L’Accès à la terre : Une question d’actualité

La réforme agraire

, par CRIDEV

La reforme agraire a plusieurs objectifs

 Donner un accès plus équitable à la terre en réduisant la concentration foncière pour réduire la pauvreté et le nombre de sans terre,
 Promouvoir la justice sociale en donnant des droits de propriété au plus grand nombre,
 Promouvoir le développement rural en favorisant l’agriculture familiale.

Pour corriger les inégalités foncières deux visions s’opposent

D’un côté, la version libérale défend l’idée qu’il faut utiliser les mécanismes du marché pour opérer une redistribution foncière. Il s’agit, à terme, de faire en sorte que les grosses exploitations soient mieux armées pour répondre aux exigences d’une économie mondialisée.
D’un autre côté, les organisations paysannes ou de la société civile défendent la nécessité de fournir des terres aux petits paysans en s’appuyant sur le concept de souveraineté alimentaire.

Le modèle de la réforme agraire planifiée par l’Etat a pris plusieurs formes : expropriation mise en place pour créer une agriculture collectivisée (comme à Cuba) ou intervention visant à créer des exploitations relativement égalitaires (en Corée du Sud), les variantes sont multiples.
Ce modèle étatique a été supplanté par la vision libérale de réforme agraire assistée par le marché.
Les grands propriétaires, à condition d’être indemnisés au prix du marché, vont céder une partie ou la totalité de leurs terres. C’est le principe du « willing seller willing buyer » ou consentement mutuel. Appliqué notamment en Afrique australe, l’usage de ce système a rapidement montré ses limites. Les grands propriétaires se montrent rarement décidés à vendre beaucoup de leurs terres ou sinon à des tarifs prohibitifs. Et alors le programme de redistribution s’avère très lent et ne touche pas forcement les populations pauvres sans terre qui étaient visées par cette réforme. Seuls les paysans pouvant accéder à des prêts peuvent espérer acquérir des terres et l’aide de l’Etat leur est alors nécessaire. Avec le recul, les réformes assistées par le marché ne permettent donc pas d’opérer une véritable redistribution. En fait, beaucoup de gouvernements ont basé leur programme de redistribution sur un système mixte (Etat-marché).

Redistribuer la terre

Pour que la question de la terre figure aujourd’hui sur l’agenda politique des gouvernements, plusieurs conditions semblent nécessaires.
L’histoire montre que la réussite des réformes dépend de la capacité des paysans à se structurer en organisations indépendantes (comme le MST au Brésil ou les organisations paysannes en Afrique de l’ouest) pour représenter l’ensemble du monde rural (petits propriétaires, ouvriers agricoles, paysans sans-terre, coopératives, etc.).

Ces organisations paysannes doivent avoir aussi la capacité de nouer des alliances avec les organisations et les partis qui agissent au niveau national, pour que la réforme agraire soit considérée comme un élément clé d’une politique de lutte contre la pauvreté et de justice sociale (expériences de la Corée, de Taiwan ou du Kerala (Inde).
Toute réforme agraire ne peut réussir que si l’Etat s’engage dans une politique qui régule les marchés fonciers, sécurise les droits d’usage des producteurs et pas seulement les droits des propriétaires du sol, et développe les institutions locales chargées de la gestion des droits fonciers. Un dispositif efficace de gestion foncière doit reconnaître juridiquement les différentes instances de gestion du foncier (coutumier, étatique, ou collectivités territoriales ).
La question de la réforme agraire ne peut être dissociée de la stratégie de développement durable entreprise au niveau national. Le soutien de la communauté internationale peut ainsi permettre de financer une partie de la politique de rachats de terres.