L’espace libyen : Plaque tournante de l’Afrique

Quel avenir pour les migrants après la révolution de 2011 ?

, par Bioforce

Les vicissitudes du pouvoir

L’année 2011 est marquée par les révolutions en Tunisie et en Egypte. Ce vent de contestation souffle sur tout le monde arabe et chaque chef d’Etat craint de subir cette tempête. C’est en février 2011 que la Libye est touchée par le mouvement contestataire. Les manifestations les plus importantes ont lieu à Benghazi, le colonel Kadhafi décide de les réprimer violement en utilisant la force militaire contre son propre peuple, entraînant alors une véritable révolte qui mettra le pays à feu et à sang.

Dès les prémices de la révolte, l’Union Européenne et plusieurs chefs d’Etats européens (notamment Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy) condamnent les actes de violences et appellent le dirigeant libyen à trouver une solution pacifique au conflit. Les autorités libyennes, au début de l’insurrection, ont menacé l’Union européenne « de cesser de coopérer dans la lutte contre l’immigration » si elle continuait à « encourager » les manifestations dans le pays. L’intervention militaire voulue par l’ONU et opérée par l’OTAN n’ont fait qu’envenimer les relations avec la Libye. Dès lors le dirigeant libyen a bel et bien ouvert les « vannes » migratoires mettant l’Italie (jusque là assez silencieuse) dans l’embarras car outre les accords en matière d’immigration, Rome avait aussi passé des accords économiques avec Tripoli. L’Italie constitue de nouveau LA porte d’entrée du territoire européen pour les migrants qui fuient leur pays.

Ce mouvement de migration concerne plus de 13000 personnes, selon l’OIM (Organisation Internationale pour les Migrations). L’Italie a essayé, tant bien que mal, de faire face. Des centres d’accueil provisoire ont été créés dans plusieurs régions du pays exfiltrant ainsi les migrants de Lampedusa. Face à la demande des migrants d’obtention du statut de réfugié politique, et pour éviter des révoltes dans les centres d’accueil, le gouvernement italien a choisi de délivrer des permis de séjour temporaires de trois mois, dans l’espoir, assez mal caché, que les citoyens décident d’exploiter la libre-circulation de l’espace Schengen pour rejoindre d’autres pays. La France de son côté tente de renforcer de façon drastique les contrôles à la frontière franco-italienne, entretenant la crainte d’un « afflux massif » de réfugiés qui n’est de fait qu’un effet d’annonce. Il n’en demeure pas moins que cette migration qui s’effectue clandestinement et dans des conditions déplorables s’accompagne de tragédies : on ne recense plus le nombre de bateaux de fortune qui se sont échoués sur les côtes italiennes, qui ont dérivé en mer pendant des jours faisant de nombreuses victimes. Depuis le début du conflit les patrouilles dans les eaux territoriales italiennes se sont intensifiées en partenariat avec l’OTAN afin de décourager les fugitifs.

Où aller ?

Selon l’OIM (Organisation Internationale de la Migration) environ 900 923 personnes ont fui la Libye au 30 mai 2011 depuis le début du conflit. La plupart des étrangers sont rentrés dans leur pays et moins de 2% d’entre eux ont gagné l’Italie. Les Libyens se réfugient principalement en Tunisie et en Egypte, provoquant dans ces pays une énorme crise humanitaire car ces Etats en pleine crise politique ne sont pas forcément équipés et ne sont surtout pas préparés à faire face à un tel afflux de personnes. Contrairement aux pays européens (l’Italie et la France en particulier) qui tentent à tous prix de fermer leurs frontières face à un prétendu « afflux massif » d’immigrés, La Tunisie, malgré ses récents bouleversements politiques, ouvre ses frontières et fait preuve de solidarité envers les migrants.

Et ceux qui restent ?

La plupart des étrangers qui n’ont pas pu fuir la Libye sont des Africains. Certains n’ont plus d’argent, d’autres non plus de papiers, confisqués par leurs employeurs, et quelques-uns restent dans l’espoir de pouvoir passer en Italie. Les conditions de vie pour ces personnes sont encore plus dures à cause de la couleur de peau. Une rumeur parcourt les villes répandant l’idée que les noirs sont des mercenaires à la solde de Kadhafi afin d’éliminer les manifestants. Certains d’entre eux ont été lynchés par la population, d’autres ont été arrêtés et remis aux comités révolutionnaires : quelques-uns sont détenus au palais de justice de Benghazi, le quartier général de l’opposition.

Face à une telle violence une solidarité s’organise : Les insurgés ont décidé d’assurer le transport de tous ceux qui veulent quitter le pays jusqu’à la frontière égyptienne.

Etant donnée l’actualité brûlante lors de la rédaction de ce dossier, il est assez difficile de pouvoir dire quel sera l’avenir pour ces migrants et quelle(s) autre(s) épreuve(s) les attendent.