Le Nigeria : un pays créatif, inégalitaire et déchiré

Une littérature créative, engagée qui rayonne mondialement

, par CRIDEV

La richesse de la littérature nigériane puise dans les répertoires des traditions littéraires Yorouba, Ibo et Haussa basées sur la poésie, les proverbes...

La naissance du roman moderne nigérian est concomitante de la lutte pour l’indépendance. Les premiers romans, que ce soit celui de Chinua Achebe « Le monde s’effondre » (date ?) ou celui d’Amos Tutuola « L’ivrogne dans la brousse » (1952), évoquent les effets du colonialisme sur les sociétés africaines.

Après l’indépendance, les romans nigérians portent sur un certain désenchantement et sur la critique des régimes militaires. Dans « Les termitières de la savane » (1987), Wole Soyinka, futur prix Nobel de littérature, dénonce clairement les militaires alors que Ben Okri, dans « La route de la faim » (1991), utilise un style appelé « le réalisme magique » pour souligner la violence de la situation politique.

La guerre civile du Biafra (1967-1970), véritable traumatisme, est sans cesse revisitée par les romanciers, qu’il s’agisse de Chinua Achebe avec « There was a country » (2012) ou de la jeune et talentueuse romancière Ngozi Adichie qui explore cette guerre à travers le miroir familial dans le magnifique « L’autre moitié du soleil » (2006).
Et dans « Bêtes sans patrie » (2005), Iweala fait parler un enfant soldat pour dire la brutalité de la guerre.

Les romanciers sont souvent engagés dans les luttes sociales et politiques. Chinua Achebe dénonce le comportement de la classe politique dans « The trouble with Nigéria » (1984) et Wole Soyinka, premier auteur noir lauréat du prix Nobel de littérature et emprisonné au Nigéria pour avoir soutenu le mouvement d’indépendance du Biafra, a même été condamné à mort et contraint à l’exil.

L’écrivain Ken Saro-Wiwa, auteur de « Sozaboy » (1985) et de « Si je suis en vie » (1995), s’est à plusieurs reprises érigé en porte-parole de son peuple – les Ogonis – en dénonçant l’exploitation pétrolière. Il a été pendu par les militaires en 1995. Un romancier de la jeune génération, Helon Habila, a mis en scène l’industrie pétrolière au Nigéria associée à la corruption, la violence et la pollution dans une nouvelle très corrosive, « Oil on water » (2010).

Une nouvelle génération, très prometteuse, s’interroge sur l’identité et la difficulté du vivre ensemble dans le Nigéria contemporain.
Ces écrivains, dont très peu vivent aujourd’hui au Nigéria, portent un regard distancié sur leur pays.

Ngozi Adichie, à travers un récit de nouvelles « Autour du cou » (2013), interroge la complexité de la société nigériane (rapport hommes-femmes, clivages sociaux) pendant que Sefi Atta, dans « Nouvelles du pays » (2012) ou « Le meilleur reste à venir » (2005), explore les rapports intercommunautaires ou la vie dans la tentaculaire ville de Lagos.
De même, dans « Retour au Nigéria » (2013), la fille de Ken Saro-Wiwa, Noos, dresse un portrait sans concessions du Nigéria d’aujourd’hui, aussi bien de ses tares que de sa prodigieuse créativité.

Au Nigéria, les écrivains sont souvent en mêmes temps romanciers, poètes ou auteurs de théâtre. Teju Cole, auteur de « Open city » (2012), est sur ce point représentatif de cette génération très prolixe.

Ressources bibliographiques sur la littérature nigériane

Cette sélection sur les auteurs nigérians n’est évidemment pas exhaustive. Elle n’est qu’un échantillon représentatif de la très riche littérature nigériane.

Amos Tutuola

  • « L’ivrogne dans la brousse », Gallimard, 2000 [1953]

Chinua Achebe

  • « Le monde s’effondre », Actes Sud, 2013 [1958]
  • « Le démagogue », Nouvelles Editions Africaines du Sénégal, 1984 [1966]
  • « Les termitières de la savane », Belfond, 1990
  • « Éducation d’un enfant protégé par la Couronne », Actes Sud, 2013

Wole Soyinka

  • « Ibadan : les années pagailles », Actes Sud, 1997
  • « Ake : les années d’enfance », Belfond, 1984
  • « Il te faut partir à l’aube », Actes Sud, 2007
  • « Une saison d’anomie », Belfond, 1987

Ben Okri

  • « La route de la faim », Julliard, 1991

Seffi Atta

  • « Le meilleur reste à venir », Actes Sud, 2009
  • « Nouvelles du pays », Actes Sud, 2012
  • Chimamanda Ngozi Adichie
  • « L’autre moitié du soleil », Gallimard, 2008
  • « L’hisbiscus pourpre », Anne Carrière, 2004
  • « Autour de ton cou », Gallimard, 2012

Helon habila

  • « En attendant un ange », Actes Sud, 2004
  • « La mesure du temps », Actes Sud, 2008

Ken Saro-Wiwa

  • « Si je suis encore en vie », Stock, 1995
  • « Soza boys », Actes Sud, 1985

Noo Saro-Wiwwa

  • « Transwonderland : voyage au Nigéria », Hoebecke, 2013

Iweala Uzodinma

  • « Bêtes sans patrie », L’Olivier, 2008

Oyeyemi Helen

  • « Le blanc va aux sorcières », Galaade, 2011
  • « Le petit icare », Plon, 2005

Teju Cole

  • « Open city », Denoël, 2012