Turquie, la diplomatie du "bon voisinage"

Introduction

La Turquie, entre l’Orient et l’Occident

, par CDTM 34

Au plan historique, culturel et politique, la Turquie est attirée, depuis plus d’un siècle, par trois pôles de civilisations : l’Asie centrale, par ses liens culturels, linguistiques et affectifs, le monde arabe, par ses attaches religieuses, et l’Europe, puisque, depuis les mouvements de modernisation et d’occidentalisation de l’Empire ottoman des XVIIIe et XIXe siècles, les élites ottomanes-turques se veulent avant tout européennes.

Sa position géographique au milieu de plusieurs zones définies comme « à risque » confère à la Turquie une importance géopolitique et stratégique majeure qui a défini et influencé ses relations avec ses voisins. Ce pays entretient une double identité, à la fois occidentale et orientale qui se traduit notamment par son appartenance aux plus importantes institutions du monde occidental (Conseil de l’Europe, OTAN, OCDE, OSCE) et sa participation à des espaces de solidarité concurrents, notamment l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI).

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la Grande Bretagne est le principal allié de l’empire ottoman mais après la victoire de l’Empire allemand sur la France, en 1870, on assiste à l’essor de l’Allemagne au plan diplomatique et à son rapprochement à la fois politique, économique et militaire avec l’Empire ottoman au détriment de la Grande Bretagne. La mobilisation des troupes ottomanes auprès de l’Allemagne en 1914, apparaît comme la conséquence de ce rapprochement.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Turquie s’aligne sur les puissances du champ occidental et maintient cette position pendant toute la durée de la guerre froide. C’est ainsi qu’en 1952 elle adhère à l’OTAN, en mettant à sa disposition son armée, la plus importante après celle des Etats-Unis. Dans le cadre de l’affrontement USA-URSS, la Turquie représente ainsi le « bastion oriental » de l’OTAN face à son ennemi soviétique et le point d’appui du « monde libre » au Proche-Orient.

La fin de la guerre froide bouleverse en profondeur les grands équilibres mondiaux, sans pour autant qu’un nouvel ordre international se mette en place. Dans ce contexte, la Turquie perd son rôle clé, mais trouve les moyens de se positionner comme un pivot indispensable entre l’Europe et l’Asie.

Les années 1990 sont marquées par une série de crises régionales qui voient la Turquie s’affirmer sur la scène internationale grâce à sa puissance militaire, ce qui a pour conséquence de détériorer ses relations avec ses voisins. Elle doit faire face à plusieurs menaces venant de l’intérieur ou de l’extérieur, notamment la question de Chypre, qui est toujours très critique, ses rapports très tendus avec le gouvernement syrien et la question kurde. Les Kurdes qui représentent 20 % environ de la population turque, font l’objet de répressions permanentes de la part du gouvernement turc, en toute impunité.

Vers la fin des années 1990, une nouvelle tendance commence à émerger : le Ministre des Affaires Etrangères Ismail Cem met en place une politique plus ouverte vers les pays turcophones du Caucase et de l’Asie Centrale et aussi vers la Grèce. Pourtant, ce sera surtout avec la montée au pouvoir du Parti de la Justice et du Développement (AKP) de Recep Tayyip Erdoğan (élu en 2002, confirmé en 2007 et encore en 2011) que les relations extérieures de la Turquie avec ses voisins connaissent un vrai changement de cap.