50 ans d’indépendances en Afrique subsaharienne : Regards croisés

Le temps des indépendances en Afrique subsaharienne

, par CDATM

Chronologie succincte

On dit souvent que le désir d’indépendance a commencé dès le début de la colonisation. La charte des Nations unies (1945) proclamant le droit des peuples à disposer d’eux mêmes, a encouragé les peuples colonisés à s’organiser pour obtenir leur indépendance. Le cheminement fut long et difficile. Tous n’ont pas obtenu satisfaction au même moment.

En 1960 le caractère massif et inédit des indépendances africaines a marqué, à juste titre, les esprits.
Cette année est devenue le symbole de l’émancipation de l’Afrique. Le symbole, pas la réalité… La plupart de ces colonies sont francophones et se situent dans l’espace subsaharien. Des drapeaux, des hymnes inédits portent avec eux l’espoir de peuples enfin reconnus majeurs.
On peut aisément imaginer l’impact international qu’a pu avoir, à cette époque, l’accession à la souveraineté, en l’espace de quelques mois, de nombreux territoires coloniaux : 17 nouvelles nations accueillies dans l’enceinte de l’ONU…

voir le tableau reprenant la chronologie des indépendances

Le désir ardent des indépendances : un exemple au Congo belge

 Le Congo belge est devenu le Zaïre, puis la République Démocratique du Congo-.
Aujourd’hui, il est courant d’affirmer que les indépendances ont été ratées, qu’elles ont donné naissance à des régimes épouvantables, à des putschs et des guerres civiles, à de la corruption et à du tribalisme. La colonisation aurait-elle été une période de progrès et d’abondance dont il faudrait mettre en valeur le « rôle positif ». Aucune « mission civilisatrice » ne saurait justifier les conquêtes sanglantes, les villages brûlés faute de paiement des impôts, les massacres des populations rebelles, le travail forcé, la spoliation des terres, les humiliations attachées au code de l’indigénat.

Visions opposées

En témoigne la scène où se confrontèrent, dans leurs discours, le jour de l’indépendance (30 juin 1960), l’ex-colonisateur (Baudouin, roi des Belges) et l’ex-colonisé (Patrice Lumumba) :

 Baudouin (roi des Belges) : « … Pendant 80 ans, la Belgique a envoyé sur votre sol les meilleurs de ses fils, d’abord pour délivrer le bassin du Congo de l’odieux trafic esclavagiste qui décimait ses popu­la­tions (…).Il (Léopold II) ne s’est pas présenté à vous en conquérant mais en civilisateur. »

 Lumumba (premier ministre de la République du Congo) : « … cette indépendance du Congo, … nul Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier que c’est par la lutte qu’elle a été conquise, lutte indispensable pour mettre fin à l’humiliant esclavage, qui nous était imposé par la force. … parce que nous étions des nègres. ».
Extraits des discours prononcés par le Roi Baudoin Ier, le Président Joseph Kasa-Vubu et le premier ministre Patrice-Emery Lumumba lors de la cérémonie de l’indépendance du Congo à Léopolville.

Indépendance donnée, indépendance conquise ? Regard croisé

Dans la Namibie future, alors colonie du Kaiser Guillaume II, l’« ordre d’extermination » du peuple in­surgé des Herero a été donné : « …Tous les Herero doivent partir ou mourir. » ; il s’en est suivi la mort de 65 000 Herero sur 80 000. Déshumaniser l’« autre », esclave, indigène… c’est se déshumaniser soi-même : l’histoire de la colonisation concerne les colonisés, mais aussi les colonisateurs.

Les pays colonisateurs ont tendance à dire que les indépendances ont été données aux pays colonisés. En réalité, la « décolonisation » a été arrachée par les peuples colonisés eux mêmes, au cours d’un processus long et le plus souvent très violent.