L’Éducation à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI)

De l’éducation au développement à l’ECSI

, par Avenir En Héritage, ritimo

Les fondements de l’Éducation au Développement

A la fin du 19e siècle se développent mutuelles, universités populaires et bourses du travail, outils d’auto-organisation et d’émancipation des ouvriers, en même temps que se renforce l’idée que l’éducation (de même que l’information) est politique et est une condition sine qua non de la démocratie. Au même moment, naissent les premières écoles pratiquant une pédagogie active. La volonté est alors de proposer un autre rapport au savoir, qui ne serait plus seulement détenu par le·la seul·e enseignant·e mais aussi par l’apprenant·e. Il s’agit de partir du vécu de chacun·e et d’apprendre en expérimentant. L’éducation sort aussi du strict cadre scolaire, elle devient globale (en s’intéressant aux questions d’organisation sociale) et permanente (en se pratiquant aussi sur les temps de loisirs). Ainsi l’éducation doit permettre une participation active de l’élève, du·de la futur·e citoyen·ne.

Ce sont les principes encore défendus aujourd’hui par les associations d’éducation populaire.

Le concept d’Éducation au Développement (EAD) se développe dans le milieu de la solidarité internationale dans les années 1960. Il s’agit de réagir aux premières expériences de volontaires envoyé·es sans préparation par des associations de solidarité internationale auprès de populations « du Sud » (du « tiers-monde », à l’époque) devant faire face à des situations humanitaires graves (famines, conséquences de conflits, etc.). La volonté est alors de lancer une réflexion sur ces élans de générosité et sur les modalités d’intervention des associations dans des sociétés civiles nouvellement émancipées des tutelles coloniales, afin de ne pas reproduire les mêmes relations. L’EAD vise aussi à sortir du cliché misérabiliste. Des actions de sensibilisation sont menées par le CCFD - Terre Solidaire à l’intention de leurs bénévoles mais aussi auprès du grand public : la volonté est de porter des actions d’information et de communication « choc » afin de favoriser une prise de conscience collective.

L’Éducation au Développement porteuse d’une solidarité internationale réciproque et émancipatrice dès les années 1980

Des évolutions dans les messages portés par l’EAD sont notables dans les années suivantes : il s’agit alors d’encourager les actions d’aide au développement à appuyer les dynamiques locales et non pas à se substituer à celles-ci. Le message est alors de ne pas vouloir « faire à la place de » mais de « donner les moyens de faire » en appuyant les dynamiques et savoir-faire locaux. Le partenariat apparaît comme le mode d’action à privilégier et est préconisé par l’éducation au développement.
Puis à partir des années 1980 le mouvement tiers-mondiste appelle à d’autres relations Nord-Sud.

« Dès le début des années 1980 une Charte des Centres de Documentation Tiers Monde avait été rédigée collectivement. Elle a servi de base politique à la constitution de Ritimo (1985) un réseau composé d’associations qui se revendiquaient tiers-mondistes et dont le nom officiel Réseau d’Information Tiers Monde intégrait cette notion » [1].

Dans les années 1990, l’utilisation du terme « développement » suscite des débats au sein des acteur·rices associatif·ves engagé·es dans cette « éducation à ». D’un côté le terme peut véhiculer un certain sens de l’histoire dans lequel des pays seraient moins avancés et d’autres, plus développés, serviraient de « modèle » (sur les critères du PIB et de la croissance notamment).
Pour autant,

« le terme de développement a longtemps été conservé car il permettait de souligner les notions de long terme, le caractère structurel des actions et des partenariats dans la solidarité internationale, par opposition aux secours d’urgence et aux actions caritatives. » [2].

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Parallèlement, dans ces mêmes années 1990, le développement durable s’impose progressivement comme voie à suivre pour que l’équilibre entre critères économiques, environnementaux et sociaux soient pris en compte à l’échelle internationale. C’est ce qui explique l’enrichissement de la terminologie utilisée pour qualifier les interventions des acteur·rices engagé·es dans le domaine éducatif, préférant utiliser le terme d’Éducation au Développement et à la Solidarité Internationale (EADSI).

Une éducation faisant la promotion d’une citoyenneté solidaire

Dans les années 2000, un nouveau changement de vocabulaire s’opère, en lien direct avec les nombreux questionnements sur les modes d’actions à privilégier pour favoriser la solidarité internationale.
D’abord, la volonté est de faire « disparaître le terme de développement, sujet à trop d’interprétations différentes et parfois contradictoires : parle-t-on de développement économique ? Développement durable ? Prend-t-on en compte l’impact du développement sur la prédation des ressources ? Le développement se fait-il au service ou au détriment des droits humains fondamentaux ? On parle d’aide au développement mais au développement de qui et de quoi ?  ».

En mettant de côté le terme de développement, les acteur·rices impliqué·es dans l’éducation à la solidarité internationale ont souhaité revaloriser la notion de citoyenneté : il s’agit de «  la capacité de comprendre le monde dans lequel on vit, de s’y situer et de contribuer à le faire évoluer. C’est l’objectif de cette éducation, ce qui a toujours été le cas avec l’EADSI, mais qui n’était pas rendu visible ». De ces choix est née l’expression d’Éducation à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI). Cette dernière donne une visibilité aux actions à réaliser ailleurs, mais aussi aux mobilisations à mettre en place en France. Nos modes de vie sont directement liés à des enjeux internationaux tels que le changement climatique, les inégalités, etc. Ainsi être solidaire c’est rechercher des alternatives et adopter des pratiques citoyennes responsables à l’échelle locale mais impactant l’échelle internationale. Ce changement de terminologie peut être traduit comme une appropriation par les acteur·rices de la solidarité internationale du fameux « penser global, agir local » de René Dubos prononcé en 1972 lors du Sommet sur l’environnement [3]. Il faut noter que le terme d’EADSI n’a pas pour autant disparu, il est encore utilisé notamment par certain·es acteur·rices institutionnel·les.

Enfin, il faut noter une évolution qui concerne également les publics cibles des actions d’éducation à la solidarité internationale, qui ont progressivement été élargis : si, au départ, il s‘agissait principalement de former les bénévoles des associations et ONG, généralement avant un départ en mission, ce sont aujourd’hui toutes les composantes de la société, enfants, étudiant·es, jeunes et adultes à qui l’on propose les nombreuses animations et formations d’ECSI, pour penser collectivement la transformation sociétale.

La Charte de l’ECSI

Les acteur·rices de l’ECSI réuni·es au sein de la plateforme Educasol [4] ont adopté en 2015 une charte qui acte les évolutions du concept :

« L’ECSI demande à penser en cohérence tous les enjeux : économiques, environnementaux, culturels et sociaux à l’échelle des différents territoires. Elle contribue à la construction personnelle de citoyens informés, conscients de la complexité de ces enjeux, responsables, capables de faire et d’assumer des choix individuels et collectifs.
Au-delà d’une citoyenneté de statut, il s’agit avant tout d’une citoyenneté de participation et d’engagement ouverte sur le monde.
Indissociable de la citoyenneté, la solidarité est comprise dans un esprit de respect et de reconnaissance réciproque entre les différents acteurs de la société décidés à agir ensemble pour mettre un terme aux violations des droits fondamentaux pour renforcer le vivre ensemble.
La solidarité ne s’impose pas, c’est d’abord un choix. Citoyenneté et solidarité sont les deux facettes complémentaires du levier de changement actionné par les acteurs de l’ECSI.  [5] »