Offensive brune sur l’Europe : danger

Zoom d’actualité

, par CIIP , GRUNWALD Catherine

Choc politique, tsunami, séisme... les qualificatifs ne manquent pas pour souligner la spectaculaire mais prévisible et annoncée montée de l’extrême-droite aux élections européennes de mai 2014.

Les résultats retranscrits dans le tableau établi par La Marea sont parlants, même si certains auteurs relativisent cette ascension, à l’instar de Yves Bertoncini, directeur du think tank Notre Europe – Institut Jacques Delors, pour qui "Les partis europhobes ont progressé de manière limitée" et, sur un tout autre plan, de Marc Ollivier du CIIP qui alerte sur l’enfumage médiatique sur les élections européennes.

Effectivement, le Front national et ses alliés n’ont pas pu former un groupe au Parlement européen, mais les composantes de l’extrême droite traditionnelle ou de forces populistes d’extrême droite se retrouvent dans deux groupes, les souverainistes de "Europe de la liberté et de la démocratie directe" (en anglais : Europe of Freedom and direct Democracy, EFDD) et les "Conservateurs et Réformistes Européens" (en anglais : European Conservatives and Reformists, ECR), plus modéré. On peut voir à ce sujet le tableau sur le site anti-fasciste La Horde ainsi que le schéma des résultats et le détail des groupes sur le site du Parlement européen.

Comprendre la nébuleuse de l’extrême-droite européenne

Au-delà du constat, derrière l’expression "montée de l’extrême-droite" se cachent des réalités très différentes, celle-ci étant traversée de courants variés : le dossier de Bertold du Ryon publié dans la revue "Tout est à nous !" permet de "comprendre la marée brune" et Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès, détaille en vidéo pour le Monde.fr quelles sont ses composantes, quels thèmes elles ont en commun et ce sur quoi elles s’opposent.

Un article du Daily Telegraph repris par le Courrier international, visualise les différentes sensibilités sur une carte interactive.

Vous avez dit populisme ?

Les médias ont bien du mal à qualifier l’extrême-droite européenne comme le souligne Nolwenn Le Blevennec, de Rue89, dans son article "Extrémiste", "national-populiste" : comment qualifier la tendance européenne ? ainsi que dans son tour d’Europe du "national-populisme".
Le terme "populisme" est souvent repris, comme par exemple dans "L’Europe confrontée à la vague du populisme" du dossier "Populisme, attention danger" proposé à la veille des élections par le site d’informations Myeurop, en partenariat avec Citizens for Europe. Mais l’emploi de ce mot interroge sur les partis-pris qu’il sous-tend.
Dans un article du dossier Populism, what is it ? sur le site OpenDemocracy, Aurélien Mondon, maître de conférences en études françaises à l’Université de Bath, dans "Populism or the fear of democracy", dénonce l’utilisation de la montée du populisme pour discréditer le concept de "peuple" et dévoyer le sens même du terme "démocratie".

Pourquoi l’extrême-droite monte-t-elle ?

C’est la question que se posait déjà Ignacio Ramonet dans le Monde diplomatique : "Pourquoi l’extrême-droite monte-t-elle en Europe".

Facteurs historiques, économiques, sociaux.. mais surtout responsabilités des politiques, tels sont les arguments présentés par de nombreux analystes : Aurélien Mondon déjà cité, François Sabado, membre du Bureau exécutif de la IVe Internationale, qui voit dans "les élections européennes une Europe à la dérive et un tremblement de terre en France" (également en espagnol), et Samir Amin, dans son article les élections européennes de Mai 2014 : Nouvelle étape dans l’implosion du projet européen.

Les médias dominants ont été aussi montrés du doigt comme le démontrent Henri Maler et Julien Salingue dans "Les médias et le Front National : indignations sélectives et la banalisation effective" pour l’observatoire des médias Acrimed.

Et maintenant... (ré-)agir ?

Au delà des analyses pointant les causes et les responsabilités l’urgence aujourd’hui est de ré-agir.

Anti-ed

Si, face à trente année de menace FN, Ivan du Roy de Bastamag propose de faire "place à la créativité collective et politique", des appels à réagir avaient été lancés avant le 25 mai, comme celui de Yorgos Mitralias "Antifascistes européens réveillez-vous ! La peste brune est de retour...", à l’initiative du Manifeste antifasciste européen, cependant et malheureusement sans succès.

Pour Jean Batou, qui s’interroge sur "comment faire front ?" dans son article sur "Le fascisme du 21e siècle...", comme pour Michael Lowy, dans ses "Dix thèses sur l’extrême droite en Europe" pour qui "Un mouvement antifasciste ne sera efficace que s’il est impulsé par des forces qui se situent hors du consensus néo-libéral dominant", la lutte ne peut s’organiser qu’à l’échelle de toute l’Europe.
Le (relatif) faible score du parti néo-nazi Aube dorée en Grèce (2 députés) montre qu’il est possible de tirer des leçons de ce qui se passe en Grèce, ce que proposait déjà Kevin Ovenden, secrétaire national de Unite against fascism (Grande-Bretagne) dans "Greece, the state & antifascism" traduit en français par Selim Nadi sur le site Contretemps.

Antifascistes, démocrates, la balle est dans votre camp !

Commentaires

Sur le même sujet, lire également :

 En finir avec les idées fausses propagées par l’extrême droite
BULTEAU, Pierre-Yves - PARIS : LES EDITIONS DE L’ATELIER, EDITIONS OUVRIERES, 2014/05, 166 P.
Sur fond de crise économique et sociale persistante, l’extrême droite propage ses idées fausses et désigne les boucs émissaires, essentiellement les étrangers. En quatre parties et 79 propositions, l’auteur répond point par point à cette argumentation fallacieuse.

 Nouveaux visages des extrêmes droites
BULARD, Martine, Coordinateur. - MANIERE DE VOIR, N° 134 - avril-mai 2014. - 98 P.
Malgré trente ans de mobilisations et de manifestations contre le racisme, en Europe, les droites extrêmes se portent bien, à la recherche d’un ennemi intérieur, des étrangers, des juifs parfois et souvent des musulmans. Le poids de la crise est invoquée dans les choix extrémistes. Le droit de vote pour les immigrés non européens aux élections locales est abandonné. L’absence de débat sur toutes les questions qui minent nos sociétés fait que tous nos difficultés sont attribuée "aux autres, différents de nous". Il est temps d’avoir l’audace de mener bataille sur les valeurs de solidarité, de tolérance et d’égalité qui fondent une société pour en terminer avec la peur de l’autre. (D’après l’éditorial de Martine Bulard).