La dette : un frein au développement

Mobilisations et résistances face à la dette

, par CIIP

Les mobilisations et les résistances face à la dette des pays du Sud remontent à plus de vint ans. Le 29 juillet 1987, devant les chefs d’État africains réunis à la conférence de l’OUA (Organisation de l’unité africaine), Thomas Sankara, Président du Burkina Faso, avait lancé un appel solennel dénonçant le caractère odieux de la dette africaine et demandant à ses homologues de ne pas payer cette dette. Mais son appel n’a pas été suivi.

En 1998-99, le mouvement Jubilé, animé notamment par des églises chrétiennes du Nord et du Sud, a lancé une pétition à l’échelle mondiale contre la dette du Tiers-monde qui a obtenu plus de 20 millions de signatures, même si la revendication était modérée et ne portait que sur la « partie impayable » de la dette.

Les 1er et 2 février 2000, s’est tenu à Porto Alegre (Brésil), dans le cadre du II° Forum mondial, le « Tribunal international des peuples sur la dette ». Ont été mis en accusation les banques, les entreprises multinationales, les gouvernements du Nord, le FMI, la Banque mondiale… Et le caractère « illégitime » de la dette a été mis en évidence.

28-30 septembre 2005 : Deuxième rencontre « Résistance et alternative à la domination de la dette » à La Havane (Cuba), après celle de Dakar en 2000, au cours de laquelle est déclaré solennellement que « c’est le Nord qui doit au Sud » et qu’en conséquence cette dette doit être purement et simplement annulée.

En 2006, une proposition centrale s’est dégagée des travaux du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-monde (CADTM), à savoir la tenue d’Audits de la dette [1] de tel ou tel pays, afin d’examiner rigoureusement les processus d’endettement et le caractère « odieux et illégitime » de ces dettes.

En 2007, l’Équateur met en place un audit gouvernemental de sa dette publique – interne et externe. Le résultat de cet audit a permis au gouvernement du président Rafael Corea de décider de réduire unilatéralement de plus de 65% le stock de la dette externe commerciale (soit près de 2 milliards de dollars) [source http://www.cadtm.org/Un-premier-resultat-de-l-audit-de]. Cette décision prouve que l’audit de la dette est un instrument efficace pour recouvrer la souveraineté face à la dette.

En matière d’endettement, l’Équateur, dans sa Constitution adoptée au suffrage universel en septembre 2008, a pris des mesures qui limitent strictement les conditions dans lesquelles les autorités du pays peuvent contracter des emprunts (rejet des emprunts pour payer d’anciennes dettes, rejet des dettes constituées d’une capitalisation des intérêts de retards, remise en cause des prêteurs si ceux-ci octroient des prêts dans des conditions illégitimes, impossibilité pour l’État d’assumer la dette des banquiers privés ou d’autres entités privées). Les délits concernant l’endettement y sont désormais imprescriptibles et un mécanisme d’audit intégral et permanent de l’endettement public interne et externe doit être mis en place. Ces avancées en matière constitutionnelle devraient être prises en exemple.

A noter qu ’il n’existe pas, en droit international, d’obligation absolue de rembourser les dettes. Par contre, le droit reconnaît que nul ne peut être contraint d’honorer un contrat qui attenterait gravement aux droits humains fondamentaux et impose aux pouvoirs publics de protéger en priorité les droits humains. Le poids de la dette publique et les répercussions des mesures d’austérité sur les populations du Nord et du Sud, sont autant d’arguments pour que les gouvernements usent de leur droit de suspendre unilatéralement les paiements et/ou de répudier toutes les dettes qui vont à l’encontre des intérêts des peuples. Les initiatives et mouvements de citoyens contre la dette et les mesures d’austérité, en Amérique latine, au Sénégal, au Mali, en Tunisie, en Grèce, en France… vont dans ce sens.

Notes

[1L’audit de la dette « consiste à analyser chaque emprunt, à déterminer dans quelles circonstances il a été contracté, comment les fonds ont été utilisés, quels ont été les résultats obtenus et qui en a profité. C’est un outil juridique qui, en permettant d’identifier les responsabilités et de déceler les dettes odieuses, nulles ou illégales, ouvre la voie à la répudiation de la dette et à la demande de réparation tant des organes étatiques qui ont agi en dehors de leurs compétences que des créanciers qui ont agi en connaissance de cause »