Chicago et Paris, métropoles de la ségrégation scolaire ?

Par Marco Oberti

, par La Vie des Idées

Comment réformer les programmes de discrimination positive dans l’éducation d’élite en France ? L’étude croisée des évolutions en cours à Paris et Chicago remet en cause la représentation classique de la promotion de la diversité aux États-Unis et par là même celle de la situation à Paris, où règnent opacité des critères de sélection et ségrégation territoriale.

Comment concilier formation de l’élite et diversification de son recrutement dans des métropoles caractérisées par la ségrégation ? Au moment où les programmes de discrimination positive pour l’accès aux lycées les plus prestigieux et aux filières sélectives de l’enseignement supérieur se développent en France, le regard sur les évolutions en cours dans la ville de Chicago apporte un éclairage d’autant plus intéressant qu’un nouveau système de discrimination y a été mis en place dans le domaine scolaire. Fondé en partie sur le profil socio-économique du quartier de résidence, il abandonne formellement la « race » comme critère légitime d’« affirmative action » et tend ainsi à atténuer les différences constatées traditionnellement entre la conception française d’une part, reposant sur une approche territoriale des populations concernées, indifférente formellement à l’appartenance ethnique, et au revenu et la conception états-unienne d’autre part, fondée sur l’appartenance à une « minorité ethnique ou raciale » [1].

Le regard croisé sur les deux contextes permet de s’interroger à la fois sur les limites du nouveau dispositif à Chicago, et sur celles du système français (francilien), beaucoup moins élaboré et formalisé dans ses procédures de diversification du recrutement. Les deux métropoles, avec leur expérience respective et des bilans contrastés sur la capacité de leur système éducatif à « diversifier » socialement, ethniquement et « racialement » leur élite, font face aux mêmes questions : qui doit-on avantager ? Quelles sont les implications d’un recrutement plus ouvert de l’élite dans un système « méritocratique » très compétitif et un nombre de places limité au sein de l’élite ? Comment agir sur le marché pour réguler des logiques de distribution inégale des ressources pertinentes pour la réussite scolaire ? Comment combiner critères sociaux et critères ethniques, mais aussi « raciaux » aux USA, ou liés à l’appartenance à un groupe d’origine visible en France ? Comment légitimer politiquement de telles orientations et comment « doser » des principes de discrimination positive ?

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Notes

[1Ce texte repose sur les résultats d’une étude dont on trouvera l’intégralité dans l’article suivant : Oberti, Marco (2011). « Ségrégation, sélectivité et “diversité“ dans les lycées publics de Chicago et Paris », Notes & Documents, 2011 02, Paris, OSC, Sciences Po/CNRS. Pour une version électronique de ce document de travail et des autres numéros des Notes & Documents de l’OSC, voir le site web de l’OSC