donne une importance et une actualité particulière aux droits culturels. Aucun droit n’est extérieur aux autres ; en particulier, celui d’affirmer sa culture et son identité ; tous les droits sont, par nature, individuels et collectifs. Les droits culturels sont cités en dernier par ordre chronologique ; mais aujourd’hui, on conçoit que la vie culturelle est inséparable du développement. Les droits culturels s’inscrivent dans un processus, celui de vivre ensemble, en dépit et grâce aux différences. La réaffirmation de l’universalité des droits n’annule pas la difficulté de la penser et de la mettre en oeuvre en situation.

Le débat sur les droits est inséparable de l’interrogation sur la garantie des droits. Il ne s’agit pas d’opposer la déclaration des droits de leur garantie. La déclaration d’un droit par des instances légitimes, et notamment au niveau international, conserve tout son intérêt ; elle marque une reconnaissance, même quand les conditions permettant de le garantir et de le mettre en oeuvre ne sont pas réunies. Ainsi, les déclarations des droits de l’homme, au 18e siècle, n’étaient pas déclamatoires, elles avaient pour ambition d’anticiper. Il n’en est pas de même quand des droits ne sont pas garantis alors qu’il serait possible de le faire. La garantie des droits interroge alors la nature et la légitimité des pouvoirs.

Dans le contexte de la mondialisation, comment garantir les droits ? Qui peut les garantir, les définir, imposer les devoirs correspondants ? La première approche consiste à déterminer les responsabilités ; celles du pouvoir politique, et particulièrement des Etats et des institutions internationales, et celles du pouvoir économique et particulièrement des entreprises et des multinationales. Dès lors qu’une violation des droits est établie, il faut pouvoir interpeller ceux qui, par leurs actions ou leurs politiques, en sont responsables. Cette approche renvoie la justiciabilité des droits et à la définition des instances de recours à l’échelle internationale. Elle implique un réaménagement du rôle des institutions publiques dans la garantie des droits, notamment entre les échelles institutionnelles locales, nationales, régionales et mondiales. Elle induit un approfondissement de la conception de la citoyenneté et du rôle des citoyens dans la garantie des droits.