L’écologie industrielle, des alternatives à l’économie dominante

Mutualiser pour promouvoir une mobilité et des énergies plus douces

, par LaRevueDurable

L’automobile est souvent bien mal nommée : si elle appartient à un propriétaire unique, elle reste immobile le plus clair – 80 à 95 % – du temps. Dans les années 1980, ce constat conduit quelques Suisses à penser, au-delà du covoiturage, à l’autopartage. But : mutualiser l’usage de la voiture. C’est ainsi que deux initiatives voient simultanément le jour en 1987, l’une à Stans, dans le canton de Nidwald, l’autre à Zurich, chacune au départ avec un véhicule partagé entre quelques dizaines de personnes.

Plutôt que de rivaliser sur le même créneau, les deux coopératives unissent leurs forces en 1997 et fondent Mobility, coopérative d’autopartage à la progression stupéfiante. Après quatorze ans, 100 000 personnes partagent plus de 2600 véhicules distribuées sur 1300 emplacements dans le pays. Quelles soient breaks ou coupés, petites ou grandes, les voitures rouges rangées sur leurs places réservées, souvent près des gares, font désormais partie du paysage.

La force de l’autopartage à la mode helvétique est de se combiner aux autres moyens de transport : bus, train, tram et vélo sans rupture entre eux. Cela se traduit par des abonnements combinés, qui donnent accès ensemble aux transports publics et à Mobility.

Résultat, Mobility est aujourd’hui la plus grande coopérative au monde. Nulle part ailleurs l’idée de mutualisation n’aura été poussée aussi loin puisque la collaboration avec des entreprises telles que la Poste, La Migros ou les chemins de fer optimise l’exploitation du parc : la demande professionnelle, dominante durant les heures de travail, et la demande privée, plus forte le soir et le week-end, se complètent à merveille.

Les gains attachés à l’autopartage sont gigantesques pour la collectivité : moins de voitures sur la chaussée, moins de frais d’infrastructures, moins de carburant consommé, moins de bruits et de nuisances. Et bien sûr, du lien social par l’apprentissage de biens partagés pour le bénéfice de tous.

A ce rythme, la Suisse est de loin le pays qui compte le plus d’utilisateurs d’autopartage par habitant : neuf fois plus qu’en Allemagne, 130 fois plus qu’en France ! Au point que la question se pose : ce modèle de mobilité, qui sied si bien aux Suisses « propres en ordre » est-il adoptable par des Français à l’individualisme – hérité des villages gaulois – légendaire ?

Dans l’Hexagone, une première tentative d’autopartage a vu le jour à Montpellier dès 1971 (Procotep). Puis une autre à Saint-Quentin-en-Yvelines en 1997 (Praxitèle). Toutes deux ont échoué. D’autres initiatives, durables celles-là, apparaissent à la fin des années 1990. Elles sont éparpillées sur le territoire, notamment en Alsace et à Paris. Au début des années 2000, un réseau parvient à les fédérer sous le nom de France-Autopartage.

Mais le mouvement français a beau s’étendre et s’organiser, par rapport aux voisins helvètes ou autrichiens, il frise l’anecdote. France-AutoPartage, coopérative qui regroupe aujourd’hui 13 opérateurs présents dans une vingtaine de villes françaises, totalise 10 000 adhérents et 500 voitures réparties sur 250 stations.

La coopérative, garantie de succès

Responsable d’Autopartage Provence, Yvon Roche souligne que, bien sûr, de tels résultats mettent à mal la rentabilité du système qui, selon lui, nécessite une intervention publique. Ainsi souhaite-t-il passer du statut de Scop à celui de Scic pour faire entrer les collectivités dans la structure.

« Pour rentabiliser un emplacement, il faut un minimum de 35 clients qui utilisent régulièrement une voiture, informe Janine Margiotta, responsable de la communication chez Mobility. Mais d’autres facteurs pèsent beaucoup : la présence de transports publics ou de grandes entreprises dans la région. Notre but à moyen terme est une présence dans toute ville de 5 000 habitants en Suisse. »

La collaboration avec les pouvoirs publics est cruciale, continue Janine Margiotta. La coopérative exploite 191 emplacements qui coûtent plus qu’ils ne rapportent. Nous les maintenons en tant que service au public. » En 2008, le déficit de ces emplacements s’est réduit grâce à la couverture d’une partie des frais par les communes et au travail de promotion des responsables de sections auprès de la population.

Car les 44 000 sociétaires ne se limitent pas à apporter des sous : « Ils participent activement à l’essor de l’entreprise », reprend Janine Margiotta. Dans les régions rurales, 300 bénévoles se chargent de l’entretien des voitures. Dans les zones denses, 45 salariés remplissent cette fonction.

Les sociétaires sont répartis en sections qui se réunissent pour se tenir au courant de la stratégie de l’entreprise et formuler leurs demandes à l’administration centrale. « Nous pratiquons une démocratie de base », résume Janine Margiotta. Ce fonctionnement nourrit le bouillonnement permanent d’idées pour améliorer le service et multiplier partenariats et collaborations.