Le Mali : Une démocratie en panne de son développement ?

Les Touaregs, un peuple sans patrie

, par CIIP

Les Touaregs occupent un espace immense, fondé sur le désert, qui constitue en quelque sorte un pont entre le Maghreb et l’Afrique noire. Le domaine des Touaregs a été éclaté entre plusieurs États - Libye, Algérie, Mali, Niger et Burkina Faso, mais ils possèdent une culture commune et appartiennent à une même civilisation. Ils occupent la zone la plus aride, la moins peuplée.

Marqués selon les circonstances "hommes bleus", "chevaliers du désert", "pilleurs de caravanes" ou encore "hommes de nulle part", leur intégration n’a jamais été totale. Hommes des grands espaces toujours en mouvement avec la confusion fréquente entre errance et nomadisme
Le "pays touareg" malien à l’extrême nord-est du pays est si éloigné de Bamako, que Niamey, capitale du Niger, y est bien souvent son débouché naturel.
Dès 1914 les Touaregs maliens sont les premiers à se révolter et à utiliser les armes contre l’administration coloniale française. L’occupation du Sahara par les Français étant considérée comme un asservissement.
Les Touareg réclament "l’Organisation commune des régions sahariennes" (OCRS) correspondant à l’espace occupé et l’organisation d’un État. La France ne retient pas cette orientation.
Après l’indépendance, l’administration et l’armée maliennes occupent les postes laissés par les administrateurs français, présence ressentie comme une occupation. Dès 1959 les Touaregs se révoltent. Une véritable guerre de mouvement prend corps début 1963 ; ils ne rendent les armes qu’un an et demi plus tard. Si les hostilités se sont arrêtées, le fossé s’est creusé : la région de Kidal reste une zone dangereuse, interdite aux touristes et la zone est fortement militarisée.
Les années 1972 et 1973 connaissent des déficits pluviométriques records qui provoquent la mort de plus de la moitié des troupeaux et entraînent un exode massif des Touaregs vers les centres urbains et les pays voisins.
Au-delà des répercussions de la sécheresse, deux autres raisons favorisent cette rébellion qui se manifeste au Mali et au Niger de façon similaire, mais qui est gérée différemment par les états : le retour des jeunes exilés formés en Libye, qui avaient appris le métier des armes et l’expulsion par l’Algérie d’environ 20 000 réfugiés.

L’étincelle qui va mettre le feu aux poudres se produit en mai 1990 à Tchin Tabaraden au Niger : l’attaque de la gendarmerie et la répression aveugle et brutale par l’armée.
Au Mali elle démarre le mois suivant par l’attaque de la gendarmerie de Menaka. La rébellion touarègue malienne est coordonnée par les MFUA (Mouvements et fronts unifiés de l’Azawad). Deux positions inconciliables sont en présence : celle d’un État dirigé par des militaires qui n’accepte pas que son autorité soit bafouée et une communauté qui réclame de "choisir elle-même son avenir dans le domaine économique, social, culturel, qui ne veut plus tout attendre de l’aide humanitaire internationale".
Le 6 janvier 1991 un accord de paix est signé à Tamanrasset (Algérie).
Après le renversement du général Moussa Traoré, alors que des raids touaregs se poursuivent, des négociations aboutissent le 11 avril 1992, à Bamako, à la signature du pacte national dont les objectifs sont "le retour de la paix et de la sécurité dans le Nord du Mali, la réconciliation nationale et la promotion socioéconomique de la partie Nord du Mali avec comme élément-clé la décentralisation".
A la mi 1994, la situation se détériore subitement et entraîne la création du Mouvement Patriotique Ganda Koye (MPGK) qui réunit essentiellement des populations sédentaires du nord. Des négociations interethniques aboutissent à la signature des "accords de Bourem" en janvier 1995. Les différentes négociations – dont une rencontre internationale sur le développement et la paix dans le nord Mali à Tombouctou en juillet de la même année débouchent le 27 mars 1996 sur la cérémonie de la "flamme de la Paix de Tombouctou" au cours de laquelle 3 000 armes sont brûlées pour marquer la volonté de tous les Maliens de vivre en paix. Au cours de cette cérémonie les MFUA et le MPGK annoncent leur dissolution.
Faisant suite aux conflits ouverts au Niger, une "nouvelle rébellion" débute le 23 mai 2006 dans l’attaque des garnisons de Kidal et Ménaka par "l’Alliance démocratique pour le changement du 23 mai" (ADC). Sans prendre l’ampleur des crises précédentes, la médiation algérienne débouche le 4 juillet 2006 sur les Accords d’Alger. Mais après un cessez-le-feu d’une année, l’instabilité continue à régner : attaques, dépôts d’armes, enlèvements, libérations, tensions se succèdent…