L’immigration en France : histoire, réalités et enseignements…

La deuxième, troisième ou quatrième génération ? : Quelle intégration ? Quelle citoyenneté ?

, par ASIAD , M’BODJE Mamadou

Guide de survie pour répondre aux préjugés sur les migrations
Illustration de Claire Robert

De quoi et de qui s’agit-il ? Sans entrer dans les querelles de définition entre seconde génération, jeunes d’origine étrangère ou immigrée, jeunes issus de l’immigration, générations nouvelles issues de l’immigration, nul critère ne semble totalement opératoire pour désigner une réalité qui échappe aux tentatives de classification juridique (certains sont français, d’autres étrangers, d’autres bi-nationaux) et d’appréhension statistique, car les estimations dépendent des variables retenues. Certains soutiennent que les jeunes d’origine immigrée (l’appellation) n’existent pas et qu’ « en faisant croire à l’existence d’une catégorie spécifique, qui n’est enregistrée ni par le droit, ni par la statistique, on contribue au travail social de dénigration qui, en soi, peut être un obstacle à l’intégration ». Ils seraient alors le fruit d’une surdétermination politique.

La question qui interroge la politique est celle de leur place dans la société. On parle alors de leur intégration oubliant qu’ils sont majoritairement français. On remarquera que certains français, constatant l’irréversibilité du phénomène, mettent en doute la légitimité de leur appartenance à la société. Depuis les marches de 1983, 1984, 1985, « l’intégration » de ces jeunes s’est faite par une mobilisation contre l’injustice de leur situation, parfois en prenant des distances avec les partis et mouvements politiques qui les avaient soutenus.

A la différence des couches précédentes de l’immigration, cette génération ne reproduit pas la situation économique des promo-arrivants (elle est née en France), et entre, par là même, dans un processus d’accélération de sa confrontation avec la société française. Elle ne conteste pas le cadre politique avec ses valeurs démocratiques et laïques, mais souhaite des formes de participation collective tenant compte de leur culture propre. Cette demande, entrait à l’époque, dans l’évolution du cadre politique européen qui donnera une plus grande latitude à partir de 1992 à des groupes de résidents désireux de se constituer en communautés. On peut faire l’hypothèse d’une tendance à l’organisation de minorités sachant utiliser à leur avantage les éléments de supranationalité qu’autorise, à l’époque, le système régulateur des Cours européennes.

Il faut aussi retenir en premier lieu que l’économie a changée : les industries qui avaient fait venir massivement les travailleurs étrangers dans les années soixante (mines, automobiles, sidérurgie), sont en crise d’adaptation et ne peuvent plus offrir de travail aux enfants des primo-arrivants. A cette mutation correspond un changement d’attitude des jeunes, passés par le système scolaire, qui vont faire du travail ouvrier le symbole du refus de la condition de leurs parents. L’addition de ces deux facteurs va freiner l’insertion sociale des nouvelles générations, dramatiser leur présence, entraîner des réactions de rejet qui vont, à leur tour, paradoxalement favoriser une intégration par la culture, le sport et le jeu politique.

C’est leur présence dans le champ politique comme enjeu et comme objet qui va, en fin de compte, déterminer de la part de la société une prise en charge de leur situation.

L’école et la famille 

Cette génération qui arrive ainsi à une existence sociale et politique dans la France des années 80, subit les effets déterminants d’une histoire individuelle et collective qu’elle ignore le plus souvent. Née aux lendemains des indépendances des anciennes colonies françaises, elle aura tendance à ne pas prendre en compte, à la différence de ses parents, le passé colonial et les luttes qui l’ont accompagné. Sa familiarité avec la société française proviendra avant tout d’un système scolaire affecté par les changements des années 60. La prolongation de la scolarité obligatoire et le passage massif de l’école primaire au collège ont, en dépit des échecs et des impasses, contribué à accroître les attentes des jeunes à l’égard de la société.

Malgré la dégradation ressentie d’un système scolaire qui ne leur offre plus les promotions dont ils rêvent, ils acquièrent une plus grande familiarité avec la société française, avec les jeunes de leur âge issus d’autres milieux. L’école va aussi créer une distanciation par rapport aux valeurs du milieu familial. Certains réussiront à l’utiliser dans une stratégie de mobilité sociale.

Les filles se montreront souvent plus habiles, car les enjeux sont encore plus grands pour elles : leur autonomie personnelle dépend plus largement de la réussite scolaire que pour les garçons. Pour ces derniers, les valeurs du groupe de pairs ne rejoignent pas nécessairement celles de l’école et prennent parfois les chemins de la délinquance. Mais dans ce cas la coupure est encore plus grande avec le milieu familial que celle que réalise le système scolaire.

Cet éloignement des valeurs du milieu familial est accru par le rôle que la télévision joue maintenant dans la socialisation au sein de la société française. Cette influence de l’image n’existait pas pour les couches précédentes de l’immigration. Elle complète celle de l’école dans la pénétration des valeurs et des modèles de la société de consommation. Elle contribue à créer des attentes nouvelles qui trouvent leur satisfaction et leurs débouchés dans l’économie de service plutôt que dans les activités de leurs parents, dévalorisées par la société, ce moment où les jeunes arrivent sur les marchés du travail.

Si la famille n’est plus un modèle, les pays d’origine ne le sont pas davantage, la méconnaissance de la langue même parlée, crée une coupure. Le désenchantement des indépendances a eu le temps d’effacer le romantisme des révolutions. Dans la comparaison qui s’établit en termes de société de consommation et de modèles culturels, les pays d’origine ont perdu depuis longtemps leur primauté face aux pays européens. A l’attachement qu’expriment encore les parents pour une certaine importance du mythe au retour va succéder pour les nouvelles générations, une part de rejet d’un modèle dont ils ressentent l’autoritarisme et l’absence de modernité.

Si le souvenir des indépendances s’éloigne, la solidarité avec le monde arabe (par exemple) va prendre d’autres formes. On retrouve aujourd’hui dans leur histoire personnelle les références aux conflits israélo-palestinien, la situation du Mali, etc. Si ces événements extérieurs créent un certain effet de conscience collective, c’est en fait aussi et beaucoup plus par rapport à des événements de la société française que celle-ci se détermine.

L’action politique et les incertitudes de l’intégration

Très souvent, la question de l’intégration des étrangers en France se mesure à partir des phénomènes globaux de délinquance/ou déviance dans les villes. Cependant, il serait intéressant d’analyser les sujets ici, sous un angle plus concret et plus direct, qui relève de ce que nous apprenons au travers de nos rencontres avec le public de la permanence « droit des étrangers » de l’ASIAD.

On remarque d’abord le décalage qui existe entre la peur et les faits réels. La délinquance, même si elle est minoritaire, est un objet privilégié des conversations et des rumeurs qui stigmatisent « les étrangers » afin de ressouder « les siens ». Il existe toujours une part d’irrationnel dans le sentiment d’insécurité longtemps entretenu par des médias alors que tout cela devrait inciter à beaucoup de prudence, surtout lorsque l’on met la délinquance en rapport avec l’immigration.

Le plus souvent, il s’agit de petite délinquance : celle qui augmente depuis longtemps, quelle que soit la nationalité du responsable, c’est à dire une violence sociale plus facilement repérable et élucidée car moins professionnelle. Tous les délinquants ne sont pas « étrangers » mais, quand ils le sont, on le met en évidence, ce qui n’est d’ailleurs nullement une excuse puisque les droits et les devoirs sont les mêmes pour tous et que cela fait porter le poids du stigmate du délinquant sur tous les étrangers.

La relative « sur-délinquance » des étrangers peut s’expliquer. Ils sont en effet une population plutôt jeune et masculine, de milieu social défavorisé, de moindre scolarisation ; des traits qui se rapportent au délinquant moyen. Et, par rapport à « l’intégration », il est difficile de se prononcer puisque personne n’a de chiffres sur la délinquance des jeunes d’origine étrangère. Mais il y a fort à parier que cette dernière ne diffère guère de celle des Français à caractéristiques sociales égales, même s’il est devenu impossible de dire aujourd’hui, sans être taxé de victimisation, qu’aux causes sociales, s’ajoutent pour les étrangers des effets d’étiquetage. L’ensemble de la situation actuelle demande un regard plus affiné au fil duquel, notons-le, à côté de la délinquance, force est d’introduire la notion plus générale de déviance, c’est-à-dire d’écart par rapport à la norme, sachant que toute déviance ne mène pas à la délinquance, puisqu’elle n’est pas forcément repérée comme un délit juridique.

Les caractéristiques sociales ou spatiales cumulées définissent pour la société le profil type du délinquant : pauvre, peu diplômé, venant des quartiers difficiles. Ce sont souvent des frustrés de la société de consommation qui s’en prennent aux symboles : voitures, magasins de sports, supermarchés, etc. Autant de marqueurs sociaux qui attirent surtout les jeunes. La société valorisant la réussite matérielle, cette dernière doit être obtenue par tous moyens, y compris illégaux. Si on ajoute à ces facteurs, les caractères sociaux moyens des étrangers en France évoqués plus haut et l’étiquetage, leur délinquance potentielle ou enregistrée s’explique facilement, surtout dans un contexte où les jeunes sont certes confrontés à l’enseignement de l’école et à celui de la « communauté », mais aussi à deux autres influences moins citoyennes. Premièrement, à celle des médias, qui donnent l’image d’une société riche dont certains sont exclus et qui multiplient les images de violence y compris dans les émissions pour enfants. Deuxièmement, quand les services sociaux plient sous les difficultés, à l’influence des mécanismes de la rue -donc parfois à la jungle- qui remplacent les précédents. Au bout du compte, beaucoup de choses se combinent pour incliner une minorité à endosser, faute de mieux et de travail, le profil, souvent plus lucratif, du délinquant.

Dans un tel contexte, les étrangers, ou perçus comme tels, deviennent le bouc émissaire idéal. En moyenne plus pauvres, ils renvoient à leurs voisins « nationaux » une perception de dévalorisation sociale : la peur de devenir un « étranger de l’intérieur ». Il faut souligner à ce titre le lien entre la ségrégation spatiale et la place que tient aujourd’hui, dans les champs politique et médiatique, l’opposition simpliste entre « nationaux » et « étrangers » qui est venue supplanter l’opposition, jusque là de premier plan, entre dominants et dominés. Cette ethnicisation de la façon dont on pose les questions sociales ignore-ou fait semblant d’ignorer- que les conflits et difficultés de cohabitation existent aussi là où les « nationaux » sont largement majoritaires : voir, il y a quelques années la cité des 4000 de la Courneuve, les Minguettes ou la cité Balzac de Vitry. Et elle feint d’ignorer que les enjeux sont en réalité sociaux malgré une apparence ethnique. Le soi-disant seuil de tolérance est plutôt un coefficient d’harmonie sociale.

Il ne faut cependant pas oublier les cas de conflits de normes au sein de certaines familles. Par rapport à ce qui précède, il est important de focaliser l’attention sur un exemple significatif : celui fourni par le conflit de normes vécu par des enfants « illégitimes » par rapport à leurs parents sénégalais et à leur pays d’origine. En préambule à ce sujet, il faut rappeler le rôle socialisant des conflits entre deux cultures : la dominante « d’accueil » et la dominée d’origine, lesquelles sont des marques durables dans l’esprit de l’individu. Mais ces conflits mettent assurément en position inconfortables des enfants et notamment des filles « piégées » entre plusieurs normes, et à dire vrai, aussi leurs parents en retour. L’exemple des filles d’origine sénégalaise évoqué ici, est applicable à d’autres nationalités.

Comme le dit l’une d’entre elles, les « premières filles ont été mariées et ont essuyé les plâtres. B... a abandonné ses études, mais cela a vacciné les autres qui ont pris un chemin différent. « Quand la famille du bled nous rend visite, nous les enfants nés en France, on n’a rien à leur dire ; on se sent très éloignés. Ici, on est beaucoup plus libres qu’au Sénégal ; pour la famille restée au pays, nous sommes des filles perdues, des fausses musulmanes si nous sommes françaises et nous avons trop étudié pour faire de bonnes épouses ; tant mieux, car cela nous évite les mariages arrangés (…). »  

On devine dans ce témoignage le rôle capital de la réussite scolaire, notamment dans les revendications d’égalité, quitte même à accepter parfois le port du tchador ou les tâches ménagères pour que le père laisse suivre une scolarité normale dont il applaudira d’ailleurs fièrement la réussite devant tout le monde. Par « diplomatie », la mère et les enfants peuvent continuer d’affirmer le primat de l’autorité paternelle, mais le père lui-même est susceptible de connaître une crise d’identité sociale en tant qu’époux par rapport au statut modernisé de la femme, et analphabète par rapport aux enfants plus instruits et imprégnés de culture française par l’école, Sénégalais vivant en France et musulmans en « terre chrétienne ». Ces contradictions sont éventuellement aggravées pour lui par le chômage qui sape davantage encore une autorité reposant sur son statut de travailleur pourvoyeur des ressources matérielles de la famille.

Mais, poursuit notre témoin, « mon père a beaucoup changé entre le premier et le dernier enfant, il fait des concessions même s’il ne le dit jamais clairement ; il a toujours peur des femmes libres (…) donc il faut les marier... Et pour ses vacances, on l’accompagnera à l’aéroport d’où il partira pour le Sénégal comme si c’était un retour définitif ; mais nous on restera ici (…). Quant à ma mère, elle s’est mise à travailler et à apprendre le français qu’elle connaît aujourd’hui bien mieux que mon père. » Et sans le dire forcément ouvertement, cette mère rêve pour ses enfants d’un statut de la femme qui ne soit pas le sien.
Malgré ces évolutions, de nombreux parents -et parfois les frères surtout s’ils n’ont pas été scolarisés et donc socialisés en France- ont du mal à maîtriser la situation car ils ne reconnaissent plus leurs enfants : « une fille d’immigré qui ne sait pas parler la langue d’origine (…) c’est une fille facile. Les enfants nés en France sont les enfants de la subversion ; la France nous a pris nos enfants. » Et pourtant, une partie de la France les stigmatisent.

Les nouvelles générations face aux pratiques administratives 

On remarquera une certaine continuité dans la norme des politiques mises en œuvre depuis ces dernières décennies. Oublier cette continuité, ne pas s’interroger sur les ambiguïtés qu’elle recouvre, c’est aussi refuser d’en apprécier l’impact sur l’opinion. A ce niveau, la conséquence principale a été le développement dans l’imaginaire collectif d’une double suspicion. D’abord celle qui conduit à voir dans tout étranger un clandestin qui sommeille. Elle repose sur le glissement, dans le discours politique et les représentations médiatiques, du constat de l’illégalité de la situation administrative de certains à l’idée d’une illégalité potentielle du plus grand nombre.

Ce glissement permet de justifier -à priori- les contrôles systématiques exercés par les forces de l’ordre sur la place publique, dont la fréquence vient, en retour, renforcer l’opinion dans le sentiment que ces étrangers-là sont bien -potentiellement, sinon réellement- une « menace à l’ordre publique ». A cette première dérive s’ajoute une seconde qui déplace le problème du registre de la légalité à celui, plus flou et plus ambigu, de la légitimité.

La confusion est ici entretenue par le rapprochement opéré entre la menace que ferait pour certaines populations soupçonnées d’être prêtes en permanence à franchir illégalement les frontières - « clandestins potentiels » dont le « déferlement » mettrait en péril la sécurité et l’intégrité de notre société- et la présence de leurs proches déjà installés à l’intérieur. L’idée suggérée cette fois par cet amalgame est que, même légale, cette présence n’est pas forcément légitime.

Cette dérive (en deux temps) du thème de l’illégalité à celui de l’illégitimité conforte, dans l’imaginaire social, le sentiment diffus que l’intégrité de notre société serait doublement menacée par l’immigration, à l’extérieur comme à l’intérieur de nos frontières. Beaucoup de ceux déjà de l’intérieur sont -et restent- des gens de l’extérieur. L’emprise de cette construction idéologique est attestée par de nombreux discours politiques récents développant la thèse selon laquelle l’immigration sous ses différents aspects constitue une menace pour la paix civile, mine nos institutions et remet en cause notre souveraineté nationalité. Surtout, cette partie de population immigrée qui refuse l’assimilation comme le retour et, par cette attitude, menace notre identité culturelle.

« L’identité nationale au centre de la discussion ». La menace du clandestin semble n’être agitée que pour préparer les esprits à accepter d’autres mesures pour faire face à d’autres dangers potentiels de l’immigration. Il est désormais clair, en effet, que l’enjeu va au-delà du renforcement des moyens de police pour un contrôle plus efficace de la situation administrative des étrangers installés en France. En réalité, ce n’est pas la présence des étrangers en soi qui est en cause, mais plus spécifiquement celle de certaines catégories de population, par-delà de la qualité juridique (Français/Étranger) où la situation administrative (régulier/illégale) de leurs membres.
La suspicion qui gagne encore touche cette fois à la fiabilité des critères et procédures autorisant l’accès légal non plus seulement au territoire national, mais à la communauté nationale. C’est cette logique qui a fondée et donnée corps à la dernière réforme du code de nationalité, lequel renvoie symboliquement l’imaginaire collectif au fantasme d’une transgression des normes, d’un franchissement abusif des lignes de partage, d’une violation des frontières. Plus que ces aspects, ce sont bien ses fondements, sa philosophie et ses objectifs qui méritent notre attention.

A son principe, cette idée d’une communauté nationale menacée parce que certains de ses membres bénéficient légalement des attributs de la citoyenneté sans en avoir la légitimité. Son objectif : éviter que ne se perpétue ce laxisme coupable d’une loi inopérante et pourquoi pas, en poussant cette logique à son terme, obtenir la remise en cause de la nationalité et la citoyenneté de ceux dont la filiation et donc la fidélité ne seraient pas garanties.

Pour illustrer cette suspicion, nous prenons ici l’exemple d’une situation présentée par Monsieur ND... dont le fils âgé de 19 ans rencontre des difficultés auprès du Consulat de France à Dakar (Sénégal), qui refuse de lui délivrer un passeport parce qu’il conteste l’âge de l’enfant estimant ainsi que le certificat de nationalité française qu’il a présenté ne lui appartenait pas. Le Consulat de France ira jusqu’à lui demander de passer un examen osseux malgré les attestations fiables de deux médecins locaux et les doutes qu’imposent les résultats des examens osseux en général, ainsi que, les nuances en termes d’appréciations juridiques et médicales que conseillent les experts au regard de la qualité des informations qui résultent de ces examens.
Il existe plusieurs méthodes : celle de Grwlichet Pyle, celle de Risser, celle de Tânner-Whitehouse... Parmi ces méthodes (radiographiques), la plus courante et la plus facile à réaliser repose sur la radiographie de la main et du poignet gauche. C’est la technique que l’on intitule « détermination de l’âge osseux ». Ces clichés radiologiques sont en effet comparés à ceux d’un atlas de références établi en 1935 à partir d’une population de race blanche, née aux États-Unis, d’origine européenne et de milieu familial aisé, destiné non pas à déterminer avec précision une page civile, mais à déceler certaines pathologies, notamment des retards de croissance de l’enfant ou adolescent.

Le premier passage du père de l’enfant à l’ASIAD date de novembre 2011, il a fallu intervenir auprès du Consulat, du Ministère des Affaires Étrangères et du Ministère de l’Intérieur pendant plusieurs mois, pour qu’enfin, au mois de Juillet 2012 (le changement de Président suite aux élections présidentielles y-est-il pour quelque chose ?) le Consulat lui délivre un visa sur son passeport sénégalais du fait qu’il a la double nationalité et depuis, il dispose d’un passeport et d’une carte nationale d’identité. Il continue actuellement ses études dans un lycée français parisien. On voit bien combien est forte la cohérence idéologique de tous ces discours qui stigmatisent et dénoncent -presque comme une seule et même réalité- les « clandestins » qui franchissent illégalement les frontières du « territoire national » et les « clandestins » qui franchissent illégitimement celles de la « communauté nationale ».

C’est en cela que la philosophie sous-jacente au projet d’une nouvelle forme de réforme du code de la nationalité est pernicieuse. Il actualise une volonté déjà ancienne de marquer certaines populations d’un stigmate d’extraneïté qui les exclut irrémédiablement de la communauté qui a légitimement droit de cité sur le territoire national avec pour toile de fond, une hiérarchisation des origines où le qualificatif de « culturel » s’est substitué à celui de « racial », et pour horizon l’idée d’une homogénéité de l’ensemble européen. La demande qui était latente et qui demeure est celle d’un renouvellement des procédures du partage des populations amenées à résider sur le territoire national qui dépasse la simple et traditionnelle distinction juridique entre national et étranger.

D’un côté, il y aurait ceux dont les traits s’accordent à une certaine conception de la société française et obéissant à ses normes et à ses valeurs dominantes, et qui doivent légitimement jouir de tous les attributs du droit de cité, même s’ils ne sont pas des nationaux. De l’autre, ceux, qui en raison de leurs « spécificités », de leurs « caractéristiques hors normes », de leurs « différences », sont jugés inassimilables et ne sauraient prétendre à la même légitimité, même si ce sont juridiquement des nationaux.

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Références biliographiques :
 LEVEAU (R), WITHOL DE WENDEN (C) : La deuxième génération, Revue Pouvoirs n° 47, PUF, 1988.
 SCHNAPPER (D.) : La communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de la nation, NRF essais, et La France de l’intégration, Ed. Gallimard, 1994.
 Dr. DIAMANT-BERGER Odile, Maître de conférences des Universités Médecine Légale, Expert agréé par la Cour de Cassation, chef du service des urgences médicaux judiciaires, Hôtel-Dieu Paris ; Actes du colloque : Quelle protection en Europe pour les mineurs isolés, France Terre d’Asile, 27 octobre 2000.