La problématique du système de santé argentin

Par Francisco Luque

, par Carta Maior

Ce texte a initialement été publié en portugais, et il a été traduit par Samantha Breitembruch, traductrice bénévole pour rinoceros

Le système de santé argentin s’est dégradé quand, en 1993, la Banque Mondiale a recommandé aux gouvernements d’appliquer son ordonnance néolibérale : privatisation, décentralisations, frais de recouvrement, programmes de nutrition et de médicaments essentiels. Après le chaos de 2001, l’ère de la reconstruction du système a débuté avec Nestor Kirchner.

Comme dans la majeure partie de l’Amérique latine, le système de santé argentin s’est dégradé quand, en 1993, la Banque Mondiale a recommandé aux gouvernements son ordonnance néolibérale : privatisation, décentralisation, frais de recouvrement, programmes de nutrition et de médicament essentiels. La proposition de l’organisme multilatéral consistait à réduire l’action de l’Etat à la prestation d’un « paquet de services de santé de base ». Pour la Banque Mondiale, les autres services de santé devraient être commercialisés.

Fin 2001, l’Argentine a connu une profonde crise sociale et économique qui a conduit à la fin de la convertibilité et à la dévaluation du peso argentin. Le revenu annuel par tête est passé de 7470 dollars en 2000 à 3670 en 2003 et à 3580 en 2004. En conséquence, la population sous le seuil de pauvreté a considérablement augmenté en 2002, révélant la forte inégalité de la distribution des revenus en Argentine.

De retour à une situation normale, à travers des mesures sociales et juridiques, les nouvelles autorités ont donné la priorité aux secteurs les plus atteints par les politiques néolibérales. C’est cette logique qui était à la base des déclarations de l’ex-Président Nestor Kirchner quand il soutenait que l’éducation « ne serait pas considérée comme une dépense, mais bien comme un élément transformateur ».

La Santé a aussi commencé son processus de restauration. Selon l’OMS, la dépense publique en santé est passée de 4.58% (2006) à 9.5% (2009). L’investissement en santé argentin est le plus élevé de la région. Le budget argentin est, par exemple, 30% supérieur à celui du Brésil, 26 % supérieur à celui de l’Uruguay et 5% au-dessus de celui du Chili. En 2005, 56 % des Argentins bénéficiaient d’une couverture sociale (syndicale ou provinciale). 10 % étaient liées à des structures de médecine privée ou avaient plus d’une couverture. Les 34 % restants étaient soignés dans le système public : hôpitaux, centres de santés. Près de 60 % de la population la plus démunie a recours au service public. Ces dernières années, l’amélioration de l’insertion sociale (l’augmentation du nombre de travailleurs formels, l’élargissement du domaine des retraités et allocataires) a en partie inversé cette situation.

Pour l’économiste Daniel Maceira, la décentralisation du système en Argentine est l’un des plus grands problèmes. Vingt-quatre communes ainsi que la capitale ont des ministères de la santé autonomes qui décident des directives à suivre. Il soutient que cela instaure des barrières institutionnelles à la coordination d’une direction sanitaire commune, alors qu’une politique adéquate dans le secteur exige un accord de la Nation et des 24 équipes d’administration.

Pour les syndicats, la santé publique continue avec un modèle productif qui n’a pas atteint les bases économiques et financières des politiques néolibérales, dont les points centraux sont la précarisation du travail, le manque d’espaces démocratiques syndicaux de lutte qui expriment les intérêts des travailleurs et la présence d’un modèle syndical bureaucratique soutenu par la Confédération Générale du Travail et nourri par l’État et par les gouvernements.

Certaines de ces mesures néolibérales en santé publique visent le transfert des ressources publiques vers le secteur privé à travers des subventions à des œuvres sociales des syndicats. Ainsi, les dépenses publiques, affirme le président du CICOP, atteignent seulement 2% du PIB national, loin des 5% recommandés par l’OMS.

C’est dans les pages économiques et policières que l’on parle aujourd’hui de la Santé, affirme Jorge Yabkowsky, président de la Fédération Syndicale des Travailleurs de Santé. Les médicaments et les assurances de santé augmentent. Profit, productions et mafias. De santé collective, on ne parle guère.

Un autre type de problèmes réside dans les inégalités du système de mutuelles de santé. Ce régime, qui rend possible l’injection de ressources de l’Etat national dans les municipalités, a été établi à la fin des années 80, formant un système de distribution des ressources pour la prestation de services de santé qui conditionne en grande partie la politique sanitaire des municipalités. Ce système a polarisé les quartiers qui subissent en permanence le manque de ressources, en même temps qu’il a permis la constitution d’un groupe de grands bénéficiaires de cette politique. Un mécanisme complexe, de structure clientéliste, qui, en tant que mécanisme de distribution, produit d’importantes disparités. Par exemple, le prix d’un lit est différent à l’hôpital de Tigre et dans la ville de Malvinas Argentinas.

L’argent des mutuelles, comme dans tant d’autres fonds transférés de l’Etat aux villes, n’ont pas d’instances de contrôle claires sur leur utilisation effective qui permette de rendre des comptes sur ce qui est appliqué en matière de fonctionnement de la santé. C’est dans ce vide que se construisent la majorité des politiques de santé des villes argentines.