Bref, tout comprendre aux droits humains

Revue pédagogique d’Amnesty International France

, par DUVAL Virginie

« Chaque saison, bref aborde un sujet lié aux droits humains en fournissant des repères et des éclairages essentiels à sa compréhension. »
Pour mieux comprendre comment Amnesty International France sensibilise aux enjeux de défense des droits humains, ritimo a échangé avec Nicolas, chargé des projets éditoriaux

Bonjour Nicolas, vous êtes chargé de projets éditoriaux à Amnesty International France, et notamment de la revue Bref éditée depuis 3 ans. Son sous-titre, c’est « tout comprendre aux droits humains ». Pourriez-vous nous raconter comment est née l’idée de cette revue ?

Bref est né en décembre 2019, comme supplément, chaque saison, de notre revue La Chronique. Notre 1er numéro s’intéressait à « la jeunesse engagée ».
La naissance de Bref arrive dans la foulée de nos réflexions pour rendre davantage accessibles nos sujets. On voulait pouvoir proposer un numéro synthétique sur un sujet relatif aux droits humains. Bref prend la suite d’une ancienne revue à destination des jeunes, « AJ », on souhaite s’adresser avec Bref aux collégien·nes, dès 13-14 ans.

Bref, tout comprendre aux droits humains. Amnesty International France.

On connaît surtout Amnesty pour ses appels urgents. Le dernier numéro de Bref qui aborde la question des genres sort au moment où trois organisations attaquent l’État pour défaut de mise en œuvre de la loi sur l’éducation à la sexualité. Comment les thématiques sont-elles choisies ? Est-ce que c’est lié à l’urgence, à l’actualité ?

Il s’agit d’un hasard total. Mais on essaye de s’ancrer dans des sujets d’actualité. Nous avons publié un numéro sur l’avortement qui, lui aussi, est arrivé juste avant la décision de la cour suprême des États-Unis de revenir sur ce droit. Les sujets des droits humains sont relativement souvent dans l’actualité.
Sur les questions de genre, cela fait longtemps qu’on y réfléchit. C’est un sujet qui doit vraiment être expliqué au niveau du droit : on a le droit d’être qui on veut. C’est aussi un sujet qui concerne particulièrement la jeune génération, qui revient souvent dans les établissements scolaires.
Et enfin, les thématiques choisies sont en lien avec les campagnes qu’Amnesty International France porte. Par exemple, le numéro sur les ventes d’armes était lié à la campagne « Silence, on arme ! » qui interpellait la France sur ses ventes d’armes à l’Arabie saoudite en pleine guerre du Yémen.

Vous avez choisi de publier Bref dans un format particulier. C’est une revue qu’on déplie, un peu comme si on menait une enquête...

On voulait un format ludique. On a eu assez vite l’idée du pliage. Pour que dans la forme même de l’objet, on embarque les lecteur·ices dans la narration.
La 1ère et la 4ème de couverture doivent permettre tout de suite de comprendre le sujet, avec une illustration, un titre et une citation. Lorsqu’on déplie une 1e fois, on découvre l’édito. Puis, on re-déplie et on trouvera des clés de compréhension du sujet : les trois clés d’intro, des chiffres et des définitions... pour avoir un aperçu global du sujet. Et quand toute la revue est ouverte, quand on entre dans le poster, on retrouve la narration principale. Notre revue est un objet ludique qui embarque le lecteur dans le sujet.

Il y a plusieurs ambitions pédagogiques dans cette revue : d’abord, faire un état des lieux de la question en racontant une histoire : par exemple, l’histoire des luttes pour la dépsychiatrisation de la transidentité… Ensuite, un travail de réappropriation du vocabulaire avec beaucoup de petits encadrés lexicaux. Vous précisez dans le numéro sur les ventes d’armes que l’industrie de l’armement ne veut pas parler de ventes d’armes, mais de produits ou technologies de défense…

Effectivement, Amnesty International est une organisation de défense des droits humains, donc juridique. Nos termes ne sont pas forcément accessibles. Il faut les réexpliquer, donner des exemples.
Amnesty International produit de longs rapports, pas forcément adaptés pour un public jeune. On a voulu raconter, synthétiser notre documentation. Et contextualiser en donnant des dates, une histoire plus ou moins récente du sujet. On incarne avec des témoignages les sujets qu’on porte.

En lisant Bref, notamment le dernier numéro sur le genre, on sent bien que la thématique est maîtrisée. Est-ce qu’en travaillant la revue, vous avez pensé la place des personnes concernées ?

Tout à fait, on le fait par des entretiens ou des témoignages, de la relecture des textes. Elles sont complètement impliquées dans le projet. Comme responsable éditorial de la revue, je suis un passeur d’histoires.

Parmi les témoignages, vous sollicitez également des chercheur·ses. Il y a par exemple dans le numéro sur les ventes d’armes, un entretien avec un sociologue qui s’est intéressé à la manière dont les jeux, et en l’occurrence les jeux vidéos, peuvent impacter le rapport de la société aux armes et favoriser les projections identitaires...

On essaye d’aborder la thématique choisie en passant aussi par la culture populaire : jeux, séries tv, … On essaye de traiter la question de manière à pouvoir interpeller les jeunes, en parlant de ce qui les intéresse aussi : la fast fashion, les fictions, les jeux vidéos, la place des mobilisations en ligne…

On retrouve aussi cette envie de toucher un public plus jeune dans la rubrique « lexique ». Le numéro consacré à la surveillance numérique ciblée explique, par exemple, ce qu’est « la nomophobie » (une dépendance extrême au téléphone portable)… Et à la fin de ce même numéro, vous posez la question des solutions pour se prémunir des risques d’espionnage numérique…

La dernière rubrique est un peu flexible. L’idée principale, c’est de donner les clés pour s’engager. On y donne la parole à des militant-es sur le sujet traité. On peut aussi proposer des ressources culturelles, livre, photos, … Ou des conseils pratiques, des structures ressources vers qui s’orienter (sur les enjeux de contrôle au faciès, d’avortement...).

Est-ce qu’Amnesty International France continue à accueillir beaucoup de bénévoles jeunes ? Sur quelles campagnes s’engagent-ielles ?

On compte encore 180 cellules jeunes. On essaye de les mobiliser sur le long terme plutôt que sur des actions ponctuelles.
En ce moment, la grosse campagne, c‘est celle sur le droit de manifester, « Manifestez-vous  ». Elle est en lien avec le rapport sorti cette semaine (NDLR : du 13 mars 2023) sur les violences policières intitulé « Mon œil a explosé  ». Notre principal objectif, c’est de faire adopter un traité sur le commerce des armes à létalité réduite. Le droit de manifester est un droit essentiel, qui permet de défendre tous les autres droits, et qu’il est urgent de défendre.

Est-il facile/possible de faire de l’éducation aux droits humains autour de la vente d’armes, alors que, dans Bref, vous précisez que celle-ci est légale « au nom du droit d’un pays de se défendre » ?

Il y a eu un traité international sur le commerce des armes adopté en 2013. Les États signataires doivent s’assurer que leurs ventes d’armes n’impliquent pas de violations des droits humains. Pourtant, Disclose a depuis révélé que des armes françaises se retrouvaient dans la guerre du Yémen et avaient pu être utilisées contre les populations civiles.

Est-ce que l’éducation aux droits humains devrait, alors, plutôt porter sur la chaine de décision qui mène à l’autorisation des ventes d’armes ? La petite BD parue dans Bref illustre bien les possibilités de mobilisation sur ce sujet : pourquoi le ministère de l’économie participe à la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) ? Pourquoi la décision finale revient-elle au seul premier ministre ?

Oui. On a aussi proposé une réflexion avec une illustration sur les différents types d’armes conventionnelles.

Est-ce que vous pouvez déjà nous dire quelle sera la prochaine thématique traitée par Bref ?

Ça sera sur les migrations, suite à l’énième proposition de loi, il est temps de s’y intéresser.

Merci beaucoup, Nicolas !