Objectifs du développement durable : pour des engagements à la hauteur des enjeux !

Tribune

, par CRID

Le gouvernement français participe au Forum politique de haut niveau, pour la mise en oeuvre des Objectifs de Développement Durable, du 16 au 18 juillet prochain. De nombreux acteurs associatifs faisant partie du CRID (Centre de recherche et d’information sur le développement) attendent que les engagements de la France soient à la hauteur des enjeux et rappellent qu’« une société de droits effectifs n’est possible que si elle s’appuie sur des politiques de solidarité ambitieuses et des services universels accessibles à tou.te.s. »

Alors que les inégalités n’ont jamais été aussi fortes dans le monde, la participation du gouvernement français au Forum politique de haut niveau, principal pôle de l’ONU pour l’examen des progrès accomplis dans la mise en oeuvre des Objectifs de développement durable (ODD), du 16 au 18 juillet prochain, est très attendue par les associations de solidarité internationale. Que souhaiterions-nous alors entendre de sa part ?

Le CRID (Centre de recherche et d’information sur le développement), qui regroupe plusieurs dizaines d’acteurs associatifs actifs au quotidien, en France comme dans les pays du Sud, pour assurer l’accès effectif aux droits (subsistance, santé, eau, éducation, formation, logement, justice, asile…) attend que les engagements de la France soient à la hauteur.

L’adoption par l’ONU en 2015 de 17 objectifs pour un développement durable (ODD) à réaliser pour 2030, qui couvrent l’essentiel des droits universels de la déclaration du 10 décembre 1948 (70 ans déjà), crée une attente immense tant les enjeux sont cruciaux pour l’ensemble des pays de la planète, y compris pour l’accès aux droits en France.

Alors que le gouvernement a pris la décision d’augmenter l’aide publique au développement pour qu’elle passe de 0,35 à 0,55 % du PNB dans cinq ans (l’engagement de la communauté internationale est de 0,7 % et cinq pays européens contribuent par 1 %), nous serons très attentifs aux choix annoncés pour l’utilisation de ces financements.

La globalisation économique a montré comment toutes nos sociétés sont en interdépendance et donc en relation. La prédation des matières premières s’intensifie. L’emploi industriel, en recul au Nord, se développe au Sud avec là, comme ici, davantage de précarités. L’industrie agroalimentaire mondialisée met en danger des centaines de millions de paysans et l’accès à une alimentation de qualité à prix abordable. L’organisation des systèmes éducatifs favorise les besoins en cadres des pays déjà plus forts. Sans remettre en cause les pures logiques du marché, il n’y a pas d’accès universel aux médicaments possibles.

Cet agenda 2030 nous permet de mieux appréhender les interrelations qui existent entre inégalités économiques, sociales et environnementales. Les inégalités économiques sont un facteur d’insoutenabilité avec des impacts sur la santé et l’environnement, et les dérèglements environnementaux renforcent les inégalités et les tensions sociales.

Devant ces constats et pour une réelle solidarité internationale, le gouvernement ne doit pas s’arrêter à l’objectif d’une société d’égales opportunités. Nous considérons qu’une société de droits effectifs n’est possible que si elle s’appuie sur des politiques de solidarité ambitieuses et des services universels accessibles à tou.te.s.

Des affirmations répétées du Président de la République nous amènent à poser des questions : l’aide publique au développement ira-t-elle d’abord à des intérêts économiques particuliers dans l’espoir qu’ils donneront lieu in fine à une « juste » distribution spontanée ? S’engagera-t-elle résolument en faveur de l’accès des populations aux droits fondamentaux (éducation, santé, alimentation) ? Le gouvernement français, et avec lui l’Union européenne, accepteront-ils de ne pas utiliser les financements de l’aide au développement pour la lutte contre les migrations et pour la sécurité ?

Cette année la France produira un « point d’étape » à l’occasion du forum de haut niveau. Dans un an, devant cette même tribune, l’opportunité est faite devant les Etats et les acteurs de la société civile de s’affirmer sur les priorités de la France et rendre compte de l’avancement de l’Objectif 10 visant à réduire les inégalités au sein de chaque pays et entre les pays.

Nous attendons que le gouvernement français soit à la hauteur du message universel porté par les ODD en les appliquant aussi en France avec le même niveau d’exigence. Alors que l’accès aux droits fondamentaux n’y est pas assuré pour chacun.e, les politiques d’austérité et de rationalisation et démantèlement des services universels ne peuvent que continuer d’accroître les inégalités. Il faut sortir d’une situation créée par trente ans de politiques dites « ciblées » qui ont généré de l’insécurité sociale et sa conséquence de replis identitaires qui voient dans l’exclusion des droits de l’autre une façon d’avoir l’accès au droit pour soi.

Enfin, nous disons qu’en France et dans les pays bénéficiaires de l’aide publique au développement, le gouvernement doit redéfinir son rapport avec la « société civile » et travailler avec les organisations qui défendent les valeurs d’égalité, de solidarité, d’inclusivité, de processus démocratique.

Lorsqu’elles s’organisent autour de ces valeurs, la volonté et la capacité des sociétés civiles d’être des acteurs clefs pour la construction de sociétés résilientes, fraternelles, pacifiques, solidaires, ne sont plus à démontrer. Retrouverons-nous « l’appui sur » et « l’appui à » la société civile comme un élément central dans l’approche présidentielle ?

Finalement, l’orientation de l’APD française ira-t-elle aux renforcements des droits que mettent en avant les ODD ? Appuiera-t-elle la lutte contre toutes les composantes de la pauvreté ? Rien n’est moins sûr. Rendez-vous le 18 juillet pour la réponse.

Ont déjà signé :

Malik Salemkour, Président Ligue des Droits de l’Homme
Emmanuel Poilane, directeur général de la Fondation France Libertés
Birthe Pedersen, présidente ActionAid France
Anne Chassaing et Daniel Beauchêne, co-présidents de la Fédération Artisans du Monde
Bernard Salamand, délégué général Ritimo
Clotilde Bato, déléguée générale SOL Alternatives Agroécologiques et Solidaires
Vaia Tuuhia, déléguée générale 4D
Fabien Cohen, secrétaire général France Amérique Latine
Jean-Louis Marolleau, secrétaire général Réseau Foi et Justice Afrique Europe
Benoît Faucheux, délégué général du CCFD – Terre Solidaire
Mohammed Bazza, président du Réseau IDD
Roland Nivet et Edith Boulanger, porte-parole du Mouvement de la Paix
Sébastien Gaudron, Président d’Ingénieurs sans frontières (ISF)
Jean-Clair Michel, président de la Maison des Citoyens du Monde 44
Collectif Sarthois pour une Terre plus Humaine
Mouvement contre le racisme et pour l’amitié des peuples

La tribune a été initialement publiée sur les blogs de Médiapart