Tunisie : les enjeux de la transition démocratique

Introduction

Printemps arabe

, par CDTM 34

Trois ans après la révolution, la Tunisie vient d’adopter en janvier 2014 une nouvelle Constitution, jetant les fondements d’un État démocratique : exécutif bicéphale, davantage de parité dans les instances de gouvernance, place réduite accordée à l’islam... Parallèlement, un gouvernement d’indépendants sera chargé de conduire le pays vers les élections législatives et présidentielle en 2014.

Ce dossier a été publié en février 2012.

La révolution tunisienne a soulevé un grand vent d’espoir dans le monde entier, en particulier pour les citoyens arabes épris de liberté, de démocratie et de dignité.

Ils savent aujourd’hui que le changement est possible, qu’ils peuvent, comme le peuple tunisien, mettre fin au règne des dictatures, des libertés confisquées et de la peur. Après la Tunisie, dans d’autres pays arabes, d’autres peuples luttent pour leurs droits à la dignité, la liberté, la démocratie. Ces processus sont en en cours dans des contextes différents, mais le plus souvent dans un climat de tensions et de violences. Les incertitudes sur le devenir de ces révolutions sont fortes. En Tunisie notamment.

En Tunisie, une révolution pacifique

La Tunisie a balayé la dictature de Ben Ali. La majorité des jeunes qui ont mis en marche cette révolution n’appartenait à aucun parti, syndicat ou association mais exprimait des revendications politiques fortes : « liberté, démocratie, dignité, justice sociale ». La Tunisie saura-t-elle répondre à ces aspirations ? Une transition démocratique est en cours.

L’élection de l’Assemblée constituante, le 23 octobre 2011, s’est déroulée dans le calme et la transparence. Les résultats marquent la victoire du parti islamiste Ennahda. Le président de la République Moncef Marzouki, chef du Congrès pour la République, veut croire à la capacité de l’islam politique de respecter les aspirations du peuple tunisien, malgré les actes de violence de militants salafistes financés par l’Arabie saoudite, qui inquiètent notamment les défenseurs des libertés.

Des choix politiques

Le nouveau pouvoir doit donner à la population des signes concrets de changement, tant sur le plan économique que social et politique. Les enjeux sont importants. Ils concernent en premier lieu les libertés fondamentales : la restauration de la justice, le respect de la liberté des médias, la consolidation des droits des femmes.

La relance de l’économie est une tâche fondamentale à laquelle le gouvernement de transition doit s’atteler : la réduction de la fracture entre les régions côtières et l’intérieur du pays et la redistribution des richesses pour plus de justice sociale. Il doit par ailleurs en finir avec l’opacité financière et la corruption généralisée.

La place du religieux dans le champ social et politique et la question identitaire sont aussi des défis d’importance. L’islam politique va-t-il jouer le jeu de la démocratie et du respect des libertés individuelles et notamment préserver les droits des femmes de vivre dans une société sécularisée, comme s’y sont engagés les responsables d’ Ennahda ? La victoire du parti Ennahda s’inscrit dans un contexte particulier : la chute de Ben Ali a été perçue pour beaucoup de Tunisiens comme un retour à la liberté religieuse, après des années de harcèlement policier, contre les responsables du parti islamiste et contre ses militants en général. Ce parti n’a pas fait campagne sur un projet d’instauration d’un Etat islamique mais a invoqué le « retour de l’islam dans l’équation de l’identité tunisienne, dont Bourguiba l’avait écartée ».

La Tunisie est dans une phase de transition pour consolider la démocratie et mettre en place des institutions garantissant les droits fondamentaux pour tous. La société civile manifeste sa vigilance pour ne pas se laisser confisquer la révolution. Après sa révolution, la Tunisie est face à un immense défi. Son devenir est une question ouverte.