Énergie et eau : un modèle énergétique alternatif pour l’Équateur

L’eau, un patrimoine mal distribué et mal exploité

, par EcoPortal

L’Équateur est un pays qui possède une quantité d’eau suffisante à l’échelle nationale ainsi qu’une superficie en eau par habitant quatre fois plus grande que la moyenne mondiale. Comme l’affirme l’un des plus grands experts en la matière, Antonio Gaybor [1], « le problème est que l’eau est mal distribuée, que la pollution s’accroît et que ses sources se détruisent de manière accélérée ».

Le fait que l’eau ne soit utilisée que par un petit nombre de personnes est marquant. Selon les informations du Forum sur les ressources hydriques, l’État a distribué 2 240 mètres cubes par seconde (m_/s) d’eau à travers 64 300 concessions. Une valeur qui est, en réalité, plus importante à cause des détournements du liquide vital. Les deux tiers de ce débit (74,28 %) ont été enregistrés dans le sous-secteur de l’électricité, avec 147 concessions. L’irrigation, avec 31 519 concessions, représente 49,03 % du total de ces dernières, c’est-à-dire 19,65 % du débit. Les concessions pour une utilisation domestique de l’eau sont nombreuses : 21 281 (33,1 %), mais représentent à peine 1,22 % du débit accordé.

Ainsi, par exemple, dans le secteur agricole, l’utilisation de l’eau concerne surtout les cultures qui seront exportées, alors que la production de nourriture pour la consommation nationale s’est affaiblie. Le pays importe donc aujourd’hui certains produits alimentaires. La consommation d’eau (et certainement la pollution de celle-ci) a augmenté avec la population durant ces dernières décennies mais également à cause de la croissance des activités agricoles extrêmement gourmandes en eau destinées au marché extérieur. Par conséquent, les exportations contiennent davantage d’eau provenant de l’irrigation que la production de nourriture pour le marché domestique.

De plus, dans la mesure où l’agro-industrie a progressé, les monocultures, cause de la pollution croissante, se sont intensifié. De même, il faudrait noter que le coût de l’eau est extrêmement bas pour toutes ces activités polluantes et qui entraînent une concentration de l’eau autour d’elles.

Une majeure partie des grandes entreprises qui cultivent par exemple bananes, sucre ou crevettes, paie de misérables sommes pour l’eau qu’elle utilise. Les paysans qui cultivent le riz dans la province de Guayas, par exemple, payent 120 fois plus cher pour avoir accès à l’eau que le malin San Carlos ou la bananeraie REYBANPAC. Les paysans de Toacazo, dans la province de Cotopaxi, payent 52 fois plus cher et ceux de Licto, à Chimborazo, 35 fois plus. De plus, ces grandes entreprises bénéficient de l’accès à l’eau en marge des dispositions légales. Il existe certainement des concessions qui sont désapprouvées, mais seules les propositions spéculatives sont à l’ordre du jour.

La tendance du monopole de l’eau dans l’agriculture est notoire. La population paysanne, surtout autochtone, qui utilise des systèmes d’irrigation communautaires, représente 86 % des utilisateurs. Cependant, ce groupe détient à peine 22 % de la superficie irriguée et n’accède qu’à 13 % du débit d’eau. Tout cela pendant que les grands consommateurs, qui ne représente même pas 1 % des unités de production, utilisent 67 % de ce débit.

En présentant ces chiffres, Antonio Gaybor est catégorique : « Il n’y a pas de doute que l’accès inéquitable à ces ressources constitue la cause déterminante des perverses inégalités sociales, depuis lesquelles s’érige le pouvoir politique hégémonique. » L’exploitation accélérée de l’eau, tout comme celle de la main d’œuvre dans le milieu rural, ajoutée à la concentration des ressources hydriques et de la terre (qui n’est pas affectée par les timides processus de réforme agraire), constituent la base de l’accumulation du capital. Ce sont ces demandes du capital qui provoquent les rythmes infernaux de l’exploitation économique et qui expliquent à leur tour la pollution croissante.

Dans un autre domaine, même lorsque l’exploitation minière à grande échelle n’est pas encore entamée [2], cette industrie, existante en Équateur, a déjà provoqué de sérieux problèmes de diverses pollutions de l’eau [3]. Toute une série de produits très nocifs pour la nature sont utilisés dans ces activités [4].

Il est important d’insister sur le fait que l’Équateur, en comparaison à d’autres régions du monde, est un pays privilégié en ce qui concerne la disponibilité de l’eau. Malheureusement, surtout depuis ces dernières années, une détérioration permanente de la qualité et même de la quantité d’eau a été enregistrée. La disparition des lieux isolés et la déforestation croissante illustrent cette complexe réalité ainsi que le processus d’envasement [5] des rivières de la région de la Costa, causé par l’érosion permanent de la Sierra et de ses contreforts. Ceci est une autre explication des fréquentes inondations du littoral équatorien.

De la même manière, les graves problèmes déclenchés par la manipulation des polluants présents dans l’eau à cause de l’extraction du pétrole et celle des résidus dans la région de l’Amazonie n’ont pas été résolus. En résumé, la pollution a affecté les 72 bassins hydrographiques du pays. Dans l’océan apparaissent également d’immenses quantités de déchets qui menacent la vie aquatique et affectent les plages ainsi que les mangroves.

Notes

[1Gaybor est le secrétaire exécutif de l’association d’Habilitation pour la gestion des ressources naturelles renouvelables (CAMAREN).

[2Il est ridicule, c’est le moins qu’on puisse dire, de tenter de justifier l’ouverture d’une grande exploitation minière en présentant comme argument la pollution provoquée par celle déjà existante dans le pays.

[3Des études ont montré que la pollution provoquée par l’exploitation minière existante dans la province de El Oro s’étend dangereusement à la Costa, arrivant même jusqu’au nord du Pérou. Une partie des plantations de bananiers de l’Équateur seraient polluées par du mercure et d’autres produits. Les résidus de ces polluants pourraient entraîner un arrêt de l’exportation des fruits équatoriens sur le marché international. Cette pollution affecterait également les plantations de cacao ainsi que l’aquaculture. Une partie des sources d’eau utilisée pour la distribution du liquide vital rendu potable dans la ville de Guayaquil pourrait également y être exposé.

[4Par exemple, le cyanure est utilisé pour extraire l’or du minerai (la terre et la roche qui contiennent les métaux recherchés). Une dose de cyanure de la taille d’un grain de riz serait plus que suffisant pour tuer un adulte.

[5Phénomène lors duquel s’accumule les sédiments dans le lit des rivières, les réservoirs des barrages, les eaux souterraines, etc. Il transforme l’environnement et influe donc lourdement sur l’écosystème local.