L’écologie industrielle, des alternatives à l’économie dominante

Eclaircissements sur le vocabulaire de l’écologie industrielle

, par LaRevueDurable

Pour l’essentiel, l’écologie industrielle envisage et étudie le système industriel comme un cas particulier d’écosystème.

Tandis que le terme « écologie » se réfère à l’étude scientifique des écosystèmes, l’adjectif « industrielle » renvoie à l’ensemble de la société désormais industrialisée. Outre les usines, cette industrialisation se manifeste par une agriculture intensive, un secteur tertiaire vorace en énergie, la consommation de masse, y compris de loisirs, une urbanisation tentaculaire et un interminable réseau d’infrastructures : routes, ponts, ports, aéroports, hypermarchés, complexes sportifs, etc

En préférant la formule « économie circulaire » – reprise de l’allemand Kreislaufwirtschaft – à celle d’écologie industrielle, les Chinois évitent toute ambiguïté concernant l’adjectif « industrielle » et suggèrent adroitement ce qui est visé : faire évoluer le système économique vers un fonctionnement en boucle, dans lequel les déchets des uns – ménages, industries, administrations – sont les ressources des autres. L’énergie solaire constituant le seul apport extérieur d’énergie.

Le premier pas d’une démarche d’écologie industrielle et son cœur méthodologique consistent à mesurer le métabolisme des activités économiques : c’est le métabolisme industriel, urbain ou territorial. Cette opération a pour vocation de comptabiliser toutes les matières qui entrent et qui sortent d’une entité donnée, qui peut être un produit (un crayon à papier, un litre de jus de pomme, une tonne d’acier, etc.), une structure (une usine, une école, un ménage, etc.) ou un territoire (un quartier, une ville, un département, un canton, une région, un pays, un continent ou le monde entier).

Illustration de Claire robert sur l’économie circulaire
Claire Robert

Mesurer des flux

L’étude du métabolisme se fait par l’analyse des flux de matières. Dans la nature, rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Dès lors, analyser les flux de matières revient à suivre, lors du cours normal de l’activité économique qui a lieu sur un territoire donné, le parcours de chaque matière depuis son extraction ou son importation, sa transformation, son accumulation éventuelle sous forme de bâtiments ou de biens à longue durée de vie jusqu’à sa sortie sous forme de produits, d’émissions gazeuses et de rejets solides et liquides.

Exprimées en tonnes ou en kilogrammes, ces mesures sont purement quantitatives. Or, une tonne de mercure ou de chlore, par exemple, affecte plus les écosystèmes qu’une tonne de sable ou de gravier. D’autres outils sont donc nécessaires pour évaluer l’impact environnemental d’un flux.

L’analyse du cycle de vie quantifie la contribution d’un produit, du berceau à la tombe (c’est-à-dire de sa fabrication à son dépôt dans une décharge ou son incinération en passant par toute sa phase d’utilisation), à un problème écologique donné : réchauffement climatique, destruction de la couche d’ozone, pollution des sols, de l’eau et/ou de l’air, toxicité, etc.

L’empreinte écologique indique la pression globale sur l’environnement que génèrent les flux de matières et d’énergie qu’induit la fabrication d’un produit ou l’activité économique d’une entité donnée. Elle compare les exigences matérielles d’une personne, d’un produit ou d’un territoire à la capacité naturelle des écosystèmes à satisfaire ces exigences et à absorber, digérer et faire disparaître les déchets et les émissions qui en résultent.

Au bout du compte, tous ces indicateurs et d’autres – statistiques des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation d’énergie, inventaire des ressources en eau potable, des forêts ou des mines d’un pays, etc. – constituent la comptabilité physique d’un pays. Cette comptabilité est complémentaire de la comptabilité nationale et devrait logiquement faire partie intégrante des statistiques publiques (les comptes de la nation).

L’Office statistique des communautés européennes, Eurostat [1], a défini une méthode pour que tout pays européen puisse relever les flux de matières dont son économie dépend. Environ la moitié des pays industrialisés du monde – dont la Suisse et la Belgique, mais pas encore la France – tient à jour une comptabilité de ses flux physiques. Cela leur permet d’évaluer leur taux de ponction sur des stocks de ressources limités.

Avec leur comptabilité monétaire, ces pays peuvent ainsi estimer l’efficacité de leur économie à produire de la valeur à partir des ressources naturelles. Ce qui, autrement dit, leur donne une indication de leur niveau de durabilité.