Côte d’Ivoire : Les questions clés de la crise ivoirienne

La dérive nationaliste

, par CDTM 34

Cette dérive nationaliste se traduit par des discours xénophobes accusant les étrangers d’être la cause de la crise économique que traverse la Côte d’Ivoire et de l’augmentation du chômage. Ils oublient de mentionner que les ouvriers agricoles burkinabés, maliens, ghanéens, togolais... ont été les artisans essentiels du miracle économique des « vingt glorieuses ». Cette dérive prend aussi une autre forme : le développement du concept « d’ivoirité », véritable outil de bataille politique.

Outre la fin du miracle économique, la mort d’Houphouët-Boigny a aussi annoncé le début de la guerre de succession pour la présidence de la République. Ce conflit oppose trois prétendants : Henri Konan Bédié, le dauphin d’Houphouët-Boigny au PDCI (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire) président de l’Assemblée nationale ; Alassane Ouattara, « l’homme du Nord », président du RDR (Rassemblement Des Républicains) et ancien premier ministre d’Houphouët ; et Laurent Gbagbo, l’opposant historique et son parti le FPI (Front Populaire Ivoirien).qui appartient à l’Internationale socialiste. Comme le veut la constitution ivoirienne, c’est H.K.Bédié en sa qualité de président de l’Assemblée qui assure l’intérim à la présidence.

Pour préserver son pouvoir, Bédié lance une réforme du code électoral stipulant que pour se présenter aux élections, il faut être né de père et de mère d’origine ivoirienne. Cette décision de Bédié est clairement dirigée contre Ouattara, son principal adversaire pour la présidence, qui est ivoirien mais dont le père est d’origine burkinabé. L’opposition, en protestation contre cette règle, boycotte les élections présidentielles de 1995, ce qui profite à Bédié qui est élu à plus de 96% des suffrages. Bédié fait alors inscrire cette réforme du code électoral dans l’article 35 de la constitution.

Le 24 décembre 1999, le général Gueï prend le pouvoir par un putsch et promet de réviser l’article 35 pour de futures élections mais il refuse à Ouattara le droit de se présenter en raison de sa nationalité douteuse et écarte Bédié de l’élection pour cause de corruption. Gueï pense ainsi s’assurer la présidence, mais il méconnaît la popularité de Laurent Gbagbo qui gagne l’élection présidentielle de 2000. Ce dernier, une fois élu, ne remet pas non plus en question l’application du principe d’ivoirité et entretient les clivages ethniques dans son pays.

Le coup d’État raté des rebelles du MPCI (Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire) contre le gouvernement de Laurent Gbagbo, le 19 septembre 2002, trouve dans la remise en cause de l’ ivoirité une de ses principales motivations. Le divorce est alors consommé entre le Nord et le Sud : à un clivage idéologique s’est ajoutée une partition territoriale du pays.

L’élection présidentielle, maintes fois reportée depuis la fin du mandat constitutionnel de L. Gbagbo en 2005, est annoncée pour mai 2010. L’ONU et la France considèrent que l’organisation de ces élections est « la priorité » pour mettre fin à la crise politique et à la partition du pays. Une opération d’identification de la population et de réactualisation des listes électorales, confiée à la Commission Electorale Indépendante et financée par les institutions internationales, est en cours depuis des mois. Début 2010, cette commission est dissoute par le président au motif qu’elle agirait frauduleusement. Le pays s’enflamme et les manifestations sont durement réprimées par les forces de l’ordre. La question du déni de nationalité continue d’être au cœur du conflit.