Biens publics mondiaux

La notion de Biens Publics Mondiaux (BPM) [1] désigne la transposition, au niveau international, de celle de bien public, à savoir des biens ayant des caractéristiques de non-rivalité et non-exclusion, non seulement entre individus à l’intérieur d’un pays, mais aussi entre populations de pays différents [2].
« Les biens publics mondiaux sont des choses auxquelles les gens et les peuples ont droit, produites et réparties dans les conditions d’équité et de liberté qui sont la définition même du service public, quelles que soient les statuts des entreprises qui assurent cette mission. Les droits universels humains et écologiques en sont la règle, les institutions internationales légitimes le garant, la démocratie l’exigence permanente, et le mouvement social la source [3] ».

Définition développée

Si elle porte, tout comme la notion de Bien commun, une réflexion sur la valeur et la rareté, la définition des BPM est en revanche matière à controverse entre une vision libérale et économistique (critère mercantile) et une conception plus militante, assimilable aux droits humains fondamentaux (conception humaniste).
En effet, face à la solution proposée pour garantir plus d’efficacité par le prix Nobel d’économie, Ronald Coase, à propos des phares, modèles du bien public gratuit, et qui consiste à « donner à ces « biens » un statut de marchandise afin d’en permettre une production optimale et d’en faire payer le prix aux consommateurs [4] », certains acteurs comme Attac, dénoncent une conception abusivement colonisée par la vision issue de l’économiste P. Samuelson [5] et proposent une définition quadridimensionnelle, sur le mode droit=>bien=>service=>institution [6].
Ainsi, comme le précise Sophie Thoyer, « les BPM sont des construits sociaux qui dépendent à la fois des perceptions des institutions et des groupes sociaux, des rapports de force, de leur insertion dans l’économie mondiale, etc. [7] ». À l’encontre d’une vision néolibérale souvent réductrice, le terme ‘biens publics globaux’ est alors forgé métaphoriquement, dans une idée généreuse de partage et de gouvernance universels. La notion est donc à associer aux réflexions sur les modèles de développement et la gouvernance mondiale, et pose un problème spécifique lié à l’absence de gouvernement mondial. La production des BPM et leur préservation supposent un renouvellement des formes de coopération interétatiques, afin que les États trouvent des solutions communes aux questions institutionnelles, économiques et politiques posées par « l’identification collective des biens publics mondiaux à fournir et des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir [8] ».

Exemples

Il existe de nombreux exemples de Biens Publics Mondiaux (BPM), mais les premiers ont été identifiés dans le lien avec les risques environnementaux globaux : la lutte contre le réchauffement climatique, contre la pollution des océans, contre les épidémies et pandémies ou la conservation de la diversité biologique… À ces premiers BPM, seront ajoutés plus tard les efforts d’amélioration de la gouvernance globale, par exemple la régulation des marchés financiers ou la stabilisation des taux de change, mais aussi la santé en général, la gestion et la diffusion des connaissances, la sécurité alimentaire, la culture de la paix, l’éducation, les télécommunications, les droits humains ou la justice économique, etc.

Historique de la définition et de sa diffusion

Inconnue jusqu’au début des années 1990, la notion de bien public mondial (BPM) est devenue l’un des thèmes importants de réflexion et de discussion dans les institutions et les forums de négociation sur le développement, l’environnement et les risques globaux.
Plusieurs institutions internationales ont fortement contribué au débat : « le centre d’études du développement du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a publié en 1999 un premier ouvrage intitulé "les biens publics mondiaux : coopération internationale pour le 21ème siècle" qui a eu énormément d’écho. Un deuxième ouvrage complémentaire, sorti en 2003, et intitulé "Providing global goods : managing globalization" détaille les conditions de fourniture de ces biens et la façon dont la communauté internationale pourrait envisager de s’organiser pour les financer et les gérer de manière collective. La Banque mondiale publie dès 2001 un rapport mesurant les financements qu’elle estime contribuer directement à la préservation des BPM et les estime à 15 milliards de US$. L’OCDE lui emboîte le pas et calcule que, en 2004, près de 15 % de l’aide bilatérale pour le développement était consacrée aux BPM [9] ».
« Une ‘task force’ sur les BPM est lancée à Johannesburg en 2002 par la France et la Suède : elle produit un certain nombre de recommandations sur l’orientation de l’aide, argumentant que le financement des BPM permet à la fois d’œuvrer pour le bien-être mondial et pour l’intérêt national car les deux sont interdépendants. Certaines agences nationales d’aide publique au développement s’emparent de ce concept pour re-légitimer leur politique d’aide et la ré-orienter : ainsi l’Agence française de développement, dont la stratégie était alors dictée par la lutte contre la pauvreté, choisira sans abandonner cet objectif de cibler en priorité les projets contribuant le plus à la préservation des biens publics mondiaux [10] ».