Birmanie-Myanmar : changement rapide… et fragile !

Le Bouddhisme birman, l’autre force

, par CRISLA

Si l’armée birmane (Tatmadaw) compte 490 000 soldats, le pays compte aussi 500 000 moines, sans compter les nonnes. Si l’armée règne sur les richesses et les entreprises, les citoyens consacrent de 10 à 20% de leurs ressources à entretenir moines et pagodes. Les moines et nonnes vivent principalement de mendicité et la splendeur des lieux de culte, dorés et redorés nécessitent des offrandes incessantes. Ce bouddhisme Teravada est plus une religion en quête de pouvoir qu’une philosophie de la bienveillance. Il est imprégné de superstitions : recours aux esprits (les Nats), à la numérologie et aux astrologues. Cela explique en partie les décisions apparemment irrationnelles de la Junte.

Il est complexe d’analyser les relations de complicité et de concurrence entre ces deux forces : « Tatmadaw » [1] et « Sangha » [2]. Historiquement, le bouddhisme a été une force de résistance au colonialisme et d’affirmation du nationalisme birman. Il reste très structurant de la société, du paysage, des comportements.

En 2007, les moines ont été à l’origine des manifestations contre la vie chère et la junte les a durement réprimés, soulevant l’indignation internationale. La pire injure faite par les moines à la junte a été le « bol retourné », c’est-à-dire le refus des offrandes, soit une sorte d’excommunication. Depuis, les moines ont fait profil bas et la Constitution de 2008 les a privé du droit de vote. Il est difficile de mesurer leur action sociale (enseignement, santé etc.) mais leur visibilité dans l’espace public est bien plus évidente que celle de l’armée.

Moines

En été 2012, lors des affrontements entre musulmans Rohingyas et bouddhistes, dans l’Etat Rakhine (frontière avec le Bangladesh), les moines ont largement participé aux violences, parfois qualifiées de « nettoyage ethnique » et même de génocide, qui ont fait plusieurs centaines de morts et des dizaines de milliers de déplacés. Ils ont manifesté en septembre pour demander l’expulsion des Rohingyas vers le Bangladesh, qui ne peut évidemment pas les accueillir. Au point qu’en décembre, 17 hauts responsables bouddhistes étrangers, en particulier le Dalaï Lama, ont appelé à la fin de violences contre les Rohingyas. Avec le gouvernement, ils se sont opposés à l’ouverture d’un bureau de l’Organisation de la Conférence Islamique (OIC). En avril 2013, ont éclaté des violences meurtrières contre les musulmans du centre du pays, aux quelles des moines ont participé. Au point que certains parlent de « fascisme bouddhiste ».

Mais d’autres moines n’ont pas hésité, en novembre 2012 à manifester avec la population lésée par l’extension des mines de cuivre à capitaux chinois dans la région de Mandalay. Cette manifestation a été très durement réprimée.

Les affrontements inter religieux se cumulent donc avec les affrontements ethniques. Les chrétiens ne sont pas épargnés. Les chrétiens représentent environ 4 % de la population, principalement parmi les minorités ethniques, notamment les Karen, Kachin et Chin. Dans sa politique de lutte contre les insurrections ethniques armées, la junte birmane n’a pas hésité à instrumentaliser la religion à des fins politiques, suscitant des oppositions entre chrétiens et bouddhistes pour mieux affaiblir certaines rebellions armées.