Inde : Des conflits inter-religieux aux violences faites aux femmes, un pays sur le long chemin de la lutte contre les discriminations

Le système de castes en Inde

, par CID MAHT

Une division quadripartite de la société

La société indienne est organisée selon un système de castes, qui, contrairement au système de « classes sociales » occidental, ne repose pas sur des critères exclusivement matériels. Il s’agit d’une véritable division hiérarchique et inégalitaire de la société dont les fondements sont à la fois socio-professionnels, religieux, moraux et coloniaux. Les castes actuelles sont le résultat des changements sociaux en cours depuis le 19e siècle renforcés par la colonisation britannique qui, au début, associait certaines classes sociales à certaines tâches dans l’administration coloniale. La société est ainsi divisée, selon les textes fondateurs de l’hindouisme, en quatre grandes catégories qui façonnent le quotidien de la population. L’appartenance à une caste est héréditaire et ainsi attribuée à chaque individu à sa naissance, et ce pour toute sa vie. Les individus doivent traditionnellement se marier entre membres d’une même caste, voire entre membres d’une même « sous-caste ». Ce système, initialement prévu comme garant d’une certaine stabilité sociale, est aujourd’hui discriminatoire et source d’inégalités au sein de la société indienne. L’article 15 de la Constitution de l’Inde interdit les discriminations fondées sur les castes.

Les dalits

A ces quatre catégories doivent toutefois s’ajouter les intouchables, ou dalits, représentant 17% de la population, et exclus du système car exerçant des professions qualifiées d’« impures », tels que les bouchers, qui sont en contact avec le sang des animaux. En sanskrit, le terme « dalit » signifie « brisé, opprimé, tyrannisé, ou oppressé ». Cette exclusion se manifeste dans toutes les sphères de la société. De nombreux lieux sont interdits d’accès aux dalits, qui font l’objet d’une véritable ségrégation et ce, dès leur plus jeune âge. L’intouchabilité a été officiellement abolie par la Constitution de l’Inde indépendante en 1947, interdisant les classes supérieures de contraindre les dalits à exercer des activités dégradantes et humiliantes. Pourtant, la plupart des professions traditionnellement impures telles que le balayage ou le travail du cuir sont presque exclusivement exercées par cette communauté, victime de discriminations aujourd’hui encore. Pour les écoliers, par exemple, il convient de relever que 40% des établissements scolaires pratiquent l’intouchabilité lors des repas du midi, séparant les élèves issus de classes inférieurs des autres. D’autres formes de discriminations sont observées telles que la disposition des chaises discriminante dans les restaurants, l’interdiction d’entrer dans les temples des villages, la séparation des cimetières, l’interdiction d’utiliser les chemins communs du village, la faiblesse des salaires, etc.

2.5 millions de femmes dalits mobilisées pour réclamer des terres et la réforme agraire. Photo : ActionAid India, 13 avril 2013

Toutefois, des mouvements sociaux et politiques de discriminations positives ont permis à la communauté dalit d’améliorer sa condition économique, politique et sociale. Certains dalits ont par exemple été élus à des responsabilités politiques, telles que Mayawati Kumari (élue ministre en chef d’Uttar Pradesh en 2007) ou Meira Kumar (élue présidente du Parlement indien en 2009). La création de partis de castes, tels que le Republic Party of India, puis le Bahujan Samaj Party, a également permis d’accélérer ce processus. Ces partis ont notamment pu bénéficier d’alliances avec les partis traditionnels, leur permettant de faire entendre leurs revendications.

Une rigidité traditionnelle mise à l’épreuve

Il convient d’ajouter que la mobilité sociale et les changements de professions ont permis d’assouplir ce système de castes. Bien que les mariages entre membres de castes différentes restent difficilement acceptés et que l’hérédité sur laquelle est fondée l’appartenance aux castes soit toujours en vigueur, il n’existe pas d’adéquation radicale entre le métier et la caste. Aussi, les individus peuvent faire partie d’une caste ou d’une « sous-caste » se rattachant à une profession sans nécessairement l’exercer, et même exercer une profession hiérarchiquement supérieure.

Au sommet de cette hiérarchie sociale se situent les brahmanes (prêtres), suivis des kshatriya (gouvernants et guerriers), des vaishya (agents économiques, commerçants), et enfin des sudras (artisans). Toutes les castes ne sont donc pas uniformes à l’échelle nationale, la division quadripartite originelle faisant l’objet de sous-divisions supplémentaires, de « sous-castes » parfois spécifiques à certaines régions. Ces castes façonnent la société indienne de sorte que certaines ont donné lieu à des lobbies ou partis politiques.