Artur aux mains d’argent

ou le recul des droits politiques et sociaux en catalogne

, par VIVAS Esther

L’article a été traduit par Aurélie Gasc, traductrice bénévole de Ritimo.

« Le gouvernement des meilleurs. » C’est ainsi qu’Artur Mas qualifiait son cabinet juste après être arrivé au pouvoir au début du mandat, qui s’achève aujourd’hui. Et c’est vrai, « le gouvernement des meilleurs » arrivait à la Generalitat (Gouvernement Catalan), mais c’est celui « des meilleurs avec les ciseaux ».

Stop aux expulsions

Depuis sa victoire électorale en Catalogne, il y a deux ans, il y a eu des coupes dans la santé, l’éducation, les diverses prestations sociales… Des coupes budgétaires qui avaient déjà débuté avec le gouvernement tripartite et qui aujourd’hui se sont accentuées. Nous avons régressé en droits sociaux, économiques et démocratiques et ils ont vendu le pays au plus offrant. Ils nous ont laissé aux mains de banquiers voleurs et de politiciens ludopathes qui critiquent la “culture du non” et de la protestation, alors qu’ils sont accros à la “culture du oui” à tout ce que dit le capital. L’échec du vaudeville Eurovegas [1] et les révérences bananières envers un trouble personnage comme Sheldon Adelson (Milliardaire américain) en ont été le meilleur [2].

Des politiques qui nous ont mené à une situation de banqueroute collective, où aujourd’hui une personne sur cinq en Catalogne vit en dessous du seuil de pauvreté, où un million et demi de personnes, selon la Banque alimentaire, souffrent de carences alimentaires et où chaque jour l’on procède à plus de 100 expulsions. Arthur Mas s’est révélé être le meilleur élève d’Angela Merkel, de la Troïka et des “hommes en noir”. Le ticket modérateur est maintenant instauré pour la première fois en Espagne et c’est ici que les taxes universitaires ont subi la hausse la plus importante, 67% d’augmentation par rapport à l’année dernière.

En deux ans, plus de cinquante dispensaires et services d’urgence ont été fermés, la construction de cinq nouveaux hôpitaux a été arrêtée et le nombre de personnes sur liste d’attente a augmenté de 43%, nous ramenant aux chiffres de 2003. La privatisation de la santé publique, par la précarisation et l’externalisation de ses services, est une réalité. Une magnifique affaire pour le patronat du système de santé catalan, dont Boi Ruiz a d’ailleurs été le président avant d’occuper son actuel poste de Conseiller à la santé. Quelle coïncidence… Ou non.

Mettre le nez dans les affaires, comme celles de la santé, où se mêlent intérêts publics et privés et dans lesquelles la transparence des comptes publics n’est pas vraiment limpide, comme l’ont démontré les enquêtes de la revue Cafèambllet dont les révélations lui ont coûté ni plus ni moins qu’une amende de 10.000 euros n’est pas sans risques.

Ils ont également procédé à des coupes dans l’éducation : Réduction de 14% du budget, 3 500 professeurs en moins, six écoles fermées, constructions de nouveaux centres arrêtées, maintien de plus de mille salles de classe dans des baraques, chute de 50% des investissements dans les garderies et moins de subventions, et retard de paiement pour le service restauration.

De même, la pauvreté a été criminalisée et stigmatisée. En août et septembre 2011, le gouvernement n’a pas versé de revenu à des milliers de familles percevant le Revenu Minimum d’Insertion (RMI). Son argument : il était nécessaire d’examiner chaque dossier pour combattre “les abus” de certains bénéficiaires. Les aides ont été suspendues pour 7 000 personnes alors qu’elles n’étaient pas concernées par la fraude annoncée puisque le droit à la prestation a été autorisée à beaucoup d’entre elles.

Aucune promesse électorale du programme de CiU (Convergència i Unió « Convergence et Union » en catalan) n’a été tenue. Sauf une. Éliminer l’impôt de succession des revenus les plus élevés. Une mesure qu’avait déjà commencé à mettre en place le gouvernement tripartite, abaissant ledit impôt pour que seul les grandes fortunes le paient, et que CiU a totalement supprimé. Par conséquent, ce sont 150 millions d’euros de revenu en moins, alors que l’on coupe en masse.

Mais les ciseaux ne se limitent pas aux droits sociaux. Ils réduisent également les droits démocratiques. La « doctrine Puig » a imposé les détentions préventives, la persécution et la criminalisation de militants associatifs, de syndicalistes, d’étudiants, etc. et la mise en place d’une page Internet pour dénoncer des manifestants, comme un retour à l’esprit Mc Carthyste des années 1950. Depuis la dernière grève générale du 29 mars, plus de 100 personnes ont été arrêtées pour le simple fait d’avoir participé à des piquets de grève. Selon la « doctrine Puig », être jeune, chômeur, victime d’expulsion, immigrant, syndicaliste, étudiant, féministe… et lutter pour tes droits, est synonyme de délinquance et par là même, susceptible d’être arrêté, condamné à payer une amende et accusé. A Moins d’État social, il y a plus d’État pénal et punitif.

Aujourd’hui débute la campagne électorale en Catalogne et tout indique qu’Artur Mas va de nouveau gagner. Le seul président qui ne paiera pas les conséquences de la crise et des coupes budgétaires. Sa formule magique : utiliser les aspirations souveraines légitimes du peuple catalan pour élaborer des politiques qui nous ont, déjà, menés à la misère, au chômage et à la précarité. Artur Mas se présente à nous comme le “Sauveur” de la Catalogne, alors qu’en réalité il nous a conduit au précipice. Nous voulons décider de notre futur, mais nous voulons aussi un futur et un pays sans coupes budgétaires.

Les mains d’argent sont de retour, mais ce n’est désormais plus l’innocent Edward aux Mains d’argent de Tim Burton, qui coupait et modelait de belles figures. Sa version plus gore, nous la voyons aujourd’hui en Catalogne, sans avoir à passer par la billetterie. C’est celle d’Artur aux mains d’argent, qui partout où il passe, laisse une trace de misère et de désolation, pendant qu’il coupe partout, absolument partout, excepté chez les riches et leurs privilèges.

Retrouvez l’article original en espagnol : Artur Manostijeras