« La santé a besoin de plus de budget, notamment pour en améliorer la gestion », déclare Temporão.

Par André Barrocal

, par Carta Maior

Ce texte a initialement été publié en portugais, et il a été traduit par Isabelle Miranda, traductrice bénévole pour rinoceros.

Selon José Gomes Temparão, ex-ministre de la Santé du Brésil, la question du renforcement financier des systèmes publics est débattue dans le monde entier. L’avancée technologique et de l’espérance de vie impose une augmentation des coûts et exige de nouvelles ressources. Dans une interview pour le site « Carta Maior », Temporão soutient l’augmentation de la taxe des cigarettes et des boissons, condamne « l’aberration brésilienne » de pouvoir déduire des chirurgies plastiques de l’impôt sur le revenu, et critique l’indemnité fédérale donnée à la convenance du client.

L’ex-ministre de la Santé, José Gomes Temparão, va s’envoler ce lundi 12 septembre pour la Chine, où vont se rassembler trois autres spécialistes (anglais, australien et thaïlandais) pour réaliser une expertise indépendante du modèle de santé chinois, à la demande du gouvernement local. Après avoir stimulé la médecine privée et avoir réduit le poids de l’investissement public, le pays tente d’inverser ce qui, pour Temporão, a été une « grave erreur » qui a produit une « crise », et maintenant, on veut savoir si les mesures fonctionnent.

« La santé est un débat qui est d’actualité en Chine, dans les pays européens et aux Etats Unis avec la réforme Obama. Tous les pays sont confrontés à des problèmes de financement de leurs systèmes, de qualité, de gestion, et au Brésil ce ne sera pas différent », affirme Temporão en interview exclusive pour Carta Maior.

Directeur exécutif de l’Institut sud-américain du Gouvernement pour la Santé (ISAGS), organe dont le siège se trouve à Rio de Janeiro et qui promeut l’échange d’expériences dans le secteur entre les pays du continent, Temporão se dit être « heureux » de voir « un fort consensus au sein du gouvernement et de la société » concernant le besoin d’argent dans le domaine de la santé.

Selon le médecin sanitaire, les systèmes de santé font débat aux quatre coins du monde pour trois principales raisons, toutes applicables au Brésil. Le vieillissement croissant de la population (toujours plus de personnes âgées nécessitent de plus de traitements). L’incorporation accélérée de la technologie à la médecine (ce qui augmente les coûts). Et la gestion. « Pour améliorer la gestion, nous allons devoir augmenter la dépense. Comment garantir l’implantation de la carte SUS à tous les brésiliens sans investir dans la gestion, dans la formation des gérants ? », interroge-t-il.

Pour lui, le Brésil a un élément qui complique la situation. L’actuel modèle de santé a été conçu lorsque le pays était plus pauvre. Au fur et à mesure de son développement, certaines maladies sont devenues des éléments passé, comme la rougeole, alors que d’autres se sont disséminées. En une ou deux décennies, le profil épidémiologique de la société brésilienne sera complètement différent.

« Cela va changer profondément le système de santé, et le Brésil n’y est pas préparé. L’une des principales raisons est la fragilité de la base financière. C’est un sophisme de dire que le problème est celui de la gestion », affirme-t-il.

Temporão soutient qu’en dix ans, le Brésil a poussé l’investissement dans la santé à 10% du produit interne brut (PIB). Aujourd’hui, ce sont plus ou moins 8%. La majeure partie (56%) correspond à des dépenses privées (assurance, consultations privées). Des données de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) montrent que pour seulement un tiers des 192 pays affiliés, la dépense gouvernementale est inférieur à la dépense privé, comme au Brésil.

L’année prochaine, les dépenses fédérales pour la santé s’élèveront à 71 milliards de réais, en accord avec la proposition de budget envoyée au Congrès. Parmi les alternatives qui ont surgies ces dernières semaines avec de potentielles sources de nouvelles ressources pour renforcer ce chiffre, l’ex-ministre du second gouvernement de Lula dit avoir « de la sympathie » pour l’augmentation de la taxe sur les cigarettes et les boissons.

On fait d’une pierre deux coups. D’un côté, on a trouvé plus d’argent. De l’autre, on freine la consommation de produits dont les effets ont été reconnus comme préjudiciables à la santé. Avec 5 milliards de paquets de cigarettes vendus par an, l’augmentation de deux réais (environ 8 centimes d’euro) profiterait au gouvernement de déjà 10 milliards de réais (4,2 millions d’euros).

« Les cigarettes, la bière et les boissons au Brésil font partie des moins chères au monde. Sauf que personne n’aime parler de ça parce que c’est politiquement impopulaire », affirme-t-il.

L’ex-ministre souligne un autre « problème délicat dont personne n’ose parler » mais qui, pour lui, s’il est surmonté, aiderait à fortifier le budget public destiné à la santé. Il s’agit de l’autorisation de la Recette Fédérale, pour certaines personnes et entreprises, de déduire de leurs impôts sur le revenu des dépenses privées de santé, ce qui enlève quelques milliards du Trésor Public. La dépense privée dans le domaine de la santé est, en moyenne, deux fois plus élevée que celle du public, quand on fait les comptes per capita.

Le problème, dit Temporão, c’est que, malgré le fait de payer des plans de santé ou des chirurgies n’obéit pas à une logique publique ou à une politique publique. « Cela signifie que si quelqu’un veut faire de la chirurgie esthétique parce qu’il n’est pas satisfait du profil de son nez ou de la taille de ses oreilles ou de ses seins, il peut le déduire intégralement de son impôt sur le revenu. Une totale absurdité, une aberration bien brésilienne », dit-il.

L’ex-ministre s’attaque encore à un autre guêpier qui pourrait être affronté, selon lui, pour garantir plus de ressources à la santé. Il critique l’indemnité que l’Etat donne aux fonctionnaires publics des trois pouvoirs (le gouvernement, le congrès et le judiciaire), à leur convenance. Cela représente plus ou moins 15 milliards de réais par an, quelque chose entre 20% et 25% des investissements fédéraux en termes de santé publique.

« Le gouvernement a compris que si on ne met pas des moyens additionnels dans la santé, nous aurons de graves problèmes à court et à moyen terme », affirme Temporão. « Et il est important qu’il soit claire pour la société que, en investissant dans le SUS, nous sommes en train d’investir dans un patrimoine que la société a construit ces 22 dernières années ».

Crée par la Constitution de 1988, le Système Unique de Santé (SUS) a été régulé par une loi (8.080 de 1990), dont l’anniversaire sera le 19 septembre 2011.