Idées reçues sur les droits des femmes

, par Agenda de la Solidarité Internationale

« Dans tous les systèmes de domination, il se crée une idéologie qui justifie la domination : les dominé-e-s sont des êtres inférieur-e-s. Mais une idéologie n’est pas quelque chose qui flotte en l’air : elle existe dans les cerveaux, ceux des dominants et ceux des dominé-e-s. » Christine Delphy, sociologue féministe française.

Forum social mondial de Tunis, mars 2013. © Philippe Savoye

Idée 1 : « le féminisme est le nouveau sexisme »

On entend souvent que « l’égalité est déjà là » et que le féminisme est « un combat obsolète et dépassé qui ne chercherait qu’à faire triompher les intérêts des femmes ». Ces idées véhiculées et alimentées par différents groupes, qu’ils soient masculinistes ou réactionnaires, visent à décrédibiliser le combat féministe et à nier sa nécessité.
Pourtant, dans les faits, les inégalités et discriminations vécues au quotidien par les femmes dans la rue, au travail, en famille, décrédibilisent ce mythe de « l’égalité déjà là ». Pour atteindre l’égalité, la loi ne suffit pas. Les inégalités prennent racine dans un système structurel inégalitaire et hiérarchisé, l’hétéropatriarcat , dans lequel ce qui relève du « féminin » est dévalorisé. Pour se (re)produire, ce système de domination repose sur une division des rôles assignés aux femmes et aux hommes. Il se fonde sur une prétendue complémentarité. Or, la division de la société en deux sexes distincts à travers la construction d’identités dites féminine et masculine n’est ni neutre, ni naturelle mais participe à légitimer un ordre hiérarchique structurel.
Toute construction sociale peut être défaite et combattue, et c’est l’objet même du féminisme. Le féminisme cherche à rendre visibles les inégalités, afin qu’une prise de conscience, tant chez les hommes que chez les femmes, puisse avoir lieu et mener à une réelle égalité femmes-hommes. Il ne vise pas à inverser le rapport de domination au profit des femmes mais à abolir le patriarcat en tant que système de domination du masculin sur le féminin. Le féminisme est bien la lutte pour l’égalité et il gêne car il remet en question les représentations et normes sociales sur lesquelles repose le patriarcat.
L’égalité doit être un combat de toutes et de tous. Chacun-e peut refuser le rôle qu’on voudrait lui assigner et lutter pour l’égalité : les hommes, en refusant leur rôle de « dominants » et les femmes, en luttant pour leur libération et leur autonomie.

Idée 2 : « les lois contre le port du « foulard » sont des mesures en faveur des droits des femmes »

Depuis une vingtaine d’années, le « foulard » est présenté comme « le » symbole de l’oppression des femmes et l’islam comme une menace pour le « modèle social français ».
C’est au nom d’arguments en faveur des droits des femmes qu’ont été promulguées depuis 2004 des lois visant à interdire le port du foulard dans l’espace public. Cette injonction au dévoilement n’est pas neuve dans l’histoire de la France républicaine, comme en témoignent les cérémonies de dévoilement des femmes algériennes sur la place publique durant l’entreprise coloniale « civilisatrice »...
Mais qu’en est-il de l’intérêt réel pour les femmes ? Leur interdire d’accompagner leurs enfants lors des sorties scolaires, leur interdire l’accès à l’école, les exclure de la société seraient-elles des mesures en faveur de l’autonomie des femmes ?
Ces lois, contrairement à l’objectif « féministe » affiché, participent en réalité à la stigmatisation et à l’exclusion des femmes voilées de l’espace public. En désignant les musulmans comme les nouveaux ennemis intérieurs, ces lois votées dans un climat xénophobe ont également participé à la légitimation d’agressions islamophobes.
Privées de paroles lors des débats sur la question du « foulard », les femmes voilées se battent aujourd’hui pour leurs droits. Elles luttent pour que la laïcité, consacrée par la loi de 1905, retrouve son sens premier de neutralité et d’égalité entre les cultes. Elles se battent aussi pour un féminisme inclusif et intersectionnel intégrant tous les systèmes d’oppressions - capitaliste, raciste et patriarcal – qui minent notre société.
Que ce soit dans certains mouvements féministes, dans les médias ou dans la classe politique, il appartient à toutes et tous de ne pas alimenter les pratiques discriminatoires ni de véhiculer de discours racistes.

Que peut-on faire ?

- S’informer sur la question du féminisme en lisant les ouvrages de Stella Magliani Belkacem, de Christine Delphy ou encore « Les filles voilées parlent » de Pierre Tévanian.

- Consulter régulièrement des sites ou blogs tels que celui du collectif G.A.R.C.E.S, Les mots sont importants, ou le magazine en ligne 50/50
http://collectiffeministe.wordpress.com
http://lmsi.net
www.50-50magazine.fr

 En cas de discrimination, s’informer de ses droits auprès du collectif Mamans toutes égales
www.mamans-toutes-egales.com