La dette : un frein au développement

Introduction

, par CIIP

La question de la dette est l’un des problèmes majeurs pour l’ensemble des pays du Sud.

L’endettement est un mécanisme courant dans le développement économique. Si elle a pour but un investissement public socialement utile (programme de santé, d’éducation, de changement de mode d’énergie, programme de ferroutage, etc.) et si elle est contractée auprès d’organismes financiers publics placés sous contrôle citoyen, la dette publique peut être un moteur de l’économie. Mais l’endettement peut devenir un obstacle majeur au développement durable.

Jusqu’à la crise des subprimes aux États-Unis en 2007, qui s’est suivie d’une crise financière internationale en 2008 et depuis, une crise de la dette publique dans nombre de pays du Nord comme du Sud, la question de la dette semblait n’être un enjeu majeur que pour l’ensemble des pays du Sud, car de fait, la dette des Pays en développement (PED) a conduit à un appauvrissement général de ces pays.
En effet globalement, les PED ont remboursé l’équivalent de 110 fois ce qu’ils devaient en 1970, mais entre-temps leur dette a été multipliée par 50. [CADTM, les chiffres de la dette 2011]. Sur la période 1990-2000, le service de la dette représente un montant supérieur au budget de l’éducation dans plus de la moitié des pays débiteurs et un montant supérieur à celui alloué à la santé dans 75 % des pays. [source www.oid-ido.org/rubrique.php3?id_rubrique=12].

Selon le PNUD, alors que la quantité de biens et de richesses a été multipliée par 8 depuis 1970, date à partir de laquelle la dette des PED a commencé à exploser, un tiers environ de la population de 104 pays, soit près de 1,75 milliard d’individus, souffre de pauvreté multidimensionnelle (c’est à dire en terme de revenus mais aussi de non-accès aux droits sociaux fondamentaux) et 2,6 milliards de personnes vivent avec moins de 2$ par jour (en 2005). Dans les régions où les adolescents sont les plus nombreux (Asie du Sud et Afrique subsaharienne), cela représente environ 73 % de la population [rapport 2010 du PNUD].

Le PNUD a estimé que 80 milliards de dollars pendant 10 ans pourraient éradiquer l’extrême pauvreté dans le monde (accès à l’eau potable, alimentation décente, éducation primaire, soins de santé de base). Or, en 2008 par exemple, les pays du Sud ont remboursé 600 milliards de dollars au titre du service de la dette ! C’est autant de ressources qui ne sont pas utilisées par les États pour la satisfaction des besoins fondamentaux de leur population comme l’accès à l’eau potable, à une alimentation suffisante, à des soins de santé essentiels, notamment préventifs (campagnes de vaccination), à l’éducation primaire, à un logement correct, à des infrastructures satisfaisantes…
Sur le plan économique, pour rembourser la dette, les Institutions financières internationales créancières, notamment la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international, ont exigé des Pays du Sud des mesures de réduction des dépenses publiques sociales : santé, éducation, services d’intérêt général, soutien à l’économie locale et protection des marchés intérieurs fragiles ou stratégiques (agriculture). Elles ont obligé les PED à s’intégrer aux marchés mondiaux en substituant progressivement des cultures d’exportation (coton, cacao..) aux cultures vivrières (blé, sorgho..). De même, toujours pour rembourser leur dette, les PED ont été encouragés à vendre et « brader » leurs ressources naturelles (forêts, ressources minières, pétrole…), en n’encaissant qu’une partie infime des recettes, celles-ci allant aux multinationales…

Les mécanismes de l’endettement des pays du Sud, autrement dit la conjoncture économico politique qui a favorisé leur endettement, les facteurs qui ont provoqué la crise de la dette au début des années 1980 et la gestion de cette crise par les pays du Nord et les organismes financiers internationaux s’apparentent à une rente permanente ponctionnée sur l’économie du Sud et transférée vers les pays du Nord. Pour reprendre les termes d’Adolfo Perez Esquivel en janvier 1999, « la dette extérieure des pays du Tiers-Monde est une Dette éternelle, un Tribut, comme au temps des colonies ».
L’aggravation des inégalités entre le Nord et le Sud peut en grande partie être attribuée à cette forme moderne d’exploitation et de pillage. Ce qui explique que la question de la dette soit devenue au fil des ans une préoccupation centrale des militants et des organisations qui luttent pour un monde plus juste. Ainsi le Tribunal de la dette organisé dans le cadre du Forum social mondial de Porto Alegre en 2002 déclare la dette du Tiers-monde "illégitime, injuste et insoutenable aux plans éthique, juridique et politique".

Depuis 2008, la crise de la dette publique touche aussi des pays industrialisés, des pays du Nord. Pour juguler la crise financière internationale survenue en 2008 après la crise des subprimes de 2007 et permettre le sauvetage des banques,les États ont en effet empruntés sur les marchés financiers à des taux d’intérêts souvent excessifs et ainsi accru la dette publique. Les chiffres sont faramineux : en 2009, la dette extérieure publique des États-Unis se montait à 3500 Milliards (Mds) de dollars, celle de la France à 1200 Mds $. Si les chiffres sont sans commune mesure avec les PED (pour la même année, la dette extérieure publique de l’ensemble des pays en développement représentait 1460 Mds $), il existe des similitudes entre dette publique des PED et celle des pays du Nord ; plans d’ajustements structurels ou politiques d’austérité, les choix politiques des gouvernants répondent aux ordres de la finance mondiale, privilégient les créanciers au détriment des populations.

Mais, au Nord comme au Sud, les populations et associations se mobilisent, elles dénoncent les effets d’une dette odieuse, réclament des audits sous contrôle citoyen, une suspension de paiement et/ou une annulation et proposent des solutions de financement alternatives pour un développement qui corresponde réellement aux besoins des populations, notamment des plus vulnérables. Au-delà, la société civile pose la question d’une autre architecture financière internationale. Elle remet en cause la logique libérale qui caractérise les choix politiques des Institutions Financières Internationales – la promotion du secteur privé et la libre circulation des marchandises et des capitaux considérées comme la bonne solution pour sortir les pays de la pauvreté - et réclame une réforme radicale de ces institutions.