L’écologie industrielle, des alternatives à l’économie dominante

Champagne !

La coopération, la clé de la réussite

, par LaRevueDurable

La constance, voilà le premier secret du Club d’écologie industrielle de l’Aube. En neuf ans, ce groupe de vingt responsables – entrepreneurs, fonctionnaires, chercheurs – a beaucoup tâtonné. « Notre territoire est très vaste et il n’a pas été facile de trouver la bonne formule », témoigne Grégory Lannou, coordinateur du club à temps partiel depuis janvier 2006.

Des séminaires introductifs sur l’écologie industrielle et des rendez-vous de décideurs pour sensibiliser des chefs d’entreprise et des chefs d’exploitation agricole ont familiarisé un bassin d’acteurs de l’économie locale à la philosophie de cette nouvelle façon d’envisager le système industriel. Puis, à la faveur du projet Comethe, le club s’est engagé à faire émerger des synergies sur trois zones industrielles du département en 2008. Une démarche qui a abouti, deux ans plus tard, à une première synergie de mutualisation de l’approvisionnement.

Gilbert Lemelle, fabricant d’andouillettes et membre du club, a identifié sur la même zone industrielle un fabricant qui, dans la petite commune de Chaource, avait comme lui besoin de livrer ses produits en camions réfrigéré. Ils ont regroupé leur service d’expéditions : grâce au co-camionage des livraisons, le taux de remplissage des véhicules a bondi de 50 % à 98 % et le nombre de kilomètres parcourus chuté de moitié.

« Nous sommes un lieu d’échanges », relève Grégory Lannou, qui insiste sur l’importance d’accompagner les acteurs sans essayer de résoudre leurs problèmes à leur place. « Nous pouvons apporter les premiers éclaircissements sur un problème donné et faire le relais avec le monde de la recherche ou avec des bureaux techniques », note ce jeune ingénieur.

En 2008, l’entreprise de travaux publics Eifage doit répondre à un appel d’offres pour la construction d’une route qui exige une gestion environnementale. Il soumet le projet au club. Une option proposée consiste à réutiliser les matériaux issus de la déconstruction d’une bretelle d’autoroute. Bilan : 11 000 tonnes de matières recyclés, ce qui économise autant de matières vierges, de nombreux transports et 420 000 euros, soit 12 % du budget de l’opération.

Laisser l’initiative des thèmes et des projets est la meilleure méthode pour réussir. Quitte à devoir patienter avant de voir apparaître des résultats. En 2007, un responsable du Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC) voit la lumière en assistant à un séminaire du club. En 2011, en partenariat avec Verallia, fabricant de bouteilles pour le Champagne, GDF Suez et l’Agence nationale de la recherche, le CIVC monte un projet très ambitieux pour boucler en partie le cycle du carbone du champagne. Sous le nom BioViVe – biomasse viticole pour la fusion du verre –, il consiste à transformer le bois issu de la taille et de l’arrachage des vignes en gaz pour alimenter un four verrier.

Cette biomasse est actuellement brûlée sur les parcelles. A terme, si elle est récupérée pour chauffer le four, elle pourrait fournir 50 % de l’énergie nécessaire pour fabriquer les bouteilles champenoises. Ce qui réduirait les émissions de dioxyde de carbone (CO2) de 10 000 tonnes par an. L’installation de gazéification est en phase de test pour l’adapter au contenu ligneux spécifique de la vigne. Si l’expérience réussit, elle pourrait être dupliquée dans les usines Verallia de Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) et de Cognac (Charente). De quoi boire quelques verres à la santé du climat.