L’opacité de la gestion pétrolière au Congo-Brazzaville

Les initiatives de la société civile

, par Forum Réfugiés

Sur la transparence des ressources naturelles…

Interrogatifs quant à l’opacité de ces fonds et ayant à subir de plein fouet les mesures d’austérité imposés par l’initiative PPTE, les citoyens se mobilisent.

Pour la première fois dans une Lettre Pastorale publiée en 1998, l’Eglise catholique congolaise a rompu le silence sur l’utilisation des revenus pétroliers. En juin 2002, une Conférence épiscopale sur le pétrole s’est tenu à Brazzaville au cours de laquelle a été demandée publiquement qu’une loi sur la gestion des revenus pétroliers soit votée au Parlement national. Le président Sassou-Nguesso a rejeté cette demande qualifiée de « provocation ». Toutefois, la mobilisation n’a pas faibli.

En février 2003, une vingtaine de groupes de la société civile congolaise et internationale ont rappelé l’importance de la transparence des revenus pour le développement du Congo. Par la suite, en septembre 2003, la campagne Publiez ce que vous payez (Publish what you pay PWYP) a été lancée au Congo .

En guise de premier pas mais répondant principalement aux exigences du FMI, la République du Congo a annoncé en juin 2004 son intention de se joindre à l’Initiative de Transparence des Industries Extractives (ITIE).
Cependant, en 2007 et 2008, les coordonnateurs de la coalition PWYP, Christian Mounzéo et Brice Mackosso, ont été inquiétés par le pouvoir (accusation et condamnation pour faux et usage de faux) suite à leur enquête sur les détournements de revenus pétroliers par les représentants du gouvernement. En septembre 2008, prônant l’apaisement, le gouvernement les a nommés comme membres de la société civile au sein du comité exécutif chargé de la mise en œuvre de l’ITIE.

Comme cela avait été vivement souhaité par les bailleurs internationaux dès 2003 (« selon une déclaration de la Banque Mondiale, les bailleurs de fonds se sont mis d’accord sur le besoin « d’assurer l’accès rapide du pays à l’allégement de la dette » » In : Global Witness, C’est l’heure de la transparence, mars 2004, p. 7 ), la république du Congo a atteint début 2010 le point d’achèvement de l’initiative PPTE. Cette annonce optimiste qui va permettre au pays de bénéficier du dispositif réservé aux pays pauvres très endettés fait redouter qu’une fois l’aide reçue le gouvernement abandonne les réformes de transparence. En écho à cette crainte, l’indice de corruption du Congo reste encore très élevé : le pays se classe 162ème sur 180 (Transparency International France, L’Indice de Perception de la Corruption 2009 indique que la corruption risque de menacer la reprise économique mondiale, http://www.transparence-france.org).

La coalition PWYP a continué d’alerter l’opinion publique sur les retards pris dans ce processus de validation comme pays candidat à l’ITIE, même si le processus a été déclenché celle-ci n’est pas encore effective. Une réunion de l’ITIE est prévue en mars 2011.

Sur les Biens Mal Acquis

La gestion des ressources pétrolières ne constitue que le reflet d’une corruption qui affecte tous les rouages de l’économie du pays.

La France, ancienne tutelle coloniale, a longtemps entretenu des liens étroits de quasi monopole avec le Congo Brazzaville. Ce système où se mêlent intérêts économiques (pétrole, exploitation forestière, entre autres) et jeux politiques entre les deux pays a certainement connu son apogée durant les années 70 jusqu’au début des années 90. L’affaire Elf en a constitué une image flagrante.

Mais on aurait tort de penser que l’abcès a été totalement crevé. Malgré la volonté proclamée d’en finir avec ces pratiques instaurées sous l’ère Foccart, Nicolas Sarkozy n’en fit rien. « Sassou fut reçu à l’Elysée début juillet 2007, quelques jours après l’ouverture du Parquet de Paris pour recel de détournements de fonds dans lequel il était mis en cause » (CCFD, Biens mal acquis à qui profite le crime ?, juin 2009 ; p. 97 http://ccfd-terresolidaire.org).

Néanmoins la société civile a su réagir. En effet, sur la base de rapports produits par le CCFD (2007 puis 2009) la société civile a entrepris une action pour mobiliser l’opinion française autour de la question des « biens mal acquis ».

En mai 2007, des ONG (Sherpa, Survie, relayées ensuite par Transparency international) et la Fédération des Congolais de la diaspora portent plainte contre trois chefs d’État africains en exercice, grands amis de la France : Omar Bongo, l’ex- président gabonais ; Denis Sassou Nguesso, et Téodoro Obiang, qui dirige la Guinée équatoriale depuis 1979.
Les plaignants ont recensé le patrimoine connu sur le sol français des intéressés, de l’immobilier aux voitures de luxe, soulignant que leurs émoluments officiels ne leur permettaient en aucun cas d’amasser les millions d’euros en jeu : « La liste est longue et hormis la famille de Sassou Nguesso, elle révèle de nombreux biens au Congo ou en France, détenus par l’entourage du Président congolais et par de hauts fonctionnaires (…) Les conclusions de l’enquête préliminaire sont tout à fait claires. Le clan de Denis Sassou Ngueso possède en France plus de 18 propriétés et pas moins de 112 comptes bancaires, sans compter les véhicules...  » (CCFD, Biens mal acquis à qui profite le crime ?, juin 2009 ; p. 97).

L’affaire des "biens mal acquis" s’est conclue (provisoirement) à l’automne 2009 par le rejet qu’a opposé la Chambre d’instruction de la cour d’appel à la plainte. Mais nouveau rebondissement en novembre 2010 la Cour de Cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Paris de 2009 qui déclarait irrecevable la plainte de Transparency International. La justice française va donc pouvoir continuer à enquêter sur les biens mal acquis.

En réponse à la question « Pourquoi faut-il convaincre les citoyens français de s’intéresser à cette affaire (des biens mal acquis) ? », Benjamin Toungamani l’un des artisans de la plainte répondait : « La France se vante d’annuler des dettes bilatérales du Congo. C’est un manque à gagner pour la France. Il y a juste un problème : cet allégement ne bénéficie pas aux fonctionnaires mal payés mais facilite l’achat d’hôtels particuliers à Paris. Ce dossier des biens mal acquis concerne directement les citoyens français. » (Témoignage Chrétien, n°3348, 14 mai 2009).