Transcription
Le problème avec l’immigration, c’est le nombre. Avant, ça allait, rien à voir avec l’invasion qu’on connaît actuellement ! Avec les conditions de vie et d’accueil en France, c’est l’« appel d’air » garanti : si j’étais comme eux, moi aussi je quitterai mon pays pour rejoindre la France !
Qui n’a pas déjà entendu cette idée d’une supposée invasion, avec à l’appui des chiffres extravagants sur le nombre d’étrangers en France ?
Ces idées largement répandues par les politiciens et les médias ne sont pourtant pas conforme à la réalité. Les éléments qu’elles présentent sont souvent tendancieux, voire carrément faux. En effet, le nombre d’immigré·es ou d’étranger·ères en France augmente lentement : on est bien loin d’une supposée invasion !
Les vrais chiffres de l’immigration
La manière dont les politiciens et les médias français présentent le phénomène migratoire a alimenté l’idée d’une supposée invasion. Les enquêtes et sondages sur le sujet le montrent : dans tous les pays européens sans exception, les personnes interrogées surestiment le nombre de personnes étrangères présentes dans leur pays.
Or, selon l’INSEE, en 2023 10,7 % de la population totale vivant en France est immigrée. En 1975, ils représentaient 7,4 % de la population, et en 2010 8,5 %. Le taux d’immigration, qui augmente lentement, n’est donc pas très élevé. En comparaison, 14 % de la population des États-Unis est immigrée. Au Canada ils représentent 23 % de la population et en Australie 30 % de la population.
Quant à la population étrangère vivant en France, elle représente 8,2 % de la population totale (en 1975, c’était 6,5 %). Un taux qui augmente donc lentement qui reste fortement corrélé aux déplacements massifs de population liés aux guerres.
De manière générale, les pays européens ne sont pas les plus hospitaliers. 76 % des réfugié·es dans le monde sont accueilli·es dans des pays à faibles revenus souvent frontaliers des zones de conflit. Le fameux « appel d’air », décrié par certains, relève donc plus du fantasme que de la réalité. On est encore très loin d’un supposé « grand remplacement ».
Les doubles standards de l’accueil
Depuis 2011, des dizaines de millions de personnes ont fui la guerre ou les persécutions en Syrie, au Soudan du Sud, en Érythrée, en Afghanistan ou en Irak : les images d’embarcations surchargées, de naufrages et de campements de réfugié·es précaires ont suscité de l’émotion et de la compassion. Mais elles ont aussi engendré de la peur et du rejet de la part d’un secteur grandissant de la population européenne, un sentiment entretenu par certaines politiques publiques. Curieusement, l’invasion russe de l’Ukraine à partir de février 2022 et le déplacement forcé de près de 6 millions de personnes vers l’Europe n’a pas provoqué les mêmes réactions. Les pays européens ont montré une solidarité immédiate vis-à-vis des millions d’Ukrainien·nes. Un mécanisme de protection temporaire leur a permis d’obtenir une autorisation provisoire de séjour et d’accéder au marché du travail, à des soins et à la scolarisation. En France, des lieux publics et privés ont été réquisitionnés pour les transformer en centres d’accueil, le gouvernement incite financièrement les familles et les associations à pratiquer l’hébergement solidaire, la SNCF a instauré la gratuité des transports pour ces réfugié·es de l’invasion russe...
Cet exemple prouve que les pays occidentaux savent s’organiser pour accueillir et protéger les gens fuyant la guerre, quand bien même ils prétendent ne pas en avoir les moyens pour d’autres nationalités. Des Européen·nes, blanc·hes, majoritairement chrétien·nes font-iels des « bon·nes réfugié·es » pendant que d’autres seraient trop différent·es de nous pour susciter notre empathie ?
Est-ce si facile de venir en France ?
Si les immigré·es arrivent plus nombreux·ses, c’est qu’il serait facile de venir et s’installer en France - nous explique-t-on. Rien de plus faux.
Venir en France coûte très cher : que ce soit les coûts exhorbitants de la traversée pour les migrants en situation irrégulière, ou les coûts et taxes liés à une migration régulière, seul·es les plus fortuné·es peuvent migrer.
Au cours de l’histoire, l’immigration a souvent été une variable d’ajustement politique et économique. Depuis 1945, les gouvernements français successifs modifient tous les deux ans en moyenne les lois qui régissent l’entrée et le séjour des étranger·ères et le droit d’asile.
Aujourd’hui, sous couvert de lutter contre l’immigration clandestine, ces lois visent à réduire le nombre d’étrangers présents sur le territoire, en limitant leur accès au séjour légal.
Outre les lois et dispositifs toujours plus restrictifs sur leur territoire, les pays européens déploient d’énormes moyens de surveillance et de répression pour dissuader les personnes de venir en Europe. Construction de murs, de grillages, de radars, drônes aériens et équipements militaires de l’agence Frontex, construction de lieux d’enfermement et de détention... Les États européens sous-traitent la surveillance de leurs frontières à des pays tiers (comme le Maghreb et les pays d’Europe de l’Est) depuis les années 2000.
Quand bien même l’Europe s’érige en forteresse pour tenter de dissuader des personnes de venir, cela n’arrêtera personne de migrer. Tant que persisteront le manque d’opportunités, les inégalités, les guerres, les violences, les dictatures, ou les catastrophes et conséquences du changement climatique, il y aura toujours des femmes et des hommes prêt·es à surmonter toutes les épreuves pour trouver une vie meilleure ailleurs.
Des politiques coordonnées d’accueil, de solidarité et d’entraide vis-à-vis de ces nouveaux arrivant·es sont possibles. C’est même la seule réponse digne et humaine face aux trajectoires migratoires, qui commencent bien souvent par l’intervention passée ou actuelle de l’Europe dans les pays d’origines des migrants.
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