Comprendre les migrations

Introduction

, par RTM

"Les gens heureux ne migrent pas. Quitter ses proches, la terre de ses ancêtres, le monde de l’enfance, son univers culturel et linguistique, ses repères… Celles et ceux qui se lancent sur les chemins incertains de l’exil le font d’abord par désespoir, poussés par les guerres, les persécutions, les disettes, la misère. Avec à l’arrivée, l’irruption d’une autre forme de détresse, un rendez-vous avec la précarité."
Extrait du livre d’entretiens du professeur Marc Gentilini avec le journaliste Jean-Philippe Caudron Tempérer la douleur du monde, Bayard, Editions Centurion, 1996.

À l’échelle de la planète, la plupart des migrants quittent un pays du Sud (3 sur 4) et se déplacent vers un autre pays du Sud.

Exemple en Afrique, « ceux qui fuient la misère ou la guerre, ne convergent pas tous vers l’Europe. Loin de là. Tandis que l’Afrique subsaharienne compte 17 millions de migrants internes au continent, les trente pays riches de l’O.C.D.E. en accueillent moins de 4 millions. En Afrique de l’Ouest, 7,5 millions de personnes vivent dans un pays différent de celui où elles sont nées, soit 10 fois plus que le nombre d’Africains de l’Ouest établis en Europe. Plus lourdement qu’aux portes de l’espace Schengen, plus discrètement aussi, les défis de l’immigration se jouent, souvent dans la violence, aux frontières internes de l’Afrique. » (extrait de « L’autre immigration africaine » de Philippe Bernard).

Ainsi près de 200 millions de personnes n’habitent pas dans leur pays ou région d’origine. Dans leur grande majorité, les migrants sont obligés de fuir à cause de situations de guerre, de persécutions ou de grands aménagements, comme le barrage des Trois Gorges en Chine. La pauvreté, la recherche d’un travail ou simplement l’espoir d’une vie meilleure poussent aussi des millions de personnes à s’exiler dans l’espoir de trouver mieux ailleurs.

La France, pays d’immigration depuis la seconde moitié du XIXe siècle, s’est ouverte aux travailleurs étrangers et à leurs familles tant qu’elle a eu besoin d’accroître sa population pour appuyer sa croissance économique. La première législation concernant le droit d’entrée et de séjour des étrangers ne date que de 1945.

Alors que la proportion d’immigrés est stable en France depuis 30 ans, les frontières se ferment de plus en plus à une immigration dite « subie » pour ne laisser filtrer que des migrants « choisis » sur critères économiques, de préférence avec un bon niveau de formation. Les demandeurs d’asile sont considérés avec méfiance et doivent franchir une succession d’obstacles pour espérer faire reconnaître leur droit à être protégés. Les rangs des « étrangers en situation irrégulière » ou « sans-papiers » grossissent, ce sont des proies faciles pour les réseaux mafieux, la prostitution et le travail clandestin. Le rejet de l’immigré se superpose à un sursaut nationaliste dans l’inconscient collectif. Depuis mai 2007, un ministère rassemble dans son intitulé l’immigration et l’identité nationale (Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire).

Cette évolution, qui restreint le droit de circulation de personnes, est commune à tous les pays industrialisés, dans un monde où, par ailleurs, les marchandises et les capitaux circulent librement.