Le monde tangue entre crises et manifestations

, par Rebelión

Le XXIème siècle est marqué par des mouvements croissants qui prennent forme sur toute la planète pour défier les crises engendrées par l’ordre néolibéral.

L’institut Tricontinental de Recherche Sociale publie un nouveau dossier dans lequel il analyse l’état du monde actuel, coincé entre les crises initiées par l’ordre néolibéral et les nouvelles possibilités nées de la résistance populaire qui croit dans le monde entier.

Les deux termes qui définissent notre époque sont « crises » et « manifestations ». Le premier est le résultat d’un système mondial qui a atteint ses limites alors que le second est un cri pour le futur. « Le monde tangue entre crises et manifestations », le nouveau dossier de l’Institut Tricontinental d’Investigation Sociale présente une analyse de cette situation avec une brève vision générale des questions qui se posent sur toute la planète et des rapports plus détaillés rédigés par nos bureaux régionaux : Afrique du Sud, Inde et Amérique latine. Cette année commence avec un examen détaillé de l’austérité, de l’ordre mondial bipolaire, de l’épuisement du néolibéralisme et d’une planète en protestation. Les mêmes consignes sont données dans différentes langues et le résultat est identique : nous refusons, nous résistons, nous ne tolérons pas le fléau de l’austérité.

Au Chili, des manifestant-es résistent aux gas lacrymogènes. Photo : Diego Martin (CC BY-NC-ND 2.0)

L’année prochaine, l’Afrique du Sud fera face à une croissance basse et à de faibles perspectives de création d’emplois alors que les voix dominantes de l’élite dans la sphère publique insistent avec force pour que soit adopté un ensemble standard de mesures néolibérales qui incluent l’austérité, la privatisation et la fragilisation des syndicats. La corruption massive et la mauvaise administration des fonds publics ont gravement sapé la crédibilité de l’État chez la majorité des citoyen-nes, ce que fait que les arguments en faveur de la privatisation plaisent à beaucoup. Étant donné la mauvaise gestion qui domine dans les institutions étatiques d’Afrique du Sud ces dernières années et l’absence d’un projet intellectuel progressiste organisé, il est désormais facile pour la droite d’associer anti-corruption et austérité dans ses propositions. En ce sens, le discours de la droite est devenu, dans le pays, l’unique façon de résoudre les problèmes économiques en Afrique du Sud.

En Inde, alors que l’économie fait face à un sévère ralentissement et que le système politique et la société s’enfoncent dans la crise, le parti au pouvoir, Bharativa Janata Party (BJP), a poussé le pays dans une plus grande misère encore et a refusé de traiter les blessures profondes qui existent au sein de la société. Le mal être agricole, qui n’est pas nouveau, est devenu une caractéristique vitale. Il s’est renforcé par l’abandon de l’agriculture et de l’économie rurale par le gouvernement et s’est encore accru suite aux nombreux événements climatiques extrêmes qui ont eu lieu, comme les sécheresses et les inondations. La négligence du BJP lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux pénuries économiques et à la catastrophe climatique confirme son unique but : transformer l’Inde en un État hindou. Le gouvernement a pris une série de mesures pour créer une polarisation religieuse dans le pays, croyant que cela lui permettrait de masquer les difficultés économiques alors que, parallèlement, il réduit les droits des minorités et encourage la violence du peuple de droite. Malgré la tentative du BJP de détourner l’attention des problèmes issus des inégalités et des difficultés économiques via la polarisation religieuse, la colère et la désillusion ont commencé à s’installer – principalement parmi la classe ouvrière rurale et urbaine. Reste à voir si cette agitation deviendra suffisamment forte pour défier la domination de la droite.

Pendant ce temps, et ce depuis 2015 au moins, l’Amérique latine et les Caraïbes sont confrontés à une offensive néolibérale conservatrice qui a mis en place de nombreuses réformes pro-marché sur des thèmes comme les retraites, l’énergie, le travail, l’éducation et la santé – entre autres – encouragées par le Fond Mondial International (FMI) et les puissances mondiales. Ces politiques ont été impulsées via des élections, des coups d’État, des coups parlementaires et des coalitions de droite, inhibant les formes de démocratie libérale et développant une culture conservatrice – voire néofasciste et raciste. Dans ce contexte d’instabilité régionale et de difficultés économiques, l’augmentation du pillage et de l’exploitation qu’entraînent ces politiques ont augmenté l’inégalité et la polarisation sociale. Les récents soulèvements contre ces régimes néolibéraux posent la question du début d’une nouvelle phase qui pourrait impulser une sortie du néolibéralisme. La région fait face à un fort contraste : un refus croissant des politiques néolibérales d’un côté et, de l’autre, un panorama politique régional au sein duquel les gouvernements qui défendent ces politiques – avec l’appui des États-Unis – menacent de devenir toujours plus autoritaires.

L’Institut Tricontinental d’Investigation Sociale est une institution inter-régionale créée par des mouvements et des organisations populaires d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. Il projette d’être un point d’appui et de liaison entre la production académique et les mouvements politiques et sociaux afin de promouvoir la pensée critique et de stimuler les débats et les investigations dans une perspective d’émancipation du Sud Global.

Lire l’article original en espagnol sur le site de Rebelión