Pourquoi le gouvernement doit soutenir les médias alternatifs

, par LIMA Venício A. de

L’article a été traduit du portugais au français par Fernanda Gregoire, traductrice bénévole à Ritimo. Il a été publié, initialement, sur le site Vermelho, le 11 mars 2013. 

Lors d’une audience publique à la Commission Sciences & Technologies, Communication et Informatique de la Chambre des Députés, qui s’est tenue le 12 décembre dernier, le président de l’Association Brésilienne des Entreprises et des Entrepreneurs de la Communication (Altercom), Renato Rovai, a proposé que 30% des recettes publicitaires du gouvernement fédéral soient destinées aux petites entreprises de médias.

Des dirigeants d’Altercom ont également eu une audience avec la ministre du Secrétariat de la Communication Social de la Présidence de la République (Secom-PR), Helena Chagas, pour aborder la question de la publicité gouvernementale.

Ils font valoir que l’achat par le gouvernement d’espaces publicitaires dans ces petites entreprises médiatiques aide toute la chaîne productive du secteur. Ceux qui travaillent avec des agences de presse ou de publicité de petite taille et avec des producteurs indépendants de vidéo sont les petites entreprises médiatiques.

Par ailleurs, en revendiquant que 30 % des recettes publicitaires soient consacrées à des petites entreprises de médias, Altercom rappelle que la différence de traitement entre petites et grosses structures existe déjà dans d’autres activités, comme le rappelle la loi des appels d’offres (Loi n° 8.666/1993).

Deux exemples :
1. Lors de l’achat de nourriture pour le goûter scolaire, depuis la Loi nº 11.947/2009, un minimum de 30% du montant alloué par le Programme national d’alimentation scolaire, du fonds de développement de l’Education, du ministère de l’Education, responsable de cette politique, doit être utilisé dans l’achat de « nourriture qui provient directement de l’agriculture familiale et de l’entreprise familiale rurale ou de ses organisations, en donnant la priorité aux règles de la réforme agraire, aux communautés traditionnelles indigènes et aux communautés du Quilombo ».

2. Dans le fonds du secteur de l’audiovisuel (FSA), destiné au développement de l’activité audiovisuelle, créé par la Loi nº 11.437/2006 et réglementé par le Décret nº 6.299/2007, la distribution de ressources prévoit des quotas de participation pour les régions où le secteur est le plus fragile. 30% des ressources du FSA doivent être affectées au Nord, au Nord-Est et au Centre-Ouest. Autrement dit, toutes les ressources ne peuvent pas êtes destinées aux États qui sont les mieux structurés.

La régionalisation des recettes officielles

La revendication d’Altercom est la conséquence de l’apparente modification du comportement de la Secom-PR concernant les relations avec les médias dits alternatifs.

La régionalisation constitue la ligne directrice de communication de la Secom-PR, instituée par le Décret 4.799/2003 et confirmée par le Décret n° 6.555/ 2008, selon son article 2°, X :
« Art. 2° - Dans l’élaboration et la mise en œuvre des actions de communication prévues dans ce Décret, les directives suivantes doivent êtes observées, en accord avec les caractéristiques de l’action :
“X – Valorisation de stratégies de communication régionalisée.”

Entre autres, la régionalisation a pour objectifs de “diversifier et déconcentrer les investissements dans les médias ”.

En effet, en suivant cette orientation, la Secom-PR a continuellement élargi le nombre des moyens et des municipalités admissibles dans leurs plans de médias. Les tableaux ci-dessous montrent cette évolution.

Évolution des immatriculations des moyens par les municipalités

Évolution des immatriculations des moyens par source de communication

(Source : Centre des Médias de la Secom)

Il s’agit d’une importante réorientation historique de l’allocation des ressources publicitaires officielles, car le nombre de municipalités a augmenté de 182 en 2003 à 3450 en 2011, et le nombre de structures de communication qui peuvent être programmés est monté de 499 à 8519 sur la même période.

Deux observations

Tout d’abord, nous devons rappeler qu’« être enregistré » n’est pas la même chose qu’« être programmé ». Dans sa présentation à la Confédération nationale des travailleurs du secteur financier (Contraf), à São Paulo, le 16 juillet 2009, l’ex-secrétaire exécutif de la Secom-PR, Ottoni Fernandes Júnior, récemment décédé, a cité comme exemple de régionalisation la campagne publicitaire dans laquelle 1220 journaux et 2593 émissions de radio ont été programmés – soit 64 % et 92 % des structures enregistrées.

Deuxièmement, une enquête réalisée par le journal Folha de São Paulo, publié en septembre 2012, révèle que lors des premiers 18 mois du gouvernement de Dilma Rousseff (entre janvier 2011 et juillet 2012), et malgré l’investissement publicitaire réalisé vers plus de 3000 structures de communication, 70 % du total des ressources ont été destinées à seulement dix groupes de presse.

L’augmentation des moyens programmés ne correspond pas, du moins pendant cette période, à une réelle redistribution des ressources. Au contraire, les investissements officiels renforcent et consolident les oligopoles du secteur, en contradiction avec le paragraphe 5 de l’article 220 de la Constitution Fédérale, qui dit :
« Les groupes de communication sociale ne peuvent pas, directement ou indirectement, être l’objet d’oligopole ou monopole »

Démocratie en jeu

Les médias alternatifs n’ont donc pas les conditions nécessaires pour rivaliser avec les grands médias si nous appliquons uniquement les « critères techniques » d’audience et de CPM (coût par mille). Si ces critères perdurent, les entreprises de presse de petite taille seront étouffées financièrement à court terme.

Il s’agit du respect des principes de pluralité et de diversité, implicites dans la Constitution. Des principes fondamentaux du droit universel à la liberté d’expression pour garantir une opinion publique républicaine et démocratique.

Si ces principes sont respectés, le critère d’investissement publicitaire par la Secom-PR doit être « pour une plus grande redistribution » (Edwin Baker) pour que davantage de voix participent activement à l’espace public.

Comme affirment les membres d’Altercom, traiter de façon inégale les inégaux est une façon de rendre justice. Cela doit être appliqué dans les investissements publics vis-à-vis des petites entreprises de communication. En considérant la centralisation sociale et politique des médias, ce qui est réellement en jeu est la démocratie même dans laquelle nous vivons.

Ne serait-ce pas là une raison suffisante pour que le gouvernement fédéral soutienne les médias alternatifs ?

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