Ce qui est en jeu dans les élections de 2010 au Brésil

, par SADER Emir

 

Ce texte, publié originellement en portugais par ContrapontoPIG, a été traduit par Luciana Ogando, traductrice bénévole pour rinoceros.

 

Dans quelques mois, le Brésil aura décidé de son prochain président. Plusieurs particularités ressortent de cette campagne : depuis l’absence de Lula en tant que candidat - pour la première fois depuis que la fin de la dictature a ouvert la voie aux élections-, jusqu’à la présence de deux femmes parmi les trois candidats principaux.

Mais le thème principal en est le bilan de ce gouvernement jusqu’à présent inouï dans l’histoire politique du pays. Un président d’origine syndicale, immigré du Nordeste, arrive au bout de son mandat avec la plus grande popularité de l’histoire de son pays et soumet démocratiquement son gouvernement à un référendum populaire en présentant la coordinatrice de son gouvernement comme son successeur potentiel.

Il s’agit d’un gouvernement qui a commencé par s’éloigner de la trajectoire de la Zone de Libre-échange des Amériques empruntée par le gouvernement précédent, qui eut amené le Brésil et tout le continent, à la douloureuse situation du Mexique - qui a 90% de son commerce extérieur avec les États-Unis, ce qui a fait chuter son PIB de l’an dernier de 7% en raison de la crise, et qui a donc dû retourner voir le FMI et signer encore une fois sa « Lettre d’Intentions ».

Le nouveau gouvernement a permis un retour sur la scène internationale du Brésil, en privilégiant les processus d’intégration régionaux et les alliances avec les pays du Sud.

La Chine est devenue le premier partenaire commercial du Brésil, le second étant l’Amérique du Sud dans son ensemble, et le troisième les États-Unis. La crise est venue révéler les effets de ce changement : nous avons pu la surmonter rapidement grâce à la diversification du commerce international et une dépendance moindre vis-à-vis des États-Unis, de l’Europe et du Japon. Sans parler du rôle important joué par le marché intérieur de la consommation des ménages.

C’est bien là un des sujets en jeu : la place du Brésil dans le monde : poursuivre cette nouvelle forme d´insertion ou revenir à une alliance subordonnée aux États-Unis et aux autres grandes puissances du système ?

Un autre sujet où des changements majeurs ont eu lieu lors du passage du gouvernement de Fernando Henrique Cardoso à celui de Lula est celui des politiques sociales. Pour le gouvernement précédent, la redistribution des revenus allait être le résultat mécanique de la stabilité monétaire. Une fois l’inflation contrôlée - cet « impôt pour les pauvres »-, le pouvoir d´achat des salaires s’améliorerait.

Sous le gouvernement de Lula, les politiques sociales ont eu un rôle prédominant. Le modèle économique ne séparait pas la croissance économique de la redistribution des richesses. Le retour de la capacité de l’État à promouvoir le développement- thème aboli sous le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso -a été une nouveauté, en parallèle avec l’extension du marché interne de consommation de masse. L’orientation du commerce extérieur et son poids en ont été modifiés, tandis que le marché intérieur s´est renforcé.

Ce thème là est en jeu également. Les gouvernements néolibéraux ont donné la priorité aux ajustements fiscaux et au contrôle de l´inflation. Le gouvernement de Lula l’a donné à la sphère sociale.

C´est également le rôle de l´État qui se trouve ici en jeu. Comme à l’accoutumée, le candidat de l´opposition juge excessifs l’intervention de l’État, la charge fiscale, les dépenses de l´État, ses investissements et les coûts de la machinerie étatique. Ses critiques contre le prétendu « corporatisme », et la comparaison avec Louis XIV, visent à obtenir un État minimal et une influence maximale du marché.

D’une façon générale on peut dire que les élections de cette année vont déterminer si le gouvernement de Lula est une parenthèse, avec le retour des coalitions traditionnelles qui ont gouverné le Brésil au fil du temps, ou s’il s´agit d´un tremplin pour sortir définitivement du modèle néolibéral et construire une société juste, solidaire, démocratique et souveraine. Dans ce dernier cas, les secteurs conservateurs vont souffrir une défaite majeure, et toute une génération de leurs représentants verront ainsi leur carrière terminée, laissant la place pour de grandes avancées supplémentaires en direction des objectifs qu’a fixé le gouvernement de Lula.