La Géorgie au coeur d’enjeux internationaux

La Géorgie, un État jeune à la recherche de stabilité politique et sociale

, par Forum Réfugiés

Les premières années d’indépendance : entre velléités sécessionnistes et apprentissage de la démocratie

Suite à l’effondrement de l’URSS, la Géorgie obtient son indépendance le 9 avril 1991. Zviad Gamsakhourdia en devient le chef de l’État. Très rapidement, il s’impose comme un dirigeant autoritaire et nationaliste. En supprimant l’autonomie de l’Ossétie du Sud qui jouissait d’un statut d’oblast [1] autonome durant la période soviétique, il déclenche le début d’une rébellion. Sa gestion du pouvoir lui vaut les foudres de l’opposition géorgienne qui s’organise, alors que l’Ossétie du Sud déclare unilatéralement son indépendance le 28 novembre 1991, soutenue par l’armée russe. L’opposition géorgienne rassemble rapidement les forces de sécurités autour d’elle, et se mue en coup d’État : le 6 janvier 1992, le président Gamsakhourdia prend la fuite.

Un Conseil intérimaire dirigé par Edouard Chevardnadzé est mis en place à la tête du pays. Malgré les tensions, il poursuit les opérations militaires en Ossétie, et en débute en Abkhazie, où les velléités sécessionnistes se font de plus en plus pressantes à la manière ossète. La Russie fait alors le choix de soutenir tant financièrement que militairement (sans le déclarer officiellement) ce territoire d’Abkhazie comme elle l’avait fait pour l’Ossétie du Sud. L’Abkhazie proclame ainsi elle aussi son indépendance. De 1992 à 1993, de violents conflits provoqueront la fuite vers la Géorgie d’au moins 50 000 Géorgiens d’Abkhazie, dont beaucoup espèrent encore aujourd’hui qu’un retour soit possible.

La situation économique ne fait qu’empirer en Géorgie, et malgré une impopularité grandissante et une situation financière critique, Edouard Chevardnadzé parvient à se faire élire à la présidence de la République en 1995, puis en 2000. Le début des années 2000 est alors marqué par la révélation de cas de corruption dans l’administration et les milieux proches du président, des révélations notamment relayées par Mikheil Saakaschvili, alors Ministre de la Justice. Il quitte à cette occasion le gouvernement accusant le président Chevardnadzé de refuser de gérer le problème. Il fonde alors son parti politique, le Mouvement National Uni (MNU), et se place comme le principal opposant politique.

Campagne électorale à Tbilissi, 10 mai 2010.
Photo : Congress of local and regional authorities

En novembre 2003, les autorités sont accusées de fraudes électorales à l’occasion des élections législatives du 3 novembre. Mikheil Saakachvili se déclare alors le véritable vainqueur des élections, et demande la démission du gouvernement. Des manifestations de grande ampleur s’organisent à Tbilissi, et se répandent aux principales villes du pays. Le 23 novembre, des manifestants munis de roses envahissent la chambre du parlement. Ce que l’on appellera alors « la révolution des roses » mènera à la démission du chef de l’Etat Chevardnadzé, grâce notamment au concours de l’armée qui refusera l’ordre de ce dernier d’instaurer l’état d’urgence.
Des élections présidentielles sont rapidement organisées, et l’ex Ministre Saakachvili est élu président le 4 janvier 2004 avec près de 96% des voix. Ses premiers mois de présidence sont marqués par des signes d’ouverture tant à l’Est qu’à l’Ouest. Il demande notamment un statut de candidat à la Géorgie pour entrer à l’OTAN et dans l’Union européenne, tout en privilégiant la voie de la diplomatie pour régler les problématiques abkhazes et ossètes.
Le dirigeant géorgien parvient à s’imposer sur la scène internationale, prend en main les affaires de corruption, et parvient à améliorer la situation des droits de l’homme. Cependant les progrès des premiers mois ne permettront pas de changer radicalement la situation du pays, et de plus en plus de voix s’élèveront afin de critiquer certains de ses discours agressifs et autoritaires.

En 2007, une grave crise secoue le MNU. Saakachvili et certains de ses proches sont en effet visés par des accusations de meurtre et de corruption, déclenchant des manifestations de grande ampleur dans tout le pays. Malgré cela, les élections présidentielles de 2008 confortent le MNU au pouvoir. Si le mouvement d’opposition s’essouffle, le ressentiment reste grand, et Saakachvili est régulièrement attaqué durant son deuxième mandat.

L’alternance politique de 2012 : de grands espoirs, peu de changement

En 2012, la popularité et la crédibilité de Saakachvili sont au plus bas, et les élections législatives d’octobre 2012 marquent un tournant. Le parti d’opposition, Rêve Géorgien, remporte la majorité des sièges, portant Bidzina Ivanichvili au poste de Premier Ministre. Un an plus tard, les élections présidentielles placent de nouveau le candidat du Rêve Géorgien en tête. Avec 63% des voix, Guergui Margvelachvili, le candidat d’opposition, est élu président face au candidat MNU. Désormais à la tête du pays, le Rêve Géorgien promet de mettre définitivement un terme à la corruption, et de garantir le respect des droits de l’homme sur le territoire. Entre les élections législatives et présidentielles, un scandale avait en effet éclaté : des vidéos de gardiens de prison torturant et violant des détenus ont été dévoilées. Accusant le MNU d’avoir laissé ce genre de pratiques se répandre, le Rêve Géorgien assure qu’il fera tout pour éradiquer ces comportements.

La transition entre les élections de 2012 et 2013 (respectivement les législatives et les présidentielles toutes deux remportées par le Rêve Georgien) est cependant marquée par de régulières atteintes aux droits de l’homme. La communauté internationale a appelé le Rêve Géorgien à prévenir toute velléité de vengeance envers les partisans du MNU. Malgré ces appels, d’importantes pressions et intimidations ont visé des partisans du MNU, et notamment des élus locaux qui ont été contraints à la démission. La presse a également fait face à des restrictions et pressions. Le processus électoral a manqué de transparence et a connu de nombreuses irrégularités. Les tensions entre les partisans des deux principales formations politiques ont mené à des affrontements.

De même, l’alternance politique n’a pas permis le règlement de plusieurs maux qui rongent la société géorgienne : le système juridique manque d’indépendance et est miné par la corruption, ce que dénoncent régulièrement les défenseurs des droits de l’homme. Les minorités sexuelles, ethniques et religieuses font face à des graves discriminations, à l’embauche, au sein du système scolaire, et de la sphère politique. Des responsables politiques et de l’Église orthodoxe sont ouvertement xénophobes et homophobes.
De la même façon, les mauvaises conditions de détention ont eu un large écho durant l’année 2014, malgré les promesses faites par le MNU : de nombreuses et répétées grèves de la faim ont été menées par de nombreux détenus, afin de dénoncer leurs mauvaises conditions de détention. Ils dénonçaient les mauvais traitements dont ils faisaient l’objet, réclamaient l’accélération de leur procédure judiciaire, tandis que certains prétendaient être incarcérés sans jugement.

Malgré une transition politique, certaines pratiques restent donc à combattre. Les tensions sociales et politiques sont prégnantes, et les problématiques irrésolues des territoires sécessionnistes abkhazes et ossètes semblent en être le reflet.