Burkina Faso : une jeune démocratie à l’épreuve du terrorisme islamiste

Une relative croissance économique et un indice du développement humain qui peine à progresser

, par MDH

Si le Burkina Faso peut s’enorgueillir ces dernières années d’un taux de croissance qui dépasse les 6 %, celui-ci est toutefois à relativiser du fait de la croissance démographique qui avoisine les 3 %. L’indice de développement humain ne s’améliore que très faiblement et le pays reste dans la dizaine des pays classés comme les plus pauvres de la planète.

Place des Nations Unies à Ouagadougou au Burkina Faso. Image de Helge Fahrnberger (CC BY-SA 3.0)

L’extraction de l’or, première richesse du pays

Au premier rang des richesses du pays se trouvent les mines d’or dont l’exploitation ne profite que très relativement à la population. En effet, après la chute du régime de Blaise Compaoré en 2014, le code minier a été revu imposant une nouvelle taxe de 1 % du chiffre d’affaire des entreprises extractivistes pour alimenter le « Fonds d’exploitation minière pour le développement local » censé être reversé aux collectivités territoriales. L’instauration de cette nouvelle taxe a créé des résistances de la part des multinationales et les premiers fonds ont commencé à être versés seulement en 2019 malgré l’adoption de la loi en 2015. Cette taxe vient renforcer une redevance versée à l’État déjà en vigueur mais qui s’est révélée jusqu’à ce jour assez faible (3 à 5 % du chiffre d’affaire en fonction des cours de l’or). Cette très modeste taxation de l’extractivisme est le résultat d’exonérations fiscales imposées par les sociétés étrangères pour exploiter l’or du Burkina Faso.

Le MBDHP [1] dénonçait, dans une de ses interventions à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples en avril 2013, une extraction minière principalement aux mains des multinationales. C’est un véritable pillage des ressources organisé par des sociétés qui bénéficient d’exonérations fiscales et un État burkinabè qui ne dispose que de 10 % des parts de ces sociétés et laisse partir les richesses du pays.

Depuis le milieu des années 2000, l’exploitation de l’or s’est beaucoup développée faisant du Burkina Faso un des vingt plus grands pays pour la production d’or. En parallèle de la douzaine de sites industriels, les mines d’or artisanales et les sites d’orpaillages sauvages se sont multipliés dans de nombreuses régions avec des conséquences en termes de pollution des sols au mercure, d’exploitation des travailleurs aux conditions de travail sordides. Le recours au travail des enfants y est très développé qu’ils soient recrutés pour compléter le revenu de leur famille, enrôlés et même parfois enlevés pour être exploités. Cette économie illégale déstructure les villages et les familles car les hommes et les jeunes garçons partent sur des sites miniers artisanaux (lorsque ces sites sont loin de chez eux) et créent des villages dortoirs miniers uniquement composés d’hommes.

L’importance de l’agriculture familiale

Dans ce pays où 85 % de la population vit de l’agriculture, la mise en oeuvre d’une politique de soutien à l’agriculture familiale est indispensable pour sécuriser les habitants confrontés à la fluctuation du prix de vente des denrées alimentaires et au réchauffement climatique.

Cependant, sous le régime de Blaise Comparé, les gouvernements n’ont pas mis en place les politiques qui garantiraient de façon suffisante la sécurité et la souveraineté alimentaires. Pire, ils se sont orientés vers le développement de l’agro-industrie dédiée à l’exportation, notamment avec la filière du coton la firme Monsanto avait pu implanter la fibre Bt de coton transgénique. Ainsi en 2015 la production de coton OGM représentait 75 % de la production nationale.

Les résultats catastrophiques engendrés par le développement de ce coton de moins bonne qualité que le coton naturel du Burkina Faso alliés à l’accroissement des difficultés économiques des paysans pour racheter chaque année les semences ont généré une montée de l’opposition contre le coton OGM. Une mobilisation sans précédent s’est déroulée le 23 mai 2015 à Ouagadougou qui, à l’appui des changements politiques récents, a abouti à l’interdiction du coton Bt génétiquement modifié de la firme Monsanto. Dans cette période, et en grande partie à cause de cette affaire, la production de coton qui constitue encore la deuxième source de richesse du pays après l’extractivisme a même reculé et le Burkina Faso initialement premier producteur d’Afrique de l’Ouest a cédé sa place au Mali.

En matière d’OGM, le Burkina Faso est loin d’être tiré d’affaire avec le lâcher, durant l’été 2019, de plusieurs milliers de moustiques génétiquement modifiés à quelques kilomètres de Bobo Dioulasso censé être une arme contre la malaria et faisant de la population les premiers cobayes de cette nouvelle technologie. Par ailleurs les firmes semencières redoublent d’énergie pour proposer de nouveaux plans génétiquement modifiés pour soi-disant mieux résister aux effets du changement climatique comme le niébé ou le sorgho.

En avril 2019 le nouveau président Roch Marc Christian Kaboré a lancé la banque agricole du Faso avec l’objectif de faciliter la mise en place d’industries de la transformation des aliments. Il n’est pas sûr que cela soit suffisant pour procurer les revenus qui manquent aux paysans. Au sud et à l’ouest du pays, là où se situent les meilleurs terres agricoles le processus d’accaparement des terres ne semble pas s’être arrêté après le changement de gouvernance puisqu’il impacte désormais une surface de 15570 km2.

Cette situation foncière tendue au sud et à l’ouest du pays se retrouve aussi autour de la capitale Ouagadougou où les terres sont accaparées par l’extension de l’urbanisation, le développement d’équipement tels que le nouvel aéroport de Ouagadougou sur une zone rurale à la croissance démographique accrue dans la Région du Plateau central et où l’attribution des terres aux paysans devient de plus en plus problématique.

A l’est et au nord du pays la situation est encore plus difficile : l’insécurité liée au terrorisme induit désormais un important mouvement d’exode des populations, de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de personnes, ce qui a pour effet de désorganiser l’agriculture dans ces territoires et d’impacter les régions limitrophes.

Les femmes constituent l’épine dorsale de l’économie rurale

Au Burkina Faso, même si la notion d’économie solidaire date de ce début de siècle, on peut toutefois considérer que des pratiques sociales semblables sont développées depuis longtemps. Dans ce secteur de l’économie les femmes occupent une place particulière pour avoir su développer les tontines (micro-crédit) et un grand nombre d’organisations tournées vers l’entraide d’autant plus précieuses en situation de crise. Malgré les fortes discriminations dont elles font l’objet en matière d’éducation, d’accès à la terre et des violences qu’elles subissent, les femmes constituent l’épine dorsale de l’économie rurale au Burkina Faso.