Pourquoi l’oligarchie financière ne veut pas de l’économie sociale

Par Ivan du Roy

, par Basta !

Les ravages du capitalisme financier remettent au goût du jour « l’économie sociale ». L’idée de créer des sociétés coopératives, où l’actionnaire ne prédomine plus, se répand de nouveau parmi les salariés. Les associations rassemblant consommateurs et producteurs se multiplient pour contourner les grands groupes. Les banques éthiques suscitent un regain d’intérêt… D’où vient cette « économie sociale » ? Peut-elle constituer une alternative au système économique actuel ? Entretien avec Jean-Philippe Milesy, délégué général de la coopérative Rencontres sociales.

Basta ! : D’où vient « l’économie sociale » ?

Jean-Philippe Milesy [1] : Historiquement, l’économie sociale se constitue en réaction au libéralisme économique de la Révolution française et des régimes suivants. La loi Le Chapelier (promulguée en juin 1791) interdit tout groupement de citoyens, d’ouvriers ou de paysans. Au départ, les formes d’économie sociale sont des démarches pragmatiques de citoyens, dans un quartier ou sur un territoire donné, pour mettre en commun le peu qu’ils ont : capacité de travail, outils, épargne, inventivité... Une des premières sociétés de secours mutuel s’appelle « Le sou du linceul » : des gens d’un quartier qui réunissent leurs maigres économies pour éviter qu’on enterre les leurs comme des chiens. Cela renvoie à la Chanson des Canuts. C’est l’essence de l’économie sociale : des réponses collectives immédiates à un besoin social non satisfait. Des artisans mettent en commun leurs outils, d’autres leur pécule pour pratiquer le crédit, alors réservé aux grandes entreprises. Autre exemple : dans les fabriques, le système de l’économat assujettit les travailleurs au magasin de l’entreprise. Les employés doivent y acheter les produits dont ils ont besoin – une manière pour le patron de récupérer leurs salaires. En réaction, des circuits courts sont mis en place, qui permettent aux travailleurs d’aller se fournir chez des paysans et industriels pour ne plus dépendre des prix fixés par le patron.

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