Sensibiliser, former, mobiliser les habitants pour faire valoir leurs droits

France : Accès au droit et médiation : des pratiques complémentaires permettant de renforcer la cohésion sociale

Association pour la Formation, la Prévention et l’Accès au Droit

, par Juristes Solidarités

Cet article a été écrit par Juristes-Solidarités, à partir d’une rencontre avec Laurent Rorpach (AFPAD).

L’Association pour la Formation, la Prévention et l’Accès au Droit (AFPAD) est née en 2001 de la volonté de répondre aux besoins des habitants de la commune de Pierrefitte (Seine Saint-Denis) en matière d’accès au droit.
Cette initiative s’articule d’abord autour de l’information des citoyens sur leurs droits et leurs devoirs et d’une politique de prévention en direction des enfants et des jeunes par l’éducation à la citoyenneté. Parce qu’accès au droit et médiation sont envisagés comme complémentaires pour résoudre les conflits de voisinage et restaurer des relations de proximité, l’association a mis en place, depuis 2003, un espace de médiation sociale.

Un espace d’information juridique et d’éducation à la citoyenneté

L’AFPAD bénéficie du label Point d’Accès au Droit conventionné par le Conseil Départemental d’Accès au Droit (CDAD), ce qui lui permet de mettre à disposition des habitants des permanences juridiques gratuites.

Les Pierrefittois y sont écoutés et accompagnés dans leurs démarches administratives, juridiques ou judiciaires et reçoivent des informations sur leurs droits. Ils peuvent ainsi rencontrer des professionnels tels qu’une juriste du CDAD, un avocat conseil, deux avocats spécialisés en droit des étrangers, des écrivains publics, ou encore un notaire qui intervient à titre gracieux une matinée par mois.

Des conseillères sociales de la Caisse d’Allocation Familiale (CAF) tiennent également une permanence hebdomadaire dans les locaux de l’AFPAD. L’organisation de ces diverses permanences donne aux habitants de Pierrefitte la possibilité de régler les problèmes qu’ils rencontrent au quotidien, dans un espace à proximité de leur lieu de vie.

L’axe parentalité fait partie intégrante de l’accès au droit. Elle permet d’accompagner les familles dans leurs démarches sociales, familiales et éducatives. Deux points d’accueil parents ont été mis en place au collège Gustave Courbet et Pablo Neruda pour établir un lien avec les parents et entre les parents et l’école.
Le dispositif Parent-école-ville est organisé à l’AFPAD un samedi matin par mois. Cela permet aux parents de se réunir autour de thématiques qu’ils auront choisies avec des professionnels pour répondre à leurs questions et échanger.

De plus, l’AFPAD mène une politique de prévention auprès des plus jeunes en partenariat avec les collèges et écoles élémentaires de Pierrefitte, par l’Éducation à la citoyenneté.

L’instauration d’une culture de la médiation à Pierrefitte

En 2003, l’association a mis en place un pôle médiation, porté par une équipe de trois médiateurs salariés et six médiateurs bénévoles, formés par le Centre de Médiation et de Formation à la médiation (CMFM).

Au départ, face à la multiplicité des usages du mot médiation, l’équipe a commencé par repositionner ce terme avec ses partenaires et ses usagers, afin de définir la culture de la médiation qu’ils souhaitaient mettre en place à Pierrefitte. La médiation a alors été envisagée sous l’angle de la neutralité, de l’impartialité et de la confidentialité. Une charte rédigée par l’AFPAD qui cadre les missions, les limites, les règles de déontologie auxquelles les médiateurs sont soumis vient formaliser ce positionnement.

Un autre travail préparatoire a consisté à sensibiliser un réseau d’acteurs à l’approche de la médiation, constitué d’habitants, d’agents de la municipalité, d’assistantes sociales, de représentants des bailleurs sociaux et de l’Éducation nationale, pour que ces différents partenaires connaissent mieux l’AFPAD et puissent ainsi orienter leur public vers l’association.

Rendre les personnes actrices de la résolution de leur conflit

Le travail des médiateurs s’effectue dans le respect de chaque étape de la médiation, avec la volonté de responsabiliser les personnes. Ainsi, après un premier entretien le médiateur dresse avec l’usager l’ensemble des possibilités qui s’offrent à lui.

Ce dernier pourra alors choisir de s’en tenir à l’entretien individuel, de rencontrer l’autre partie ou encore d’entreprendre une procédure judiciaire, mais dans tous les cas, la responsabilité de ses décisions lui appartient.

Des formes multiples de médiation sociale

Lorsque les personnes se sentent prêtes à engager un processus de médiation, celui-ci peut prendre différentes formes selon leurs besoins. A la suite des entretiens individuels, lorsqu’une rencontre entre les différents acteurs est souhaitée, une médiation formelle peut être organisée. Le médiateur étudie avec les deux parties au conflit les solutions qu’elles envisagent, en examinant les moyens que chacune se donne pour résoudre la situation qui pose problème.

A tout moment, les personnes peuvent demander à connaitre leurs droits auprès d’un avocat conseil ou d’un juriste car la médiation ne se fait jamais au détriment du Droit des personnes.

Il arrive parfois que le conflit soit allé trop loin et que les protagonistes ne souhaitent pas se rencontrer, tout en ayant la volonté de vivre mieux et de trouver des solutions à leur problème. L’AFPAD mène alors une médiation navette, en jouant le rôle d’intermédiaire entre les personnes dans la recherche de solutions.

Dans certains cas, des médiations collectives sont plus adaptées. Ainsi, à la suite d’attroupement de jeunes dans les halls d’escaliers d’un immeuble, l’AFPAD a mené avec l’aide d’une association de quartier une médiation rassemblant tous les acteurs concernés. L’association a donc réuni à cette occasion le bailleur de l’immeuble, des représentants de la Ville, les habitants de la cage d’escaliers en question ainsi qu’une vingtaine de jeunes impliqués dans le conflit. Malgré le nombre de personnes présentes, les règles qui prévalent pour une médiation individuelle ont été respectées. Chacun a pu prendre la parole et élaborer, collectivement, une solution.

Un travail en partenariat avec des institutions

Dans le cadre de son partenariat avec la police nationale, une convention a été signée entre le Parquet de Bobigny, la Direction Départementale de la Sécurité Publique, la ville de Pierrefitte- Sur-Seine, le commissariat de Stains-Pierrefitte et l’AFPAD pour une orientation des mains courantes vers la médiation. Des agents de la police nationale ont été formés à la médiation à l’AFPAD et permettent ainsi de maitriser le processus de médiation et établir quelles sont les mains courantes pouvant relever de la médiation.

Trois conventions sont également en cours avec des bailleurs. Ainsi, l’association forme actuellement une cinquantaine de gardiens de Plaine Commune Habitat pour leur permettre d’acquérir une posture de médiateur. Il s’agit de faciliter leur façon d’appréhender les conflits, pour qu’ils puissent les accueillir de façon plus posée et plus neutre et qu’ils puissent orienter les personnes vers l’AFPAD s’ils le souhaitent. L’association tient également des permanences médiation auprès d’une agence de secteur de Plaine Commune Habitat.

La médiation scolaire

Dans le cadre de son partenariat avec l’Education nationale, l’AFPAD intervient dans une école primaire de la commune sur un projet de médiation par les pairs. L’association forme les enfants du CP au CE2 qui souhaitent devenir médiateurs. Il s’agit de les responsabiliser et de leur apprendre à résoudre des conflits sur une base de neutralité et de confidentialité, en présence d’un adulte référent. Cette initiative fonctionne bien, en témoigne l’évolution du nombre d’élèves qui souhaitent être formés. Une seconde école a d’ores et déjà sollicité la participation de l’AFPAD pour mener le même type de projet.

En se déclarant “Ville Médiation” en 2005, Pierrefitte-sur-Seine signe une politique locale : diffuser une culture de la médiation, faciliter le recours à la médiation dans les conflits du quotidien. L’idée d’un nouveau droit pour les citoyens : le droit à l’accès à la médiation mais aussi un devoir pour la ville qui fait son chemin.