Iran : la fin de l’isolement ?

Une ouverture déjà compromise ?

, par AFPICL-BU HDL

Le danger des pressions américaines

La signature de l’accord nucléaire avec l’Iran est une victoire du président américain Obama et de sa politique étrangère. Face à Donald Trump qui n’a eu de cesse de dénoncer cet accord pendant sa campagne électorale et de le qualifier de « pire accord » jamais conclu par les Etats-Unis, Obama a réitéré l’importance de cet accord et a souligné le respect par l’Iran de ses engagements.
Aujourd’hui élu à la présidence des Etats-Unis, Donald Trump va-t-il déchirer cet accord ou le renégocier comme il l’a annoncé ? Toutes ses déclarations ont déjà largement contribué à refroidir ses relations avec l’Iran. Mais en ce qui concerne l’accord, le président américain oublie sans doute qu’il est multilatéral, signé par les Européens, la Russie et la Chine et entériné par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU. Dans ces conditions, il paraît peu probable que l’accord soit remis en cause et que le président américain coure le risque d’une crise majeure. Le président iranien a déjà fait savoir qu’il s’opposait à toute renégociation. En revanche, l’administration américaine veillera à l’application stricte de l’accord. Il serait étonnant que le Congrès américain, dominé par les Républicains plutôt hostiles à l’Iran, ne vote pas d’autres sanctions pendant le mandat de Trump.

L’opposition Obama/Trump sur ce point trouve plutôt son explication dans leur vision opposée de la géopolitique dans cette région, le premier ayant voulu rétablir un équilibre entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, le second voulant s’opposer à l’interventionnisme de l’Iran.
En revanche, cette situation de crise, si elle venait à s’amplifier, pourrait fragiliser le président Rohani pour les prochaines élections présidentielles iraniennes en mai 2017. Le décret anti-immigation de Trump qui vise l’Iran parmi les sept pays concernés, a permis à Khamenei, le guide suprême, de rassembler les Iraniens contre leur ennemi commun américain. Les opposants iraniens à l’accord sont déjà en train de mettre en exergue le peu de changements positifs pour la population iranienne depuis la levée des sanctions.

Le prochain scrutin présidentiel : un choix crucial pour la suite des réformes

Qui aurait pu imaginer en juillet 2015 que l’Iran allait signer un accord multilatéral sur le nucléaire et redevenir un Etat « fréquentable » ? Certes l’Iran n’avait pas vraiment le choix. Les conséquences de l’embargo pesaient de plus en plus sur la population et il fallait trouver une issue autre que l’explosion sociale.

Cet accord est une réussite diplomatique sans conteste pour le président Rohani. Il a sorti l’Iran de son isolement économique et régional et a donné une autre image de l’Iran sur le plan international. Pourtant, l’accord a ses détracteurs, extérieurs comme le président Trump ou Israël, et intérieurs, comme les conservateurs qui craignent que l’ouverture ne fasse vaciller les valeurs de la république islamique ou comme ceux qui tremblent pour leurs privilèges. La relance de l’économie est amorcée et des effets encourageants ont déjà été soulignés. L’économie iranienne a de nombreux atouts : des ressources naturelles, une population instruite, une recherche en hautes technologies, une situation géographique centrale, un pays touristique, une richesse culturelle, etc. Mais à ce jour, les Iraniens n’ont pas vraiment constaté d’améliorations dans leur vie quotidienne et la joie de juillet 2015 a fait place pour certains, à une désillusion. Les promesses du « candidat » Rohani sur le respect des droits civils et politiques n’ont pas été tenues pendant son premier mandat.

Les élections présidentielles sont proches (mai 2017). Comment réagiront les électeurs ? Sanctionneront-ils le président Rohani ou lui accorderont-ils un deuxième mandat pour mener les réformes indispensables à la relance ? Les conservateurs, quant à eux, ne se gênent pas pour insister sur le bilan mitigé de Rohani en évoquant le chômage toujours élevé et l’inutilité de l’accord nucléaire pour le faire baisser. Le guide suprême ne manque pas de le rappeler. C’est donc un choix crucial qui s’annonce pour l’avenir économique de l’Iran et qui est entre les mains du peuple iranien. La progression des députés modérés et des réformateurs lors des élections du parlement iranien en 2016 a démontré que de plus en plus d’Iraniens veulent des réformes. La réélection de Rohani serait un signe fort envoyé à la communauté internationale du désir du peuple iranien de poursuivre la politique d’ouverture et de dialogue. L’élection d’un conservateur anéantirait plusieurs années de négociations à zéro et refermerait la porte entrouverte par la levée des sanctions.