Afrique : l’emploi progresse, la pauvreté stagne

Par André Linard

, par Syfia International

C’est en Afrique subsaharienne que le plus grand nombre de gens travaillent mais le plus souvent sans salaires fixes et sûrs ou trop faibles pour les sortir de la pauvreté, constate le Bureau international du Travail dans son rapport annuel. La croissance marquée dans certains pays et le secteur agricole restent cependant des atouts à valoriser.

Le nombre de personnes au travail dans le monde a augmenté grâce à une hausse généralisée de la croissance économique, affirme le Bureau international du Travail (Bit) dans son rapport annuel présenté ce mercredi*. Cependant, si l’Afrique aussi connaît des taux de croissance élevés, les répercussions sur l’emploi n’y sont pas évidentes. La part de personnes d’âge actif à la recherche d’un emploi n’a guère diminué en dix ans (de 8,5 à 8,2%) mais surtout, seul un quart des employés a un travail rémunéré et salarié.

Le Bit met ainsi le doigt sur un des principaux enseignements de son panorama de l’emploi dans le monde, et plus encore en Afrique subsaharienne : il ne suffit pas d’avoir un travail pour sortir de la pauvreté. Un taux de chômage faible peut cacher en réalité une grande vulnérabilité des travailleurs, en raison du grand nombre d’emplois exercés dans ce qu’on appelle le secteur informel, où les revenus sont aléatoires. C’est le cas des trois quarts des emplois (72,9%) en Afrique où le salaire n’est pas assuré. De plus, des salaires réguliers mais qui restent faibles ne permettent pas de sortir de la pauvreté.
., "En 2007, constate le Bit, 85,4% [des] employés vivent encore à un niveau inférieur à celui du critère de 2 $ US par jour, cette proportion étant pratiquement demeurée inchangée depuis 1997". En Afrique subsaharienne, en effet, chaque travailleur doit faire vivre en moyenne 2,6 personnes, et les salaires y sont trop bas pour garantir un minimum de 2 $ à chacune d’entre elles.
Cet indicateur dit de « pauvreté au travail » est plus élevé en Afrique subsaharienne que partout ailleurs. En Afrique du Nord, par exemple, la part d’emplois vulnérables n’est que de 30,7 % et celle des emplois induisant un revenu inférieur à 2 $ par jour est tombée à 42 %.

Des atouts

Mais la situation n’est pas désespérée. D’abord parce que ces taux d’emplois vulnérables et de travailleurs pauvres, sont en baisse sur le long terme. Une diminution lente, certes, mais réelle. Ensuite, le Bit signale que l’Afrique subsaharienne présente des atouts. Elle affiche, elle aussi, des taux de croissances positifs. S’il est vrai que c’est surtout dans les pays disposant d’industries d’extraction, qui ne génèrent pas beaucoup d’emplois directs, ce secteur peut cependant servir de base à des industries de transformation qui, elles, offriront de l’emploi. "Il faut du temps", affirme le Bit, tout en affirmant que "la bonne nouvelle est qu’un nombre de plus en plus grand de pays semble être sur la ligne de départ".
Autre atout : le ratio emploi/population, c’est à dire la part de la population qui a une activité économique. C’est en Afrique subsaharienne qu’il est le plus élevé au monde (68,1%, contre 45,3 en Afrique du Nord). Sans doute, l’explication donnée par le Bit n’est-elle pas réjouissante : c’est le "fort taux de pauvreté, qui oblige souvent les gens pauvres à accepter un travail sans se soucier de sa qualité". Mais le résultat est là… pour les hommes en tout cas, parce que la situation est moins reluisante pour les femmes et les jeunes.
Enfin, la part prise par l’agriculture en Afrique subsaharienne peut représenter, elle aussi, un atout.

Plaidoyer pour l’agriculture

Le Bit consacre en effet une longue digression à souligner les apports de l’agriculture à l’emploi, , un secteur qui, en Afrique subsaharienne, occupe 192 millions de personnes, soit près des deux tiers de toutes les personnes employées.
"L’agriculture, énonce le rapport, fournit de la main-d’œuvre pour les secteurs modernes ", contribuant "à donner le coup d’envoi du développement de l’industrie et du secteur des services". Elle produit des biens que d’autres secteurs peuvent transformer puis exporter, comme le cuir en Ethiopie, deuxième source de revenus du pays. Elle constitue "un secteur de demande" pour un certain nombre de produits qui y trouvent des débouchés, rendant ainsi viables des activités qui emploient du monde. Enfin, elle offre "un dernier recours en période de crise" dans des pays dépourvus de filets de protection sociale.
La Cnuced, il y a dix ans déjà, insistait sur les risques pour le développement économique d’un abandon de l’agriculture à elle-même. La Banque mondiale l’a réaffirmé en 2007. Aujourd’hui, le Bit confirme que, loin d’être un poids, le secteur agricole est vital pour soutenir l’emploi. Et il appelle à l’exploiter de manière plus efficace, en y augmentant la productivité.