Les histoires d’immigration aux États Unis sont toutes aussi sordides et sont le reflet d’une politique d’immigration qui a depuis fort longtemps, dans ce pays largement composé d’immigrant.e.s (0.8% de la population est issu de la première nation), stigmatisée certaines populations et accueillies d’autres.
Déjà l’administration Clinton avait passé en 1997 les lois d’immigration très dures, donnant un pouvoir considérable aux agents aux frontières, qui devenaient pratiquement policiers, juges, et gardiens de prison.
L’administration Obama avait, quant à elle, battu tous les records du nombre de déportations de personnes avec 2,4 millions de personnes déportées. En juin 2014, l’administration Obama a annoncé qu’il autoriserait qu’un grand nombre de demandeurs d’asile venant d’Amérique centrale soit détenu dans trois centres de détention pour familles migrantes. Au même moment, il annonçait une mesure pour permettre aux personnes venues jeunes aux États Unis avec des parents sans papiers de rester légalement sous le couvert de la loi DACA.
Depuis son intronisation Donald Trump est passé à l’offensive contre la dignité humaine, et son approche sur l’immigration le montre tous les jours. Les femmes immigrantes sont évidemment des cibles faciles. Il a promis de battre le record de déportations détenu par Barack Obama et de passer la barre des 3 millions. Il est soutenu par son ministre Jeff Sessions dont les positions racistes et xénophobes sont connues.
Les centres de détention
Pour incarcérer les immigrants et les demandeuses/demandeurs d’asile il faut des centres de détention. Les États-Unis ont trois centres de détention officiels pour les familles migrantes. Deux sont au Texas, un État frontière avec le Mexique, le troisième est en Pennsylvanie. Pourquoi y en a-t-il un en Pennsylvanie dans le comté de Berks loin de la frontière mexicaine ? C’est la question que s’est posée Carol Anne Donohoe une avocate d’immigration installée en Pennsylvanie qui a représenté des centaines de familles demandeuses d’asile emprisonnées à Berks. Elle a aussi créé une association pour aider ces familles migrantes prises dans les mailles du filet.
Depuis les décisions de Barack Obama de détenir des familles demandeuses d’asile venant d’Amérique centrale, beaucoup sont passées par Berks. Les femmes et les filles ont particulièrement souffert de cet enfermement. En 2014, dès le début, le centre a été rempli avec de jeunes mères avec leurs enfants qui avaient été prises de façon aléatoire à la frontière mexicaine. Les jeunes femmes incarcérées bénéficiaient de peu de protection et les problèmes sont vite devenus visibles, comme en 2015 lorsqu’une jeune mère a été victime d’une agression sexuelle par un garde devant une fillette de 8 ans. Les détentions peuvent durer des années. Margaret Regan dans son livre « Detained and Deported » expose les mauvais traitements que les femmes rencontrent dans les camps de détention, poussant certaines au suicide.
Carol Anne Donohoe précise qu’environ 20 % des personnes passant la frontière pour demander l’asile ou au titre du regroupement familial sont interceptées au hasard par les gardes-frontière pour être détenues. C’est à ce moment précis que les familles sont séparées. En fait, rien ne différencie ces personnes des autres demandeuses/demandeurs d’asile. Mais pour elles/eux, il n’y a plus de recours légal possible et elles/ils peuvent être déporté.e.s sans autre forme de procès dès qu’elles/ils sont incarcéré.e.s. Ces centres de détention sont bien des prisons. Les conditions de vie sont difficiles, les douches sont communes et mal séparées, les nuits sont interrompues car les gardes passent toutes les 15 minutes avec leur lampe torche pour inspecter les lieux.
Une jeune fille de 15 ans est restée pendant 3 ans à Berks, ayant à partager les lieux avec les hommes incarcérés au même moment. « Nous ne sommes pas des délinquantes qui devraient être en prison » dit une fillette de 11 ans emprisonnée dans ce centre. Rappelons aussi qu’une grande majorité de femmes incarcérées dans ces lieux ont fui des violences sexuelles.
Des centres de détentions semblables aux prisons
Carol Anne Donohoe rappelle que même si cette prison dépend du comté de Berks et non d’entreprises privées comme au Texas, les conditions ne sont pas meilleures et c’est toujours une histoire de « gros sous ». Le comté reçoit environ un million de dollars par an de la police d’immigration,ICE. C’est un abus d’utilisation de l’argent public explique Carol Anne Donohoe, il coûterait beaucoup moins cher de laisser ces gens dans les familles qui devaient les recevoir, en attendant que leur demande d’asile soit examinée.
Depuis que l’administration Trump par la voix de du ministre Jeff Sessions, a déclaré qu’elle adoptait une politique de « zero tolerance » envers les nouvelles/nouveaux arrivant.e.s qui passent la frontière du sud-ouest américain, ajoutant que les personnes qui faisaient entrer des enfants « clandestinement » avec elles seraient poursuivies et séparées des enfants. Des voix se sont élevées et ont demandé la fermeture de centres de détention comme que celui de Berks.
L’emprisonnement des enfants loin des parents.
Depuis quelques mois, la politique de « zero tolerance » en matière d’immigration, toujours appliquée aux personnes plus qu’aux marchandises, représente une forme extrême de la criminalisation des personnes migrantes. Bien que les migrations de personnes fassent partie de l’histoire de l’humanité, elles ont été instrumentalisées pour servir une rhétorique de peur de l’étranger devenant ainsi un enjeu électoral. Comme toujours, le 45 éme président des États Unis a fait du zèle dans l’horreur.
Les images de séparation d’enfants de leurs parents ont fait le tour du monde. Mais qui sont les personnes ainsi traitées ?
L’histoire de Belqui Yessenia Castillo Cortez est exemplaire. Cette salvadorienne avait été séparée de son garçon, Michael, âgé de trois ans, par les agents de ICE à la frontière avec le Mexique en mai dernier. Étant lesbienne, elle fuyait les violences lesbophobes qu’elle subissait au Salvador. En fait, Michael est né à la suite d’un des nombreux viols dont sa mère avait été victime. Les menaces étant devenues de plus en plus sérieuses, Belqui Yessenia Castillo Cortez a décidé de fuir les persécutions et de demander l’asile aux États-Unis. Elle a été immédiatement mise en détention au Texas alors que son fils de trois ans était envoyé dans l’État de New York. Elle vient de le retrouver. Mais le traumatisme pour l’enfant est visible. Il se manifeste par un comportement agressif qu’elle ne lui connaissait pas.
Environ 2500 enfants ont été ainsi arrachés à leurs parents. Sous la pression l’administration Trump a promis de rendre les enfants aux parents. Mais dans son empressement à faire souffrir, les agents de ICE n’avaient pas bien « étiqueté » les enfants et la réunification avec les parents n’est pas si facile à faire. Jusqu’à présent seulement 364 des plus de 2500 enfants enlevés à leurs parents ont retrouvé leur famille. Des allégations de brutalité et négligence envers ces enfants commencent à faire surface. De plus, le rapport de Reveal (Center of Investigative Reporting) fait le lien entre cruauté et profits. En quatre ans plus de 1,5 milliard de dollars ont été ainsi versés aux compagnies qui gèrent les centres de détention pour les jeunes.
Le ministre de la Justice décide qui peut bénéficier du droit d’asile !
Au mois de juin, Jeff Sessions a ordonné aux juges des tribunaux d’immigration de ne plus accorder le droit d’asile aux immigrant.e.s qui veulent échapper aux violences familiales, aux agressions sexuelles ou aux violences de gang. Les trois fléaux que l’on retrouve dans les pays d’Amérique centrale comme le Honduras, le Salvador et le Guatemala dont les politiques ont aussi été largement influencées par les États Unis. Cette décision est possible car le système juridique appliqué à l’immigration fonctionne bien différemment du système juridique des citoyen.n.e.s Etats Unien.n.e.s. Il n’y a pas d’indépendance de la justice pour l’immigration.
Cette dernière décision est une autre forme de guerre contre les femmes, cette fois les femmes venues du Sud. Il s’agit une fois de plus de l’abandon de la notion de protection des droits humains et des droits des femmes.
La Croix Rouge rappelle que même si les gouvernements ont le droit d’organiser des politiques migratoires, il n’en reste pas moins que les migrant.e.s ont des droits bien reconnus dans le droit international. Nous assistons au démantèlement de ces droits et les femmes sont en première ligne.