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France : Des juristes luttent contre l’exclusion

Le collectif de soutien aux exilés du 10ème arrondissement de Paris

, par Juristes Solidarités

Cet article a été rédigé par Juristes-Solidarités, à partir d’une rencontre avec Anne ROHMER, membre du Collectif de soutien des exilés du 10ème arrondissement de Paris.

A la suite de la fermeture du camp d’accueil des réfugiés de Sangatte en décembre 2002, de nombreux migrants se rendent à Paris. Majoritairement Kurdes, Irakiens et Afghans, ils vivent dans les rues du 10ème arrondissement, à proximité des gares du Nord et de l’Est. C’est en mars 2003, à la suite d’une maraude inter-organisations, que se constitue le Collectif de soutien aux exilés du 10ème arrondissement de Paris. Il rassemble des personnes bénévoles de divers horizons : politique (les Verts, Parti communiste français…), associatif (GISTI - Groupe d’information et de soutien des immigrés -, FASTI - Fédération des associations de solidarité avec les travailleur-euse-s immigré-e-s -…), ou institutionnel (mairies d’arrondissements…) et a pour vocation d’améliorer les conditions d’accueil réservées à ces étrangers venus en France dans l’espoir d’une vie meilleure mais dont la France ne veut pas.

Apporter une aide concrète aux exilés

Très rapidement, le collectif constate l’absence totale de soutien aux migrants de la part des pouvoirs publics. Des maraudes sont organisées pour apporter une aide matérielle aux migrants (alimentation, duvets…) , repérer les nouveaux arrivants, les écouter, répondre à leurs questions et les mettre en relation avec les services compétents. Souvent menées sur les lieux de distribution de repas par des associations humanitaires et de départ des bus pour des hébergements d’urgence, les maraudes permettent en outre de veiller à l’application du plan d’hébergement nocturne des personnes sans domicile fixe, parmi lesquelles se trouvent nombre de migrants ; elles sont aussi l’occasion pour le collectif d’assurer une présence en cas de contrôles policiers et de constater les conditions dans lesquelles ils se déroulent.

Arrestation d’un afghan par la police

Outre ce soutien régulier, la dynamique initiée a donné lieu, en 2003, à la mise en place d’une plate-forme d’accès à l’hébergement gérée par France Terre d’Asile, les exilés n’étant alors pas pris en charge par les dispositifs existants.

Des temps d’information et de suivi

Afin de répondre au besoin d’information des populations migrantes, notamment en termes d’accès aux droits, une réunion d’information collective se tient tous les samedis après-midi dans le 10ème arrondissement de Paris. Des guides pratiques ont été rédigés à leur attention, sur les procédures de demande d’asile, l’accès aux droits au quotidien (accès à l’aide alimentaire, à un hébergement, à des soins…), et les droits des mineurs étrangers. Ce dernier guide, traduit en anglais, en kurde et en farsi, les informe des démarches qu’ils peuvent entreprendre pour rester légalement sur le territoire français dans les meilleures conditions.

Lorsqu’ils ont réussi à demander l’asile en France, seuls 10% des migrants obtiennent le statut protecteur de réfugié. Les autres sont condamnés à l’exil et à la précarité. Le collectif accompagne parfois ces derniers dans leurs actions judiciaires, comme cela a été le cas en décembre 2005 lorsque quatre Afghans, soutenus par le GISTI et la CIMADE, ont saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme d’une requête urgente contre leur expulsion collective. C’est à cette occasion qu’ont été apportés les témoignages recueillis lors des maraudes sur les circonstances dans lesquelles des contrôles policiers avaient été effectués. Des référés-liberté engagés par le collectif ont par ailleurs permis d’obtenir du tribunal administratif de Paris un hébergement pour une centaine d’exilés de nationalités afghane et iranienne.

Pour faciliter la rédaction de recours et de demandes d’asile, un espace du site internet du collectif est consacré à l’actualité des pays du Moyen-Orient et d’Asie-centrale dont sont originaires les migrants présents à Paris.

Une lutte politique pour un problème collectif

Au-delà des actions concrètes menées en faveur des migrants, le collectif s’efforce de mener une lutte politique pour qu’ils obtiennent un statut protecteur leur permettant de sortir de la précarité et de vivre dignement. Pour les membres du collectif, la situation des migrants ne relève pas d’une négligence des pouvoirs publics mais bien d’une volonté politique de les décourager de rester en France. Il s’agit donc d’alerter l’opinion publique, de sensibiliser les élus, mais aussi de confronter les institutions et les acteurs politiques à leur responsabilité.

La saisine des autorités sur la condition des mineurs isolés étrangers

Le Collectif de soutien aux exilés du 10ème arrondissement de Paris est particulièrement sensible à la situation des mineurs isolés étrangers.

Ces derniers, de plus en plus nombreux, ne bénéficient quasiment d’aucune protection de la part de l’État français. Légalement, les mineurs doivent être pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et bénéficier d’une autorisation de séjourner sur le territoire français jusqu’à leur majorité, or tel n’est pas le cas.

Avant d’être perçus comme des mineurs isolés et donc des personnes vulnérables, ils sont considérés comme des fraudeurs et comme des étrangers. Leur minorité étant presque automatiquement mise en doute, ils subissent une expertise osseuse qui vise à déterminer leur âge mais dont la fiabilité est cependant remise en cause par de nombreux experts.

Face aux multiples situations de violations des droits des mineurs, le collectif entreprend plusieurs démarches. Il a ainsi saisi la défenseure des enfants sur des situations individuelles ou à partir de témoignages de migrants, recueillis à Paris, Calais et Lille. Celle-ci s’est d’ailleurs rendue sur le terrain pour observer la situation. Le collectif a, du reste, mené plusieurs procédures contentieuses en coopération avec d’autres associations, en saisissant la justice en contestation des expertises osseuses diligentées pour déterminer l’âge des mineurs.

Face aux politiques nationales et européennes sur l’asile et l’immigration, les avancées du collectif ne sont jamais acquises. Si les résultats sont difficiles à obtenir, son action a d’ores et déjà permis d’apporter un soutien matériel et juridique à de nombreux exilés, mais aussi de contribuer à rendre visible leur existence et la précarité de leur situation en France.