Où vont les Sans-papiers ?

Les politiques migratoires communautaires ou la forteresse Europe

, par CIIP

Accords de Schengen, traité d’Amsterdam, règlement Dublin, programme de La Haye, les traités et textes successivement adoptés vont tous dans le sens d’une politique communautaire d’immigration et de droit d’asile basée sur le soupçon et la répression : l’étranger est vu comme un ennemi.
L’UE met ainsi en place des contrôles des flux migratoires et des frontières, l’unification des systèmes juridiques et policiers, la limitation du regroupement familial, la création d’un fichier central d’empreintes digitales des demandeurs d’asile, des vols charters pour le retour groupé des personnes en séjour irrégulier…

Sous couvert de pression aux frontières prétendument intenable et de lutte contre le terrorisme, l’objectif politique de l’UE est de contester le bien fondé de la demande d’asile et d’éloigner du regard de la société civile le dossier des réfugiés, hors des frontières de la forteresse Europe. Pour cela elle organise l’externalisation du traitement des demandes d’asile et fait édifier des camps d’enfermement hors de ses frontières (Maroc, Algérie, Malte…).

Pourtant, dès septembre 2000, un rapport de l’ONU sur les « migrations de remplacement » évalue à 1,4 millions le besoin d’immigrants pour l’Europe entre 1995 et 2050. En juin 2003, la Commission a publié une Communication sur l’immigration, l’intégration et l’emploi dans laquelle elle reconnaissait l’impact que le déclin démographique et le vieillissement de la population ont sur l’économie, et soulignait la nécessité de revoir les politiques d’immigration à long terme.
Cela dit, cette vision reste critiquable dans le sens où elle est purement utilitariste : les immigrants sont assimilés à des marchandises et réduites à leur force de travail.

L’une des conséquences, absolument dramatiques, de cette fermeture des frontières et de ces multiples obstacles à la venue des étrangers, ce sont ces milliers de migrants qui meurent en route : selon l’association européenne FORTRESS, qui dénonce l’"Europe forteresse", ce sont au moins 2000 migrants qui disparaissent annuellement dans les eaux de l’Atlantique ou de la Méditerranée…

Un exemple parmi bien d’autres de cette volonté de contrôle et d’"endiguement" des candidats à l’asile et à l’immigration : depuis le 2 novembre 2007 la France a lancé la création de VISABIO, un fichier informatisé spécifique aux demandes de visas pour la France : les photographies ainsi que les empreintes digitales du demandeur y sont notamment collectées, sauf s’il s’agit d’un mineur de moins de douze ans…

Le droit d’asile (remis) en question

Le droit d’asile, consacré par la convention de Genève de 1951 et complété par le protocole de New York (1967) a été une avancée fondamentale en matière de droits de l’Homme. Selon cette Convention, l’asile politique est celui selon lequel « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, du fait de cette crainte, ou ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

Malheureusement, la recrudescence des demandes d’asile a conduit les pays de l’Union européenne, dont la France, à prendre des mesures en contradiction avec la Convention de Genève et même avec les droits de l’Homme. Les grandes lignes de la politique européenne de l’asile conduit à un "régime commun d’asile" portant sur les procédures de demande d’asile, le statut des réfugiés et leur accueil.

La politique d’asile de la France ne fait que refléter cette volonté globale : limiter au maximum le nombre de réfugiés. A cette fin, un dispositif est mis en place pour décourager à l’avance les éventuels demandeurs d’asile. Par ailleurs, les pièces exigées pour que les dossiers soient instruits sont de plus en plus nombreuses et les conditions d’appréciation des demandes d’asile sont de plus en plus restrictives. L’OFPRA a fixé le 18 mars 2011 une liste de 16 "pays d’origine sûrs" (Albanie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap Vert, Croatie, Ghana, Inde, Kosovo, Mali (pour les hommes uniquement), Macédoine, Maurice, Mongolie, Sénégal, Serbie, Tanzanie, Ukraine).

Cela a pour conséquence de limiter les droits des demandeurs d’asile en provenance de ces pays : ils voient leur demande traitée dans une "procédure prioritaire" expéditive (entre 24 et 96 heures !) sans aucune chance de voir leur demande aboutir.

Enfin, le caractère « crédible » du récit d’un demandeur d’asile repose surtout sur des critères subjectifs qui sont par conséquent difficiles à contrôler. Pourtant, cet élément est fondamental dans l’octroi du statut de réfugié. Ceci rend l’obtention de ce statut très aléatoire et fluctuant en fonction du contexte économique et politique plus ou moins favorable.