Côte d’Ivoire : Les questions clés de la crise ivoirienne

La question foncière

, par CDTM 34

Le droit à la terre est l’un des enjeux majeurs de la crise en Côte d’Ivoire. Comment passer d’un système coutumier où chacun peut avoir Accès à la terre pour assurer sa subsistance, au système de la propriété privée ? La tradition du pays veut que les étrangers soient accueillis par la communauté et puissent avoir Accès à la terre sous couvert d’un tuteur. En contrepartie, les nouveaux arrivants sont redevables envers leurs tuteurs, qui exigent d’eux divers cadeaux, services et sommes d’argent. Une seule règle régit ce système : la terre appartient à la communauté et non à l’individu. A l’époque du miracle économique, dans les années 1960-1970, la terre devient une valeur monétaire et demande à être exploitée pour développer le marché ivoirien. Houphouët-Boigny accorde aux ouvriers agricoles immigrés une partie de la terre, qu’ils peuvent exploiter à leur guise, s’affranchissant ainsi du système du tutorat. Commencent alors des divergences d’opinions, les autochtones affirmant qu’ils ont seulement cédé une partie de la terre de leurs ancêtres, alors que les populations immigrées s’approprient, cultivent et héritent de cette même terre. Certains autochtones revendiquent des terres concédées aux étrangers, alors que ces derniers les exploitent pour vivre.

Sous Houphouët-Boigny, ce conflit reste étouffé par la main de fer du président ivoirien. Mais la crise politique et économique qui suit sa mort en 1993, fait ressurgir cette question foncière. Dans un pays qui passe de 3 millions d’habitants en 1960, à plus de 16 millions à l’aube du XXIème siècle, avec 26% d’étrangers principalement ouvriers agricoles, la pression foncière, la crise économique, l’augmentation du chômage... deviennent autant de sources de graves conflits entre communautés se battant pour l’exploitation de la terre. Le système foncier demande une législation claire encore inexistante. Réforme très délicate, alors que la plupart des terres n’ont pas de titre de propriété.

En décembre 1998, le conflit foncier prend une tournure politique avec la loi foncière que fait voter H.K. Bédié avec le soutien du PDCI et aussi du FPI de L.Gbagbo. Cette loi organise le passage à la propriété privée, tout en empêchant les étrangers de posséder une terre ; leurs terres sont récupérées par l’État comme étant « non-immatriculées ».

Le MPCI demande l’amendement de cette loi discriminante qui accentue le rejet des étrangers et s’ajoute à la dérive nationaliste qui a embrasé la Côte d’Ivoire.