Une jeunesse sans espoir
La crise économique qui déstabilise la Côte d’Ivoire depuis les années 1990 affecte particulièrement la jeunesse, qui subit de plein fouet la baisse du niveau de vie et l’augmentation du chômage. Les jeunes accusent les anciens d’avoir échoué dans le développement économique de la Côte d’Ivoire, leur laissant un pays sans perspective d’avenir. L’intolérance et le rejet de l’autre sont le refuge d’une grande partie de cette génération qui cherche des fautifs. Les jeunes sont les premiers à passer à l’acte quand les premiers troubles commencent, s’émancipant des ordres de leurs anciens qui appellent au calme. Cette attitude symbolise le refus des traditions ancestrales d’une société patriarcale où le respect des aïeux était la règle. La jeunesse témoigne, avec ses choix de rupture, d’une perte des valeurs de la société ivoirienne, et trouve refuge dans de nouveaux mouvements de pensées importés d’Occident.
Cette tendance a été accentuée par l’émergence des mouvements culturels, en provenance des ghettos afro-américains, dans lesquels les jeunes Ivoiriens se reconnaissent. Ils adoptent l’univers du « gangsta rap » glorifiant la violence, le sexe, l’alcool, la drogue... Ils écoutent les vedettes du Zouglou (mélange de rap et de musique traditionnelle) clamer « ouais je suis Jean Marie Le Pen ! ». Les « jeunes patriotes » et leur leader Charles Blé Goudé, en sont le parfait exemple.
La grande fatigue des « gens du Nord »
La guerre civile, qui a coupé le territoire ivoirien en deux, touche inégalement les deux moitiés du pays. Le Sud, contrôlé par les loyalistes, a réussi à garder un fonctionnement économique relativement stable, préservant à la Côte d’Ivoire sa place de premier producteur mondial de cacao, une relative stabilité des prix, ainsi que des services publics actifs.
Mais le Nord, coupé de l’aide de l’État, doit faire face à de graves difficultés. L’économie tourne au ralenti, les débouchés commerciaux étant au Sud, les planteurs ne peuvent pas vendre leurs marchandises et se retrouvent sans ressources. Les infrastructures sont en déliquescence, l’État ne prenant plus en charge l’eau, l’électricité, les routes... qui finissent par partir en ruine ; l’Éducation nationale n’assure plus sa fonction. Enfin, les soldats des Forces Nouvelles, perçus au premier abord comme leurs défenseurs, se livrent au rançonnement et au pillage des populations. Depuis le coup d’État de septembre 2002, le Nord de la Côte d’Ivoire est plongé dans le chaos, la population est à bout de souffle.
Il ne s’agit pas d’un « choc des civilisations… »
Les facteurs de la crise ivoirienne sont multiples. Les observateurs internationaux du conflit en Côte d’ivoire se contentent parfois de les réduire à un affrontement religieux entre le Nord musulman et le Sud chrétien et animiste, mais la situation est plus complexe que cela. Le conflit qui a divisé le pays, notamment le Nord contre le Sud, n’est pas une guerre de religions, ni une croisade. Au début des années 2000, la Côte d’Ivoire comptait 39% de musulmans pour 30% de chrétiens et 12% d’animistes. S’il est exact que le Nord, moins peuplé, est majoritairement musulman, 77 % des musulmans du pays sont installés dans le Sud. Par ailleurs, les chrétiens sont concentrés à 93 % dans le Sud où les confessions sont quasiment à égalité : 35% de musulmans, pour 33% de chrétiens. Le Sud étant beaucoup plus peuplé que le Nord : 86% de la population totale du pays.
Il faut aussi rappeler le caractère multiculturel de la Côte d’Ivoire où se côtoient 4 grands groupes ethniques : les Akans ou Baoulés originaires du Sud-Est, majoritaires (42% de la population) - Houphouët-Boigny était baoulé - ; les Malinkés originaires du Nord-Est (17,5% ) ; les Mandés ou Dioulas au Nord-Ouest (16,5) et les Bétés ou Krous, (11% ) - L. Gbagbo est bété.