Le système de santé mondial à l’épreuve d’Ebola

Les carences de l’OMS

, par CIIP

L’Organisation mondiale de la santé est un organisme des Nations-Unis, elle a été créée en 1948. Sa charte détermine ainsi son objectif principal : l’OMS a pour objectif d’amener tous les peuples du monde au niveau de santé le plus élevé possible, la santé étant définie dans ce même document comme un "état de complet bien-être physique, mental et social et ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité". Pour réaliser un objectif si ambitieux, l’OMS dispose de deux groupes de structures :

  • Le siège central à Genève, lieu de travail du secrétariat et de la direction générale. La direction générale a pour mission de mettre en œuvre des décisions prise par les pays membres (les 197 États membres de l’ONU), dans le cadre de l’assemblée mondiale de la santé.
  • Les bureaux régionaux ont en charge les problèmes sanitaires spécifiques de chacune des régions. Le directeur de chaque région est nommé par les pays de la région.
    L’OMS, depuis sa création en 1948, a mené des activités pour améliorer la situation sanitaire dans le monde avec, par exemple, la publication d’une liste de 200 médicaments génériques indispensables pour la santé, l’adoption du principe du droit d’égal accès aux soins pour tout le monde, l’éradication de la variole dans le monde, etc.

Au cours de la décennie 1980, avec la domination de l’idéologie néolibérale, les gouvernements états-unien et anglais ont mis en cause le fonctionnement, soi-disant coûteux, et même l’utilité de l’OMS. Ainsi ils tentent de marginaliser cette organisation pour confier sa mission à la Banque mondiale et aux fondations et entreprises privées. Cette conception voudrait modifier la conception directrice de l’OMS pour considérer la santé non comme un droit universel, mais comme un moyen pour améliorer la productivité et la croissance économique. Au-delà de cette réalité, les réactions tardives et les dysfonctionnements de l’OMS face à la pandémie de sida dans les années 1980 et ses hésitations récentes pour programmer et diriger des actions nécessaires afin de faire face à la propagation de l’épidémie Ebola, montrent les limites et les défaillances de cette organisation dans sa mission de planifier la politique de la santé dans le monde. Concrètement l’OMS doit faire face à deux groupes de problèmes qui ralentissent et même bloquent ses activités :

  • Les insuffisances de ses moyens financiers et leur mode de financement. Le budget de l’OMS dispose de deux sources de financement ; d’une part, les contributions des 197 États membres et d’autre part, les donations volontaires des fondations, des entreprises - surtout des firmes pharmaceutiques - et des autres organismes non gouvernementaux. Dans les années 1990, la part de chaque source représentait 50% de financement de son budget. Depuis, plusieurs facteurs, surtout l’imposition des plan d’ajustements structurels, favorisent les désengagements progressifs des États membres et ont mis fin à cet équilibre. Actuellement, les donations privées représentent plus de 80% du budget de l’OMS. Par ailleurs, ces donations sont destinées à un usage prédéterminé par les donateurs. Les caractères aléatoires et incertains de ce mode de financement diminuent la capacité de planification ainsi que l’autonomie des prises de décisions. En outre, la crise financière de 2007 a provoqué une baisse de ses moyens financiers. Ainsi, et à titre d’exemple, le budget pour l’année 2014-2015 a diminué de près d’un milliard de dollars US par rapport à l’année 2010-2011. Cette baisse a obligé l’OMS à diviser par deux le budget consacré aux luttes contre les propagations épidémiques.
  • Le manque de cohérence et le désaccord entre la direction générale et les responsables locaux sont un facteur d’inertie et d’absence de réactivité de l’OMS face aux menaces des épidémies. En réalité la nomination des directeurs régionaux de l’OMS par les gouvernements des régions concernées explique en grande partie ce phénomène ; car cette modalité de fonctionnement institutionnel met en cause l’indépendance de l’OMS vis à vis de considérations d’ordre politique ou géopolitique.

Pour pallier ces déficiences, depuis 2011 l’OMS a lancé un processus de réformes pour renforcer son leadership et améliorer l’efficacité de ses actions. Sans préjuger du contenu, des moyens humains et financiers nécessaires à sa mise en œuvre, quelques éléments semblent indispensables à la réussite de ce processus :

  • Mettre au centre des préoccupations de l’OMS la question du développement humain, la justice sociale et la lutte contre les inégalités sanitaires dans le monde. Pour cela, il faut écarter l’idée de réduire la prérogative de l’OMS aux luttes contre la propagation des épidémies qui transformerait cette institution en une organisation technocratique inapte à faire face aux véritables problèmes de santé dans le monde.
  • Accroître ses moyens financiers et humains et surtout modifier son mode de financement afin de pérenniser et augmenter les contributions des États membres pour lui permettre de mieux planifier ses activités et d’augmenter ses moyens humains et techniques afin de mettre en œuvre ses programmes d’action.
  • Renforcer son autonomie de décision vis à vis des pays riches et des firmes pharmaceutiques.
  • Démocratiser sa gestion en matière de désignation de ses responsables et collaborateurs
  • Rendre plus transparentes les modalités des prises des décisions.