Ben-Gvir, l’extrémiste qui marquera le pouls du gouvernement en Israël

, par Nueva sociedad , FORTON Jac (trad.), SCHRÖTER Marie

Bien que Benjamin Netanyahou sera de nouveau le Premier ministre israélien, le véritable gagnant des élections est Itamar Ben-Gvir, le chef de Otzama Yehudit (Force juive). Par son discours nationaliste religieux, Ben-Gvir revendique le suprématisme juif et pousse les axes du débat politique de plus en plus vers la droite. Alors qu’il fêtait la troisième place obtenue lors des élections, ses sympatisant·es chantaient des consignes telles que « Mort aux Arabes ». Son influence politique dans la future coalition pourrait être dévastatrice.

Portrait de Ben-Gvir

Très peu de gens croyaient que le gouvernement d’alternance israélien, qui a assumé le pouvoir en juin 2021 et a été défait par les urnes le 1er novembre dernier, pouvait aller jusqu’au bout de son mandat de quatre ans. Il a même plutôt été surprenant qu’il dure aussi longtemps. Les différences idéologiques à l’intérieur du gouvernement formé par huit partis, ont fini par être trop importantes. Cependant, il avait mis fin au très long mandat de Premier ministre du conservateur Benjamin Netanyahou et, pour la première fois, avait intégré un parti arabe à la coalition. La coalition avait réussi à approuver d’urgence le budget qui a permis aux ministères israéliens de pouvoir reprendre leur fonctionnement, ainsi que de réguler les conséquences de la pandémie d’une manière différente, moins tendue, sans recours au confinement ni à la fermeture des écoles. En termes de politique extérieure, les relations avec les pays voisins, l’Europe et les États-Unis se sont améliorées de façon significative. Israël s’est de nouveau positionné comme un partenaire fiable.

Ces conquêtes ont été très fortement rejetées lors des élections du 1er novembre. Les résultats montrent que les partis démocratiques de centre gauche se sont pris des votes entre eux mais n’ont pas réussi à capter le soutien de nouveaux·elles électeur·rices. Le Parti travailliste a vu sa représentation à la Knesset, le Parlement israélien, réduite de sept sièges à quatre, sur un total de 120. La seconde force progressiste, le Meretz, a dépassé de justesse le seuil des 3,25 % nécessaires pour entrer à la Knesset. Les choses sont très différentes du côté de la droite. Les conservateurs représentés par le parti conservateur-libéral Likoud et les partis ultra-orthodoxes et ultra-nationalistes jouissent, avec leurs 65 sièges, d’une stabilité surprenante à la Knesset. Aucun sondage n’avait prédit cette victoire écrasante. Cependant, le véritable gagnant de cette journée n’a pas été Netanyahou, mais bien Itamar Ben-Gvir.

Dirigeant du parti Otzmá Yehudit [Force juive], moteur de la liste partisane des sionistes religieux, Ben-Gvir a réussi à ce que son mouvement passe de 6 à 14 sièges parlementaires, plus du double. Ainsi, ce parti nationaliste-religieux qui revendique ouvertement la suprématie raciale juive devient la troisième force parlementaire et faire pencher la balance selon son bon-vouloir. Lorsque Ben-Gvir est monté sur la scène devant ses militant·es la nuit des élections, ils et elles criaient énergiquement devant les caméras des consignes telles que « Mort aux Arabes ». Son influence politique dans la future coalition pourrait être dévastatrice.

On craint que soient prises une série de mesures qui secoueront les fondements démocratiques du pays. Ce défenseur des colons radicaux, condamné pour incitation au racisme et soutien à une organisation terroriste, réclame que lui soit accordé le poste de ministre de la Sécurité publique. Il tiendrait ainsi sous ses ordres la Police et les forces de sécurité aux frontières en Cisjordanie et dans les villes arabes-juives d’Israël. Il n’est que trop évident qu’il utiliserait ces forces pour mettre en place son programme anti-arabe. Ben-Gvir aussi a étroitement lié son élection et sa participation au gouvernement à des propositions législatives qui réduiraient l’État de droit.

La justice indépendante a longtemps été une épine dans le pied des nationalistes de droite. Ils projettent de la réforme de façon à ce que, par exemple, la majorité du comité qui sélectionne les juges soit dorénavant formée par des représentant·es de la coalition de gouvernement. Il est probable que cette coalition ne pose aucun obstacle à une nouvelle expansion des colonies dans les territoires palestiniens, et il faut s’attendre à une détérioration des relations entre Palestinien·nes et Israélien·nes. Ne parlons même pas du processus politique de pacification, déjà inactif avant les élections.

De manière générale, cette coalition renforcerait le caractère juif de l’État. Cela, non seulement au détriment de la population non-juive d’Israël, 20 % du total, mais aussi à celui des juif·ves laïc·ques. Ainsi, par exemple, le rêve de compter sur un transport public pendant le sabbat à Tel Aviv a été totalement écarté. De plus, les groupes vulnérables ont à nouveau de quoi s’inquiéter pour leurs droits et leur place dans l’espace public. Parmi eux, en particulier, les femmes mais aussi les membres de la communauté LGBTIQ+ et les Arabes.

Même le conservateur-libéral Netanyahou ne souhaite sans doute pas que cette alliance toxique puisse durer une période législative complète de quatre années. Finalement, mais non moins important : les coûts économiques à moyen et long terme pour le pays seront énormes si, par exemple, les partis ultra-orthodoxes éliminent, comme ils l’ont annoncé, les très importants contenus fondamentaux de mathématiques et d’anglais des plans d’étude des écoles religieuses. Il est plus que probable que Netanyahou forme rapidement un gouvernement pour ensuite profiter du temps qu’il a pour réorganiser à nouveau le camp conservateur, plus en accord avec ses idées. Lorsqu’il pourra s’assurer une majorité sans extrémistes, il aura la créativité suffisante pour briser la coalition sous n’importe quel prétexte et convoquer de nouvelles élections.

Le Premier ministre élu, qui est impliqué dans trois procès pour corruption, malversation de fonds et fraude, sera la voix la plus modérée de cette coalition. Il devra éviter le pire. Ainsi il sera à nouveau à la hauteur de l’image de Père de la nation qu’il s’est lui-même créée ; dépasser ce mauvais moment ne dépend que de lui. Il serait important que les partis de gauche profitent de cette période pour assumer avec honnêteté la responsabilité qui leur incombe dans cette débâcle et prendre les mesures nécessaires. La communauté internationale doit plus que jamais exiger l’universalité des droits humains. Cela vaut particulièrement pour les ami·es d’Israël parce que seul·es ses ennemi·es peuvent préférer cette version du futur.

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