Yolanda : le messager

, par TNI , BELLO Walden

L’article a été traduit de l’anglais au français par Laurence Besselievre, et relu par Virginie de Amorim, traductrices bénévoles à Ritimo. Retrouvez l’article original sur le site de Transnational Institute, Yolanda : the Messenger.

Ces derniers temps, il semble que lorsque Mère Nature souhaite envoyer un message urgent à l’humanité, elle le fasse via les Philippines. Cette année, le messager était Yolanda, alias Haiyan.

Pour la seconde année consécutive, le typhon le plus puissant au monde a balayé les Philippines, Yolanda ayant suivi les traces de Pablo, alias Bopha, en 2012. Et pour la troisième année d’affilée, une tornade destructrice a dévié de l’itinéraire habituel des typhons, frappant des communautés qui n’avaient pas appris à vivre avec ces effroyables évènements météorologiques puisqu’elles avaient rarement été touchées par ceux-ci dans le passé. Sendong en décembre 2011 et Bopha l’année dernière ont traversé Mindanao horizontalement alors que Yolanda a, cette fois, balayé les iles Visayas mais toujours horizontalement.

Que le changement climatique ait entrainé des super typhons et pris des directions étranges est un message de la nature non seulement pour les Philippins mais également pour le monde entier dont l’attention était pétrifiée devant les images télévisées d’un gigantesque cyclone en colère s’abattant sur le centre des Philippines, le balayant et faisant route vers le continent asiatique.

COP19 : une autre impasse ?

Cependant, il n’est pas certain que les gouvernements réunis à Varsovie saisissent cette occasion [Du 11 au 22 novembre, Varsovie a accueilli le Sommet international sur le climat COP-19, étape décisive préparant la grande conférence de Paris en 2015. Le 11 novembre, les Philippines, touchées par le typhon Haiyan, ont appelé la communauté internationale à prendre des engagements clairs sur le réchauffement climatique.NDLR]

Plus tôt dans l’année, on pensait que l’ouragan Sandy apporterait des changements de premier plan au programme du Président Obama. Cela n’a pas été le cas. Alors qu’il clamait avoir ordonné aux agences fédérales de prendre des mesures capables d’obliger les centrales électriques à réduire leurs émissions de carbone et à encourager un virage vers des sources d’énergies renouvelables, Obama n’enverra aucune délégation qui aurait changé la politique américaine de non-adhésion au protocole de Kyoto que Washington a signé mais jamais ratifié. Bien que 70 % des Américains croient maintenant au changement climatique, Obama n’a pas le courage de défier les fanatiques « climat-sceptiques » qui remplissent les rangs du Tea Party et l’establishment des entreprises américaines sur ce point.

Il est également peu probable que la Chine, qui est actuellement le plus gros émetteur mondial de carbone, accepte des limitations obligatoires de ses émissions de gaz à effet de serre, se défendant que ce sont ceux qui ont le plus contribué à l’accumulation de gaz à effet de serre, comme les États-Unis, qui devraient être soumis à ces mêmes réductions obligatoires. Et, il en est ainsi de la Chine, comme du Brésil, de l’Inde et d’une foule d’autres pays en développement davantage industrialisés qui sont les voix les plus influentes dans la coalition du « Groupe des 77 et de la Chine ». Ce que les gouvernements de ces pays semblent dire, c’est que les projets de développement industriel du carbone intensif en cours ne sont pas négociables.

Un intervalle dangereux

Selon la plateforme de Durban, mise en place en 2011, les gouvernements sont supposés soumettre leurs projets de réduction d’émission de carbone d’ici 2015 qui seront alors mis en œuvre en 2020. D’après les climatologues, cela laisse un intervalle dangereux de sept ans durant lequel aucun changement au niveau de la réduction des émissions ne peut être attendu de la part des États-Unis et de beaucoup d’autres pays émetteurs intensifs de carbone.

Il est de plus en plus évident que chaque année compte si le monde veut éviter une hausse globale de la température de plus de 2 degrés Celsius, référence acceptable au-delà de laquelle le climat mondial est supposé se détraquer pour de bon.

Des pays comme les Philippines et d’autres États insulaires sont en première ligne du changement climatique. Chaque année d’évènement climatique désastreux, énorme et fréquent comme Yolanda et Pablo leurs rappelle la situation injuste dans laquelle ils se trouvent.

Ils sont parmi ceux qui ont le moins contribué au changement climatique et pourtant, ils sont les premières victimes. Leur intérêt ne repose pas seulement sur l’accès à un financement consacré aux mesures « d’adaptation ». (Un fonds vert pour le climat a été mis en place pour commencer en 2020 en canalisant 100 milliards de $ par an, des pays riches vers les pays pauvres afin de les aider à s’adapter au changement climatique mais, jusque là, les contributions sont lentes à arriver et peu élevées.) Avec les typhons et les ouragans qui représentent des catastrophes météorologiques, ces pays de première ligne doivent pousser tous les grands émetteurs de gaz à effet de serre à accepter immédiatement des réductions radicales des émissions et à ne pas attendre 2020 pour s’occuper de cela.

Des tactiques pas très orthodoxes

Pendant les négociations à Doha l’année dernière, l’un des dirigeants de la délégation philippine a pleuré en évoquant les ravages provoqués par le typhon Pablo à Mindanao. Cela a été un moment de vérité dans les débats sur le climat. Cette année, notre délégation doit transformer ses larmes en colère et dénoncer les gros pollueurs climatiques qui refusent continuellement de prendre les mesures nécessaires afin de sauver le monde de la destruction que les économies à forte intensité de carbone ont lâché sur nous tous.

Le meilleur rôle de notre délégation serait peut-être d’adopter des tactiques peu orthodoxes, comme interrompre les négociations sur le plan procédural, afin d’éviter que la conférence ne retombe dans l’alignement habituel du Nord, riche, contre le groupe des 77 et de la Chine.

Cette configuration entrainerait une impasse politique malgré l’augmentation de 4 degrés de la terre et la mise en garde de la Banque mondiale de la nécessité d’un effort global massif pour empêcher cette augmentation.